Pour notre rubrique Opinion Eco & Entrepreneurs, Robert Yakan, 46 ans, Président-fondateur de Birdim Immobilier et Habitat social, interpelle le nouveau ministre du logement, Guillaume Kasbarian, et lance des propositions disruptives pour sauver un secteur, l’immobilier et le logement, aussi vital que menacé.
Robert Yakan, issu du secteur du logement social, se définit comme « un entrepreneur engagé au service de l’intérêt général et du bien commun », qui essaie de répondre à un besoin primaire : se loger. »
Fondée en 2017, Birdim a pour ambition d’apporter des solutions pour répondre à la crise du logement en France. Pour Robert Yakan, « la crise du logement résulte d’une inadéquation entre l’offre et la demande, d’un excès de réglementation, d’un émiettement des processus décisionnels, d’un excès de financiarisation de l’immobilier et de l’habitat social et des effets négatifs de la « métropolisation ». La décentralisation a favorisé la création de structures nouvelles, mais qui ont eu pour effet de ralentir, pour des raisons administratives, le processus de production de logements. L’autre problème, plus récent, est la financiarisation excessive de l’immobilier : la finance, pour laquelle j’ai beaucoup de respect car elle est par ailleurs nécessaire, a investi dans les actifs immobiliers les plus rentables et faciles à gérer. Elle a contribué à l’augmentation de leurs prix, avec un effet de contagion à l’ensemble du secteur immobilier, qui aujourd’hui se retrouve complètement “à l’arrêt ”, c’est vraiment le mot. »
Et Robert Yakan d’ajouter : « Le logement est aujourd’hui dans une crise comparable à celle de l’hiver 1954 qui avait provoqué le célèbre appel de l’Abbé Pierre.
Cette crise est inédite et très violente car il s’agit à la fois d’une crise de l’offre, de la demande et de l’accès au logement. Les ménages ne peuvent plus emprunter pour acheter, les promoteurs ne peuvent plus vendre leurs programmes, le marché locatif est saturé, les transactions dans l’ancien sont grippées et le secteur du BTP est à̀ l’arrêt. Cette situation et ces différents facteurs vont aggraver la situation économique et financière de la France. Pour 2023, le déficit public s’est finalement établi à 5,5 % du PIB. Soit un niveau beaucoup plus important que celui prévu par le gouvernement. L’absence de vision du gouvernement pour le l’immobilier, le logement et le BTP est en partie responsable de la baisse des recettes et de ce dérapage.
Les leçons d’une réussite
Birdim a développé un portefeuille foncier qui représente 7000 logements en zones tendues en s’appuyant sur un modèle novateur, et même disruptif, de production des logements : « nous achetons le foncier au meilleur prix, poursuit Robert Yakan, pour faire baisser le prix des logements. Pour cela, nous avons développé une série de techniques, qui vont de l’implication dans le projet du propriétaire du foncier à l’achat de terrains à bâtir sans aucune condition suspensive. Cela présente certains risques puisque nous achetons avant d’avoir le permis de construire. C’est ensuite que nous entamons la discussion avec les collectivités locales, avec lesquelles nous co-construisons le projet.
Très concrètement, et à la différence d’autres promoteurs qui vont acheter un terrain au prix fort avec une kyrielle de conditions suspensives, lesquelles vont ensuite revenir négocier le prix à la baisse avec le vendeur quand apparaîtront des difficultés en cours de route, nous nous engageons fermement avec les vendeurs, sans condition et sans délai, ce qui nous permet d’obtenir des baisses de prix significatives. Et les vendeurs se montrent satisfaits, au point que nous avons construit avec nombre d’entre eux des relations de confiance dans la durée, parfois depuis 25 ans. Notre modèle peut paraitre risqué mais il fonctionne et c’est une réussite : en effet, notre matière première étant le foncier, si nous arrivons à en faire baisser significativement le prix, tout devient plus facile ensuite pour la vente, au meilleur prix, et donc pour la promotion. Enfin un modèle mathématique interne, basé sur des algorithmes multidimensionnels avancés, nous permet de limiter fortement les risques et de maitriser nos acquisitions sans condition suspensive.
La loi SRU demande que dans chaque permis de construire pour du logement collectif, il y ait une part de logements sociaux et de logements intermédiaires. J’en suis ravi, et d’ailleurs la remise en cause actuelle de la loi SRU est pour moi une erreur : les solutions envisagées ont déjà été essayées dans les années 2000 – les logements construits avec l’aide de PLI (Prêts Locatifs Intermédiaires) avaient été inclus dans le contingent des obligations de la loi SRU – et cela n’avait pas fonctionné. Il est regrettable que l’on manque d’imagination et de vision au point de réutiliser les vieilles recettes qui ont échoué. »
Proposition au ministre du logement Guillaume Kasbarian
Pour Robert Yakan, « ce modèle est reproductible à l’échelle nationale et est même susceptible de résoudre la crise du logement ». Pour cela, il avance une proposition choc au nouveau ministre du logement, Guillaume Kasbarian : « Aujourd’hui, la politique du logement en France, c’est 38,2 milliards d’euros par an. Sur cette somme, 20 milliards correspondent aux APL, auxquelles on ne peut pas toucher. Les 18,2 autres milliards sont des aides fiscales et des aides à la pierre qui sont censées aider à la production et à la rénovation de logements mais qui n’ont en réalité qu’une conséquence néfaste : augmenter le prix du foncier et, in fine, renchérir le prix de vente des logements. Il faut donc supprimer radicalement ces 18,2 milliards d’aides aux promoteurs payés par les contribuables. Cela fera rapidement baisser les prix du foncier et permettra de relancer la construction : nous aurons alors vraiment le choc d’offre qu’a annoncé le Président de la République. Pour être précis, nous ne ciblons et souhaitons supprimer que les aides qui ne favorisent pas directement l’accession à la propriété des Français. Ainsi et à l’inverse ce qui a été fait depuis 2017 nous sommes favorables à l’APL accession, supprimée en 2018, et à un élargissement du Prêt à Taux Zéro (PTZ) qui lui a été progressivement restreint depuis 2017.
15 à 20 ans seront nécessaires pour construire autant que de besoin, des logements qui seront à des prix accessibles, ce qui permettra à terme de réduire les APL, si on le souhaite. »
Et le professionnel de l’immobilier qui se fait visionnaire d’ajouter : « Notre pays traverse une crise sociétale et aussi une crise institutionnelle. Nous connaissons des excès de décentralisation, de déconcentration des services de l’Etat, mais aussi une crise de l’économie, de l’emploi, de l’autorité, de la sécurité : face à cette crise aux multiples facettes, nos dirigeants doivent absolument s’emparer de la question du logement, qui correspond à un besoin primaire de la population. »
Ce n’est là qu’une partie des propositions que Robert Yakan s’apprête à lancer dans le débat public à travers un essai en cours de rédaction : « si je souhaite consacrer du temps et de l’énergie à ces sujets, c’est pour partager une vision et apporter des idées, parce que je suis un acteur engagé au service de l’immobilier et de l’habitat social, mais aussi au service de l’intérêt général. Et que je ne voudrais pas qu’à force de renoncements notre pays finisse par tomber dans le populisme du Rassemblement National. »
Michel Taube