Évidemment, Vladimir Poutine, 71 ans, va rester Président de la Russie jusqu’en 2030 au moins. Autant que Staline aux grandes et tragiques heures de l’URSS.
Iran, Chine, Cuba, Venezuela, Corée du Nord : ses alliés de toutes les plus grandes démocraties du monde ne s’y sont pas trompés, se précipitant pour le féliciter pour sa réélection exemplaire.
Mais là n’était pas l’intérêt d’un scrutin dont on connaissait le résultat, truqué, d’avance.
Alors quel était l’enjeu de cette parodie d’élection ?
Dans un pays où il n’y a pas de libertés politiques ni de liberté d’expression, où les leaders de l’opposition ont tous été arrêtés, poussés à l’exil ou assassinés, il s’agissait de se saisir de ce temps fort politique pour montrer qu’il existe bien, encore et toujours, de nombreux opposants à Vladimir Poutine en Russie, contrairement au discours du pouvoir et au prétendu résultat des urnes.
« Midi contre Poutine » fut le dernier mot d’ordre passé par Alexeï Navalny avant sa mort.
Un mot d’ordre repris par sa veuve, Ioulia Navalnaya et des milliers de Russes dans le monde : il s’agissait, pour les citoyens russes opposés au régime, d’aller voter tous au même moment à midi. L’objectif était de réunir devant chaque bureau de vote une vraie foule formant une file d’attente dans le calme et dans un cadre légal, celui du scrutin, échappant ainsi à tout risque venu des services de sécurité.
Malgré le danger qu’il y a à exprimer un désaccord en Russie, malgré la difficulté matérielle à transmettre un tel mot d’ordre pour que tous les électeurs en soient informés, malgré l’intimidation des forces de sécurité, partout depuis les grandes villes de l’Extrême-Orient jusqu’à la plus libérale Moscou, « Midi contre Poutine » a existé, réunissant parfois plusieurs centaines d’opposants silencieux.
Opération réussie, qui a permis à la fois à la communauté internationale et aux Russes en désaccord avec le Kremlin de prendre conscience qu’une sourde contestation du pouvoir existe. Jusqu’après sa mort, Alexeï Navalny continue de donner du courage aux opposants et de semer les graines, un jour futur, du changement de régime à Moscou et de la liberté retrouvée, pleine et entière, de leurs cousins d’Ukraine.
Michel Taube