C’est consternant : Systovi, fabricant français de panneaux solaires, est en cessation d’activité. Cela, au moment-même où la France, par la voix du Ministre de l’Économie Bruno Le Maire a lancé début avril un « plan de bataille » pour parvenir à 100 GW de production solaire en 2035. Soit une très forte accélération dans le déploiement du photovoltaïque alors qu’aujourd’hui 19,3 GW sont installés et que 3,2 gigawatts (GW) de capacités supplémentaires seulement ont été ajoutés en 2023 (Le Monde du 17 avril 2024). Le ministre a ajouté que l’objectif est que 40% de ces panneaux soient de fabrication française.
La cause principale de cette faillite est le manque de compétitivité tarifaire du fabricant français. Et pour cause, les surcapacités industrielles chinoises et la volonté d’y faire tourner l’appareil productif au prix de tous les dumpings possibles et imaginables sont telles, que l’industrie du monde entier est menacée par cette concurrence déloyale qui rafle tous les marchés, dans tous les domaines, et pas seulement celui des éoliennes ou des voitures électriques. Les Etats-Unis ont réagi à cette situation – qui pose aussi un enjeu d’indépendance stratégique – avec des subventions massives au Made in America dans le domaine de la transition énergétique comme des semi-conducteurs, ainsi qu’avec l’instauration de barrières douanières.
Chez nous, la réponse au défi industriel posé par la Chine, mais aussi par les États-Unis, ne peut être qu’Européenne. Emmanuel Macron a justement alerté, dans son discours de la Sorbonne jeudi 25 avril, sur le fait que les deux géants ont simultanément décidé de s’affranchir des règles visant à instaurer un minimum de loyauté en matière de commerce international.
L’Europe, à laquelle nous sommes tellement attachés, et qui nous est tellement nécessaire, doit d’urgence se saisir de cet enjeu et passer des discours à une action déterminée pour protéger son industrie. Sans quoi les résultats de l’ambition de « réindustrialisation » de la France resteront tristement anecdotiques…
Le sort de Systovi s’explique certes par des choix stratégiques de l’entreprise qui se sont révélés erronés (l’assemblage de panneaux à partir de cellules chinoises). Mais son destin est déjà le signe de l’excessive lenteur de la réponse des institutions européennes face aux défis économiques que lui imposent ses concurrents. Au moment même où cette entreprise disparaît, deux ouvertures de « giga-factories » de panneaux solaires sont annoncées par le Ministre de l’Industrie et de l’Énergie Roland Lescure d’ici 2025, à Sarreguemines et à Fos-sur-Mer. Elles doivent permettre à la France d’atteindre les objectifs d’installations de photovoltaïque annoncés.
L’alarme est donnée et la prise de conscience semble réelle : pour que cette noble ambition ne connaisse pas le même sort que Systovi, les dirigeants européens doivent agir pour contrer la concurrence déloyale chinoise et américaine, et vite.
Michel Taube
Laurent Tranier, Rédacteur en chef Opinion Internationale, chef de rubrique Amériques latines, fondateur des Editions Toute Latitude