Dans 100 jours nous y serons !
La date symbolique avive les envies les plus folles. Dans 100 jours, le 26 juillet prochain, nos Jeux Olympiques commenceront. Après tant de tentatives avortées, une abdication devant nos rivaux britanniques, des déchirements politiques, un apprentissage du lobbying, et pour finir une entente avec les Américains (Los Angeles en 2028), Paris 2024 sera !
100 jours d’insoutenable suspense pour les athlètes. Certains s’attaquent aux minima, d’autres aux tournois de qualification. Beaucoup poursuivent leurs parades nuptiales printanières, à coups de performances, de régularité, d’exemplarité collective, de progression salutaire. Le but ultime des Français : concourir dans leurs Jeux Olympiques.
Seuls 60 parmi eux savourent à timides gorgées leur participation déjà officialisée sur les listes du CNOSF. Parce que tous ces privilégiés cohabitent avec la blessure, l’accident, l’impondérable, ils auront l’humilité de ne pas pavoiser sur leur présence tant que le coup de sifflet du départ n’aura pas retenti. La superstition et ses rituels leur servent de bouclier spirituel. L’angoisse les happera jusqu’à la pose de leur premier pas sur le terrain, le tapis, la pédale, le tremplin, le bitume…
Le graal, n’en déplaise au légendaire baron, ne s’emporte pas par la seule participation. Il faut de nos jours, glaner une médaille, devenir champion, ou mieux encore, marquer l’histoire. Le chemin vers la légende a été tracé par nos icônes, qui fixent inévitablement des caps, pour nos candidats à Paris 2024. A 100 jours de l’ouverture, nous espérons coq au bec.
Qui s’invitera au Panthéon du sport français ?
Teddy Riner et Clarisse Agbégnénou y occupent déjà une place dans les pas de David Douillet et Lucie Décosse. En cas de titre olympique, nos deux judokas deviendraient, dans le Grand Palais éphémère du Champs de Mars, les plus grands de l’histoire de leur sport. Ils resteront mobilisés jusqu’à l’ultime journée des épreuves, pour conserver leur titre par équipe mixte avec la France, tombeuse du pays créateur chez lui à Tokyo. La France plus forte que le Japon en judo ? Encore un défi anthologique.
Nous imaginons l’inenvisageable, dans la nef du Stade de France, scène des exploits de l’athlétisme. Le sport roi de l’Olympisme, scintille de par son universalisme, où un Kenyan, un Jamaïcain, un Finlandais, un Indien, un Ougandais, un Grec, un Bahreïni envisagent eux aussi l’or. Quel rôle tiendront nos Français ?
Wilhem Belocian, au bout des 110 mètres parsemés de haies, fera-t-il fredonner à la France « Je reviendrai à Montréal », là où en 1976 notre ancien ministre Guy Drut défia les évaluations génétiques du vainqueur type. « Rêver un impossible rêve » une médaille d’or au 110 mètres haies pour les tricolores ?
Rénelle Lamotte s’imagine en bébé gazelle, sur 800 mètres. Elle courra un tour de piste supplémentaire par rapport à Marie José Pérec, notre légende du 400 mètres qui attend sa descendance.
La natation, autre discipline emblématique de l’olympisme, annonce l’avènement de nos Dieux du stade. Léon Marchand, bébé poisson élevé outre-Atlantique, vampirise déjà l’Aréna géante de Nanterre, au cœur de notre Défense, miroir architectural de l’Arc de Triomphe. Le petit frère de Laure, Florent Manaudou, triplement argenté depuis l’or à Londres, achèverait un marathon de 50 mètres époustouflant en cas de deuxième titre Olympique. Nonobstant ses récentes décevantes performances, sa position de favori pour porter le drapeau de la délégation française, suffit à l’envisager sur le monument du sport français.
La gymnastique, troisième pilier du temple, espère une deuxième médaille d’or française. Seule Emilie Le Pennec nous a offert ce privilège, à Athènes en 2004. Pour lui succéder, Mélanie de Jésus Dos Danstos, souffre sur les mêmes poutres, barres, tapis et tremplins que la phénoménale américaine Simone Biles, tout là-bas aux Etats-Unis, avant de débouler dans notre bon vieux Bercy.
72 centimètres de hauteur la séparent de Victor Wenbanyama, nouveau monstre du basket, lui aussi exilé dans le pays leader du classement des médailles aux Jeux Olympiques.
Wenbanyama visera avec ses coéquipiers de l’équipe de France un premier titre pour notre pays. Ce sport collectif, chouchou des jeunes, qui souffre d’un manque traumatisant. Le football, le volleyball, le waterpolo et l’ogre handball ont déjà célébré leur accession à la plus haute marche du podium aux Jeux d’été. Pas le basket !
L’ogre handball porte un nom. Nikola Karabatic. A 40 ans, le meilleur joueur de l’histoire de son sport, joue ponctuellement, depuis le début de saison, sur le terrain du PSG. Ce temps de jeu réduit lui suffira-t-il pour conserver la confiance de son sélectionneur et ancien remplaçant, Guillaume Gille ? Conservera-t-il sa place dans la dream team française pour Paris 2024 ? Si oui et en cas de titre pour nos bleus, Nikola Karabatic partirait en retraite avec 4 médailles d’or, qui placeraient l’équipe de France au sommet de l’histoire d’un sport créé par nos amis et adversaires allemands. A Paris !
Nikola et son frère capitaine des Bleus, Luka, pourraient inscrire leur patronyme d’origine serbo-croate au tableau des grands noms titrés par plusieurs membres d’une même famille : D’Oriola, Manaudou, Guénot, Gille, Guyart, Jeannet.
Les garçons et leur « sœurs » handballeuses françaises, déjà tous titrés à Tokyo, ambitionnent à Lille et Paris, un « double doublé », statistique institutionnalisée par le basket qui en rugirait de jalousie. Le hand symbole d’une mixité reine à notre époque.
À ce titre, nos triathlètes se construisent un César du premier rôle, avec leur relais mixte, constellé d’étoiles. Garçons et filles taquineront l’or, une première pour notre pays dans un sport intégré aux Jeux en 2000. Après avoir nagé dans la Seine, roulé sur les Champs-Élysées, couru jusqu’aux Invalides, nos Françaises et Français incarneraient la victoire aux multiples symboles.
Tony Estanguet, le patron, se tournera vers Vaires-sur-Marne où le Canoë Kayak espérera une septième médaille d’or individuelle sur le slalom pour la France. Nicolas Gestin, Marjorie Delassus, Titouan Castryck et Camille Prigent prétendent tous devenir élus, eux aussi.
Estelle Mossely boxera pour un double titre. La médiatique maman du fils de Tony Yoka déferlera dans les rêves de millions de jeunes filles, quelles que soient leur origine, leur statut social, leur vie de famille, leur physique, leurs envies, leurs combats.
Enzo Lefort et ses coéquipiers escrimeurs activeront la machine à médailles « made in France », 123 à ce jour, le record des sports français ! Des athlètes armés de sabres, de fleurets et d’épées, capables de toucher leurs adversaires et le cœur de leurs concitoyens. Laura Flessel et Jean-François Lamour, leurs ainés, affichent également le statut d’ancien ministre à leur palmarès.
100 jours encore avant d’embrasser goulument ces histoires de sport, de France, du monde. À vous chers athlètes, nous vous souhaitons les plus belles conquêtes. Mais n’oubliez pas que la légende s’écrit aussi avec le geste. Prendre son adversaire par la main, signaler une ignominie à la planète entière, tolérer l’erreur d’arbitrage, remercier ceux qui vous subliment, sourire, pleurer, embrasser.
Les Jeux Olympiques préservent notre humanité dont nous ne pouvons certifier qu’elle vivra en paix dans 100 jours. Vous rappellerez aux hommes que la vie harmonieuse sur Terre s’envisage. Ce sera votre plus légendaire victoire.
Frédéric Brindelle
Journaliste, chef de rubrique « Opinion Paris 2024 »