Opinion Paris 2024
21H50 - samedi 30 mars 2024

Contes de fées ou pas… Dans les yeux de Paris 2024, la chronique #8 de Frédéric Brindelle

 

Madeleine Malonga vs Audrey Tcheuméo : laquelle de ces deux championnes participera aux JO Paris 2024 ?

 

Rasta Rockett appartient à cette liste de films que petits et grands racontent allègrement lors de soirées festives. Tous se souviennent des quatre Jamaïcains débarquant aux Jeux Olympiques d’hiver avec leur bobsleigh de fortune. Le quatuor subit les moqueries mais se réjouit de participer, tel est bien là « le plus important » ; avant de s’offrir une sortie touchante, saluée par un public admiratif. 

Ce scénario efficace s’appuie sur une histoire vraie, favorisée par l’humanisme olympique.

Aller aux Jeux, pour certains, relève d’une opportunité improbable. Pour d’autres, en revanche, cela ressemble à un chemin cruel, semé d’embûches.

Le principe pour intégrer les épreuves dépend d’une part, de la réalisation de minima de performances ou du gain de tournois qualificatifs (TQO). D’autre part il répond à la nécessité d’une représentativité géographique la plus vaste possible.

Ces Jamaïcains débarquèrent aux Jeux de Calgary en 1988 grâce à une place laissée vacante qui revenait de fait, à des pays américains.

Ce cas s’apparente à celui d’un modeste skieur de fond, domicilié dans les Alpes, détenteur de la double nationalité franco-algérienne. Grâce à l’un de ses passeports, il participa aux courses de l’édition de Turin 2006 en récupérant une place non pourvue, réservée par principe à l’Afrique. Il participa sans briller mais le drapeau algérien pouvait flotter.

Ces histoires savoureuses se produisent plus facilement dans le cadre des Jeux d’hiver, qui excluent naturellement une partie des pays de la planète, privés de glace et de neige.

Mais les Jeux d’été regorgent également de ces contes de fées.

 

Sydney, en 2000, théâtre d’une histoire tout autant singulière.

Le nageur de la Guinée Equatoriale, Patrick Moussambani, obtint sa participation grâce à une dérogation réservée aux pays en voie de développement. N’ayant pas le niveau de qualification requis, le piètre nageur au sens propre du terme, concourut seul dans la piscine lors des séries, devant les caméras du monde entier, soutenu par les commentateurs mi hilares mi inquiets, qui craignaient de le voir se noyer.

Un cycliste Kosovar tenta bien de rester plus de 10 kilomètres dans la roue d’Alaphilippe et consorts lors de l’épreuve en ligne sur route de Rio 2016, en vain !

Un tennisman des Bahamas, dont le meilleur classement mondial restera une 886ème place, gardera en souvenir ses deux jeux arrachés à l’Argentin Calleri vainqueur 6-1 6-1 sur un court de Pékin en 2008.

Ces scènes attendrissent inévitablement, honorent la vocation universelle de l’olympisme mais restent indigestes pour de nombreux champions frustrés par le peu de places disponibles pour les meilleurs.

En tennis de table, la Chine détient les quatre meilleurs mondiaux dans son escarcelle. Quotas par pays obligent, deux d’entre eux, seulement, pourront défendre leurs chances dans le tournoi individuel. Tout laissait croire que la Chine aurait trusté les trois premières places sur le podium si les quatre cadors avaient pu défendre leurs chances. Une aubaine pour nos nouvelles stars, les frères Lebrun. Félix, le plus jeune pointe à la cinquième place mondiale et devient du coup, médaillé de bronze potentiel si la hiérarchie se vérifie. 

En Canoë Kayak, deux des trois places réservées à l’équipe de France sont connues depuis octobre dernier. La troisième connaîtra son détenteur uniquement en juin, lors d’un TQO de Kayak cross. Les rapports de force varient tellement d’une discipline à l’autre qu’il semble impossible pour les athlètes de préparer avec la même sérénité Paris 2024, vous en conviendrez.

 

Une sélection sans condition de performance

Le cas des sports collectifs nous soumet un autre dilemme. Le pays organisateur accède aux tournois olympiques sans aucune condition de performance. De ce fait, la présence de certaines de ces équipes affaiblit considérablement le niveau général.

Le très germanique handball se souvient de Londres 2012 et Sydney 2000. L’équipe britannique créée en 1969 n’avait jamais participé à des phases finales de compétitions internationales. Une équipe a ainsi été recréée de toute part pour le tournoi olympique grâce à des petites annonces et la sollicitation de tous les handballeurs binationaux existant. Tout comme son homologue australienne, habituée quant à elle aux défaites par plus de 20 buts dans les championnats du monde, elle s’inclina largement lors de tous ses matches, devant des fans médusés par tant de faiblesse.

Autre exemple, celui de la Chine qui aura tenté de développer son football national à coups de milliards pour créer une dynamique au service de sa sélection avant Pékin 2008, sans aucun succès.

Du coup, à chaque Olympiade, des nations talentueuses non qualifiées par manque de places, ressentent une immense frustration à cause de la présence de ces équipes indignes d’une si prestigieuse compétition.

 

Et la France ?

La France relève à son tour quelques défis pour l’été prochain. Nos hockeyeuses sur gazon découvriront le haut niveau à cette occasion. Les équipes de waterpolo, habituées à un rôle de figurants, se retrouvent dans le grand bain. Les garçons se donnent des objectifs ambitieux confortés par leur accession aux demi-finales des derniers championnats du monde. L’organisation des Jeux doit inciter le pays hôte à développer un maximum de pratiques sportives. La France saisit l’occasion.

Le destin d’un champion dépend pour beaucoup de sa nationalité. Implacable réalité des sports collectifs ! Le basketteur légendaire de 2 mètres 31, Gheorghe Muresan n’aura par exemple, jamais participé aux Jeux. Son pays, la Roumanie ne parvient pas à exceller sur la scène internationale. En revanche, un volleyeur né au Brésil ou un handballeur s’il est Français, escompte logiquement une médaille.

Dans les sports individuels, la concurrence au sein d’un pays produit son lot de regrets. Les deuxièmes meilleurs nationaux derrière les imbattables Michael Phelps, Teddy Riner, Serguei Bubka, Simone Biles, doivent se résigner et regretter de ne pas appartenir à une autre génération. A moins d’opter pour un changement de nationalité. Parfois ils évoluent au niveau d’une médaille d’argent ou de bronze olympiques. Mais ils ne participeront jamais aux Jeux.

Autre scénario concurrentiel : en judo, dans la catégorie féminine des moins de 78 kg, la France compte actuellement dans ses rangs, deux favorites pour le titre, Madeleine Malonga et Audrey Tcheuméo. Malheureusement, un pays ne peut présenter qu’un seul concurrent par catégorie. Ainsi, ces deux championnes combattent actuellement sur tous les tatamis du monde pour séduire leur direction technique nationale, incapable de trancher pour l’instant. Ce sera soit l’une soit l’autre à Paris !

Certains deviennent des icônes nationales parce qu’ils demeurent le seul champion olympique de l’histoire de leur pays. D’autres savourent la médaille d’or dans l’anonymat, noyés dans la liste d’une délégation récompensée par plus de vingt titres.

Ainsi s’écrivent les pages légendaires des Jeux Olympiques. A chacun sa place.

 

Frédéric Brindelle
Journaliste, chef de rubrique « Opinion Paris 2024 »