– « Bboys et Bgirls, vous êtes à donf ? »
– « Ouais, c’est cool les Olympic Games Monsieur ! »
Chers lecteurs, restons jeunes, branchés, euh, pardon Monsieur Mitterrand, « câblés ». Comme le président de la République de la génération « Touche pas à mon pote » mettons-nous y, car les Jeux Olympiques souffrent du « syndrome de Delphine Ernotte », l’ex-jeunisme.
Vieux karaté, grabataire squash, ancestral canoë biplace, sortez ! Ce que veulent les sportifs, c’est de la breakdance, du hip-hop, de l’underground, de la street.
Tout part des Jeux Olympiques de la Jeunesse de Buenos Aires, en 2018. Le breaking captive les quelques spectateurs. Paris 2024 alors, dont le fétichisme du modernisme constitue une part conséquente de son identité décide d’inclure cette discipline à son programme.
La danse baptisée « breaking » s’est développée aux Etats-Unis pendant les années 1970, en plein cœur du Bronx et de sa culture hip-hop. Un show pétillant, orné d’acrobaties, de figures au sol, orchestré par le DJ et le MC (Maître de cérémonie) lors de battles. Le monde s’empare de ce spectacle salutaire qui préserve cette jeunesse à l’identité sans cesse renouvelée, de sa mise au ban de la société. Le breakdance accompagne et illumine, qu’il soit consacré ! En accédant aux Jeux Olympiques, temple du sport de compétition ? Quel rapport ?
Les pratiquants, bien élevés, remercient les politiciens bienveillants du sport mais se demandent bien pourquoi ils ont été sollicités * :
- « Venez nous retrouver tous les quatre ans pour les Jeux Olympiques ! »
- « Ce n’est pas vraiment notre truc ça. Les JO s’adressent aux compétiteurs, aux recordmen, aux nations, aux clubs… »
- « Ce n’est pas un problème, vous donnez bien des notes à chacun de vos passages, euh pardon, de vos « run » ? ».
- « Oui ça met du piment mais le but c’est de s’éclater tous ensemble ».
- « Et bien vous développez ces notations et nous allons en faire la colonne vertébrale de notre nouvelle compétition olympique ».
- « Bon ok, ça peut être sympa. Mais dans notre génération, ceux qui kiffent le sport jouent en réseau devant leur console. Vous savez ça ? »
- « Oui d’ailleurs il est possible qu’on inclue le e-sport aussi ».
- « Si ça se trouve, mon cousin Bouboule qui passe son temps à bouffer des gâteaux assis devant son écran, va pouvoir participer ? »
Car c’est bien Bouboule qui un jour fera manger le CIO et ses partenaires. Grotesque !
Rendez-vous donc en juillet sur la place de la Concorde. Le spectacle rivalisera avec ceux de nos artistes du Zenith, du cirque d’Hiver, de l’Olympia, du parvis de Beaubourg. Deux épreuves, une masculine et une féminine, soit 16 B-Boys et 16 B-Girls qui s’affronteront. Les « athlètes » réaliseront des « powermoves » comme les coupoles, les six-step ou encore les freezes. L’un remportera l’or, l’autre rien. C’est comme si Lucciani et Obispo montaient sur le podium parce qu’ils chanteraient mieux que Swift et Sheeran sur la scène de Bercy. Oui, madame la ministre, ça fait déjà deux médailles en plus pour la France ! Mais il faut encore que les juges en soient convaincus : « ce que je vais aimer le plus ne sera pas forcément la même chose qu’un autre juré » déclare une juge. Logique ! « Chaque organisateur d’événement propose ses règles, il n’y a pas de format type en Breakdance ». Surenchérit son confrère.
Et bien rassurez-vous, un système de jugement imaginé en Chine servira à hiérarchiser les battles aux Jeux olympiques. Cinq aspects primeront : la musicalité, le vocabulaire, l’originalité, la technique et l’exécution.
Pour l’instant, seul un Français, Danis Civil, B-Boy plus connu sous le nom de scène « Dany Dann » savoure sa sélection, pays organisateur oblige. Il regardera les filles, Logistix (USA), Starry (Kor) Raw Law (Esp), Swami (Mex), Senorita Carlota (FRA), Spidegirl (Ita), essayer de se qualifier dans les prochaines semaines. Il toisera ses potes garçons dont l’identité civile, apparaîtra peut-être sur les palmarès olympiques, sans qu’elle n’évoque quoi que ce soit dans son univers artistique où on se surnomme.
Le ski ou le snowboard acrobatiques n’éprouvaient pas non plus ce besoin d’olympisme il y a quelques années. Avec le temps, leurs iconiques X-games ont envisagé une cohabitation avec les JO, les « Half pipe » et autre « big air » y occupent désormais un bel espace en hiver. Pourquoi ne pas envisager le même chemin pour nos B-Boys et B-Girls et bien sûr nos probables futurs B-Transgenres, pour être complet.
Réponse sur la place de la Concorde où l’escalade sportive, le BMX freestyle et le skateboard, partageront la lumière avec le breakdance, en tant que sports additionnels.
Attention à ne pas dénaturer l’édifice, à force de vouloir faire de certains artistes, des sportifs compétiteurs. Comme c’est le cas pour la danse sur glace depuis toujours, l’objectivité du résultat tâtonne et le public ne sait plus vraiment pourquoi le champion obtient la médaille. La beauté artistique appartient au domaine du relatif…
Le sport doit s’appuyer sur ce qui fait sa singularité. Le nombre de buts, de points, de secondes, de bonnes exécutions… Alors posons-nous la question : le breakdance est-il un sport ou un art ?
* dialogue fictif
Frédéric Brindelle
Journaliste, chef de rubrique « Opinion Paris 2024 »