Dettes, dettes, dettes, depuis plusieurs semaines, politiques et journalistes n’ont que ce mot à la bouche ou sous leur plume.
Pourtant, malgré le creusement de notre déficit, et donc l’augmentation de notre dette, les marchés financiers nous montrent que cette dette n’est pas le problème. Si on regarde l’évolution des écarts de taux entre la France et l’Allemagne sur les obligations d’Etat de maturité 10 ans, le fameux spread OAT/Bund, l’écart n’a quasiment pas bougé en un an ! Nous sommes passés de 50 à 53 points de base, autrement dit 0,03% de hausse.
Pour les marchés financiers, la signature de la France vaut la même chose qu’il y a un an, quand notre déficit était moins gigantesque !
L’appréciation de la signature France peut se comprendre aussi comme le risque de détenir de la dette française. Pour les grands investisseurs internationaux, ce risque sur un an n’a pas augmenté.
Par contre si on regarde sur une période plus longue, entre le moment où Emmanuel Macron était ministre de l’Économie et aujourd’hui par exemple, cet écart de taux, ce risque est passé de la zone 25 points de base à 50, un risque qui a doublé !
Au fur et à mesure, la confiance en notre dette, en notre économie, s’érode. Les niveaux restent largement plus qu’acceptables, nous ne sommes ni l’Italie ni l’Espagne, mais néanmoins, notre capacité à bien gérer nos déficits et notre Économie est moins bien perçue.
Emmanuel Macron a donc parfaitement raison lorsqu’il tance Bruno Le Maire en lui disant que cela fait 7 ans qu’il est en charge de notre dette, et qu’il ne peut découvrir ce problème à l’occasion de la sortie de son dernier livre. Mais nous pourrions tous répondre au Président que cela fait plus de dix ans, qu’en tant que ministre de l’Économie puis Président il a en charge la gestion de notre pays. Or c’est là que le bât blesse !
La dette n’est que la résultante d’une politique économique. Si notre dette augmente, c’est que notre déficit augmente. Le déficit est la différence entre nos recettes, les impôts que nous payons, avec un taux de prélèvement obligatoire parmi les plus élevés, et les dépenses, les dépenses publiques à la fois pour l’investissement dans nos infrastructures, dans notre avenir pour le fonctionnement de l’Etat.
Depuis plus de dix ans, nos gouvernements successifs ont été strictement incapables de réduire les dépenses publiques. En 7 ans, 60 000 fonctionnaires de plus. Un système scolaire qui s’effondre, mais pas que. La Santé, la Justice, la Police, l’Armée, nos routes, notre diplomatie, etc… tout ce qui incarne l’action publique part en lambeaux.
Nous dépensons toujours plus mais sans chercher à auditer, à faire un bilan, à optimiser, à moderniser, à transformer. On dépense, mais les outils de l’Etat sont partout obsolètes. On parle Intelligence Artificielle, mais encore faudrait-il avoir des ordinateurs de dernière génération ! De quand datent les ordinateurs dans les bureaux des fonctionnaires de Bercy, dans nos tribunaux ou nos commissariats. Est-il acceptable, en 2024, qu’un grand hôpital comme l’hôpital Pompidou soit obligé de faire appel à la générosité pour acquérir un nouveau scanner ?
Plus de dix ans ! des outils obsolètes ! et pourtant nous dépensons toujours plus : nous versons l’argent public dans un puits sans fond !
On dit souvent que quand on se regarde on se désole et quand on se compare on se console. Le problème en France est qu’on ne se regarde pas vraiment, nous sommes incapables d’analyser en profondeur le fonctionnement de l’Etat, et donc de diagnostiquer les problèmes, d’y remédier. Nos gouvernants cherchent à nous consoler en fermant les yeux sur les vrais sujets de gouvernance, et nous nous désolons en nous comparant, en regardant les écarts de taux entre la France et l’Allemagne, le thermomètre de notre incapacité à agir !
On comprend ainsi mieux les réflexions du Centre Droit et des LR sur une motion de censure à l’examen d’un tel bilan budgétaire des gouvernements Macron. Il est peut-être temps, en effet, de respecter la volonté des Français lors des dernières élections législatives : un contrat de gouvernement entre Renaissance, LR et le Centre Droit, une gouvernance équilibrée sur le régalien, sur une économie en même temps sociale et libérale, avec une véritable action sur le fonctionnement de l’Etat, sur les dépenses publiques, et donc sur notre dette !
Patrick Pilcer
Conseil et expert sur les marchés financiers, président de Pilcer & Associés, Chroniqueur Opinion Internationale