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10H15 - samedi 20 avril 2024

Des JO économes et écolo-malins ? – Dans les yeux de Paris 2024, la chronique #13 de Frédéric Brindelle

 

En 2004, Athènes cachait par des bâches les travaux mal finis aux visiteurs qui se rendaient aux compétitions. L’investissement olympique a plombé tout un pays peu habitué à la rigueur économique. Rio, Londres et même Pékin cogitent encore sur la rentabilisation de leurs stades, piscines et autres Arenas olympiques, dont l’utilisation demeure trop épisodique. Paris 2024 en a tiré les leçons.

Paris 2024 vient de dévoiler les premiers résultats de sa stratégie d’économie circulaire. L’objectif : « Organiser les Jeux avec moins de ressources, mieux les mobiliser en favorisant l’éco-conception, et s’assurer de leur seconde vie ».

Les Jeux permettront la remise à niveau des équipements sportifs souvent obsolètes de Paris et sa région. En plus de cette nécessité, le Comité d’organisation propose un modèle économique plus responsable. Au cœur de la réflexion trône la question de l’empreinte carbone laissée par l’évènement.

Pour la première fois dans l’histoire de l’Olympisme, le calcul de la valeur et de l’impact de toutes les ressources mobilisées a été réalisé. Il fallait prioritairement réduire et mutualiser les ressources, en maitriser le cycle de vie. Cela commençait par le choix des fournisseurs et de leurs produits. Puis le Comité d’organisation a privilégié la location de matériel et des produits à longue durée de vie, avec des matières premières principalement recyclées ou issues des chutes de production. Comme dans le domaine de l’habillement, la seconde main cartonne !

Ainsi « 90% des 6 millions d’objets et autres actifs utilisés seront déployés et repris par les prestataires et partenaires ». Bon nombre d’infrastructures de Paris 2024 existaient déjà. Moyennant un sérieux lifting, elles accueilleront le monde entier puis retrouveront leur quotidien. Certains sites n’auront qu’une vie temporaire, le Village olympique deviendra un quartier résidentiel et économique.

Le moindre détail semble avoir été pensé pour optimiser l’efficacité économique et écologique ! Les athlètes retrouveront dans leurs espaces des tables basses en volants de badminton recyclés, des poufs en toile de parachutes ou encore des chaises en bouchons de bouteilles recyclés. Le challenge revêt une dimension politique majeure qui sanctionnera ses acteurs à hauteur des enjeux. Pour Emmanuel Macron, Valérie Pécresse, Anne Hidalgo et leurs équipes, l’héritage vaudra son pesant d’or.

Paris 2024 loue, ça en devient presque dogmatique. Il faudra quand même savoir à combien et à qui elle a loué. De toutes façons, le moindre centime passe au scanner des détracteurs des Jeux Olympiques. Le salaire du président, Tony Estanguet, a fait l’objet de ces jeux maléfiques. Notre triple champion olympique de canoë-kayak a passé sa jeunesse à ramer, au milieu de ses confrères smicards, ne pouvant compter que sur sa prime olympique pour au moins accéder à la propriété. Pendant ce temps, le peuple acclamait les milliardaires du football. Et voilà que ce brillant champion devenu un brillant dirigeant touche 25 000 euros mensuels. Enfin payé à sa juste valeur ! Mais ça dérange certains Français qui s’alarment dès qu’on parle d’argent ! Estanguet visite les sites, les médias, les partenaires, distribue les poignées de mains 24 heures sur 24. Il porte la responsabilité du rayonnement de la France et ne perçoit même pas ce que gagne un simple remplaçant de ligue 1. Un peu de lucidité s’il vous plaît.

Revenons à nos économies. Pour la restauration, les participants utiliseront des contenants consignés à la source, recyclés et réemployés, des produits pour la plupart sans emballages. Les gens boiront à la fontaine pour réduire le recours aux bouteilles en plastique. Le prestataire français de la restauration collective doit s’assurer de la seconde vie des 35 000 assiettes du restaurant du Village des athlètes.

Un autre domaine sollicite la créativité, celui de l’habillage des Jeux. Quels décors ? Tous seront réutilisés. Pour les sols des épreuves des sports collectifs en salle, les revêtements contiendront 35% de matériaux recyclés et seront 100% recyclables. Le fournisseur s’engage à trouver une destination de réemploi dans des établissements sportifs ou scolaires.

L’objectif s’appuie aussi sur les besoins du département qui accueille une immense partie de la manifestation. La très défavorisée Seine-Saint-Denis récupèrera des piscines, des stades, des salles, des logements, des espaces verts. Qu’en fera-t-elle ? Ses habitants parviendront-ils à préserver la qualité de ces « bijoux » ? Car chaque démarche écologique se heurte à la négligence humaine. L’héritage, c’est comme pour la conservation des masses, rien ne se crée, rien ne se perd, tout se transforme.

Frédéric Brindelle
Journaliste, chef de rubrique « Opinion Paris 2024 »