Sa blanche tignasse et sa rondeur bienveillante l’installent au rang des sages. Mais Thierry Rey conserve son énergie rassembleuse et son humanisme eighties des gens de gauche. Le sourire « belle gueule » illuminant les tatamis de Moscou 1980, le regard ravageur dans le clip « Place des grands hommes » de Patrick Bruel et les envolées lyriques au micro de Canal+ pour saluer le triomphe de son pote de droite, David Douillet, lui collent à la peau.
Le Champion olympique, père du petit-fils de Jacques Chirac, nous amène dans la confidence de la candidature Paris 2024 initiée par François Hollande, dont il était le Conseiller sport au moment de la genèse. Il se confie à Frédéric Brindelle pour Opinion Internationale.
Thierry Rey, est-ce que la France, politiquement, a su faire fi de toutes ses querelles pour être prête le jour J pour les Jeux olympiques ? Ça n’a pas toujours été simple, et on a eu vent de tensions au CNOSF, par exemple. Vous qui êtes un homme libre, Thierry, vous regardez ça comment ?
Je pense que, la France, ça veut dire beaucoup de composantes. Et elles ont réussi à travailler ensemble depuis longtemps, pas seulement en phase d’organisation, en phase de candidature aussi. On a gagné l’honneur et le droit d’organiser les Jeux parce qu’on a montré qu’on était unis, que ce soit l’État, la ville de Paris, la Région, la Métropole, la Seine-Saint-Denis, Marseille, le COJO, le mouvement sportif et tous les territoires français qui ont participé avec les centres de préparation des Jeux. Les Jeux ça n’appartient pas à une entité, ça appartient à tout ce collectif. Et on a su prouver qu’on était unis, bien que des personnalités se soient affrontées parfois dans des combats politiques, notamment les présidentielles. Mais aujourd’hui à J-100, les Jeux les ont soudés. On sera prêts, le jour J. Nous allons profiter pleinement de ces cent jours pour que chacun, dans ses responsabilités, mène à bien ses devoirs.
Thierry, vous avez été le conseiller de François Hollande, et ces Jeux partent un peu de François Hollande, de vous ?
Ça part surtout du Président. Après l’échec de notre candidature face à Londres pour 2012, il a réuni la famille olympique au club France, et il a prononcé un discours où il a indiqué que si le mouvement sportif présentait un dossier de candidature qui retenait les erreurs du passé, qui était intelligent, qui était proactif, qui était pertinent, l’État serait à ses côtés. On s’aperçoit d’ailleurs aujourd’hui à moins de cent jours, que l’État est présent dans beaucoup de sujets. Que ce soit la sécurité, l’accueil, etc. Il y a neuf ou dix ministères qui sont impliqués, comme les Sports, le Tourisme, la Santé. L’État est vraiment très présent et on peut affirmer que François Hollande a ouvert la voie, il a fait toute la candidature, avant de partir en mai 2017. Le président Macron, élu en juillet 2017, est allé à Lausanne, et est allé mettre la touche finale pour remporter en tant que leader d’une équipe le droit d’organiser ces Jeux. Puis à Lima, le 17 septembre 2017, on a été désignés pour organiser les JO.
Thierry, vous avez été Champion olympique en 1980. Vous étiez dans les poids légers, vous êtes devenu un poids lourd au moment de la candidature, qu’est-ce qu’il vous posait comme questions François Hollande ? Pour être sûr du coup, pour ne pas passer à côté qu’est-ce qu’il ne fallait pas louper ?
Il ne fallait pas louper le positionnement, mais c’était assez facile finalement, parce que l’échec de notre précédente candidature avait été tellement décevant. On avait vu que malgré un très bon dossier et malgré la pertinence des gens qui le portaient, le fait que ceux-ci n’étaient pas issus du mouvement sportif avait été un handicap insurmontable. Les membres du CIO ont préféré parler à Sebastian Coe et lui donner les Jeux alors qu’il n’était arrivé qu’un an avant la prise de décision à Singapour, plutôt qu’à Bertrand Delanoë, qui était un leader, mais qui était un homme politique. Les membres du CIO se sont plus reconnus dans la candidature anglaise que française. Donc, la pertinence de François Hollande, c’est d’avoir affirmé que le mouvement sportif qui ne demandait que ça, puisse être leader. Bernard Lapasset, qui était un des grands hommes, avec qui j’ai beaucoup travaillé et à qui on pense aujourd’hui, a porté cette candidature, puis Tony Estanguet est arrivé ensuite. Ils ont été les deux grands leaders de cette candidature. C’est Bernard qui avait réussi à convaincre les membres du CIO de faire rentrer le rugby à sept aux Jeux olympiques. Concernant François Hollande, il faut saluer cette vision d’un homme politique qui n’a pas que ça à faire quand il se réveille le matin : quand on est président de la République, on n’a pas que le sport français à gérer. Mais il a voulu engager le pays et toutes ses composantes sous la houlette du mouvement sportif afin d’avoir le droit d’organiser ces Jeux.
Thierry, il y a deux disciplines notamment qui rapportent beaucoup de médailles, deux grosses disciplines françaises, l’escrime et le judo. Et quand on voit Laura Flessel, Jean-François Lamour, David Douillet, vous-même, vous êtes des gens qui après votre carrière sportive, jouez un rôle au plus haut niveau de l’État. Vous avez une explication ?
Je pense qu’il faut être engagé, il faut avoir envie, être mobilisé sur des problématiques citoyennes. Je pense aussi à Guy Drut, très présent, Roger Bambuck qui a été Secrétaire d’État sous Mitterrand, Alain Calmat aussi, il y en a eu beaucoup. Il faut évidemment des entraîneurs talentueux. J’ai des amis qui ont combattu avec moi et qui sont encore aujourd’hui sur le tapis et qui mènent nos équipes de France vers le succès. Et il y en a d’autres qui choisissent des parcours de responsable pour porter cette thématique du sport et puis aller au-delà du haut niveau. Le haut niveau, ça ne dure qu’un temps et une partie de la vie, après il reste cinquante ans de vie. Nous, tous les noms que vous avez cités, on considère que le sport doit être un des grands vecteurs de la vie courante. Ce sont des valeurs qui sont affirmées assez facilement, et ça fonctionne réellement, en termes de santé, de vivre ensemble et d’éducation, notamment à l’école. Le sport, c’est quelque chose dans lequel on peut grandir, apprendre, comprendre, s’étonner et progresser. Et ça à toutes les échelles, juste en allant avec des amis courir le dimanche pour s’éclater par exemple.
Vous avez toujours fait plus jeune que votre âge ! Vous avez soixante-cinq ans. C’est quoi votre avenir ?
Mon avenir… je ne pense qu’à ce qui va se dérouler très prochainement. Donc, c’est les Jeux. Ça fait douze ans que je travaille pour ça, d’une manière ou d’une autre. C’est le grand moment, dans trois mois, de réussir ces Jeux pour notre pays, pas pour l’un des participants, pour notre nation. Que ce soit en termes de résultats, mais aussi de ce qu’on va montrer de la France, du rayonnement à travers ce projet rénové de l’organisation des Jeux. C’est très important. On a beaucoup critiqué les Jeux, mais je pense que le modèle français sera très novateur. Voilà mon avenir. Il est là. Après, on verra bien, chaque chose en son temps. D’ailleurs, il n’y a pas que les Jeux olympiques, les Jeux paralympiques aussi, c’est très important. On ne règle pas tous les problèmes sociétaux, mais au moins, on met un éclairage sur des choses qui n’étaient peut-être pas dans la pensée des Français, peut-être un peu oubliées. Je pense qu’on n’aura jamais parlé autant de handicap que grâce à ces Jeux paralympiques qui arrivent. On pensera à autre chose après le 8 septembre. Mais d’abord, réussissons tous ensemble ces Jeux.
Merci Thierry Rey
Frédéric Brindelle, Thierry Rey et Michel Taube à J-100 sous la coupole du Grand Palais éphémère.