Vendredi soir, ma fille débriefe sa semaine d’école. Avant son départ pour l’entraînement de judo, je la questionne sur son évolution en course de fond, qu’elle pratique en cours de sport au collège. Un complément idéal à son parcours de judoka. Bilan de la semaine de sport à l’école, 0 heure ! Et ce n’est ni la première fois ni un cas isolé. Mardi, le professeur suivait une formation, donc pas de cours ! Jeudi, la pluie tombait drue, impossible de se replier dans le gymnase encore en construction ! Donc toute la classe de troisième a investi la salle d’informatique.
Dans le même temps, les autorités déboulent à Saint-Denis pour la tournée des inaugurations « Paris 2024 ». Le Président de la République saisit l’auditoire rempli de micros et de caméras pour partager les résultats d’une enquête sur la mise en place des « 30 minutes d’activité physique quotidienne », dans les 36 250 écoles élémentaires du pays.
Les résultats positifs observés chez les enfants honorent le gouvernement, qui a fait de l’école « le levier prioritaire de son engagement » pour le sport. L’école récupère donc le flambeau de la transmission du goût de l’activité physique aux enfants. L’instituteur, déjà prié de se substituer au rôle, de parent, de policier, d’éducateur spécialisé, doit désormais assurer celui d’entraîneur.
Car ces 30 minutes d’activité physique quotidienne s’ajoutent aux cours d’EPS déjà existant. « 91,5% des écoles primaires et élémentaires déclarent mettre en œuvre les 30 minutes, même partiellement » annonce le ministère. Le terme « partiel » laisse libre cours à notre imagination…
La machine se met pourtant bel et bien en place. Les écoles dans le besoin reçoivent un kit de matériel. Des ressources et un programme d’animations pédagogiques sont mis à disposition des enseignants et des élèves sur le site éduscol. Le ministère de l’Éducation nationale dispense des formations. Que d’investissements !
Bruno Le Maire risque le mal de mer. Lui qui vilipende les dépenses pharaoniques de l’État. Dans ce cas il s’agit toutefois d’un investissement vertueux.
Mais ce programme n’oublie-t-il pas que la pratique du sport demeure la spécialité des clubs de sports ? D’ailleurs, ces derniers nouent parfois des liens avec les établissements scolaires, grâce à leur abnégation et l’assentiment des mairies motivées. Ils visitent recrutent, initient, intéressent. Ces opérations efficaces mériteraient d’être généralisées. Quoi de plus pertinent que de confier la mission à quelqu’un qui collectionne les diplômes adaptés ?
Nos clubs de sports peinent à trouver des financements que l’État pourrait leur injecter (la preuve avec ces investissements olympiques), moyennant un travail de sensibilisation à la pratique, dans les établissements scolaires. Ce serait du gagnant/gagnant. Souvent, les entraîneurs de nos petits clubs cumulent leur activité avec un boulot utilitaire. Les solliciter à temps plein leur permettrait une disponibilité totale pour leur club dont la capacité d’accueil répondrait enfin à la demande des licenciés. L’objectif annoncé n’est-il pas de favoriser la pratique régulière du sport ?
Nos écoliers, collégiens, lycéens se heurtent parfois aux contraintes d’organisation pour prendre une licence sportive. L’intégration des clubs dans le processus scolaire simplifierait beaucoup de situations. Certes l’historique UNSS, propose ce format. Mais son fonctionnement hybride ne permet pas toujours de satisfaire la demande de chaque enfant. Seule la mutualisation des actions des clubs de sports et des écoles optimiserait l’agenda de l’enfant.
Certains pays privilégient un système souvent cité en exemple, de demi-journées de cours couplées avec des activités sportives et artistiques. L’enfant pratique ainsi assidument son sport et les clubs amateurs disposent de créneaux adaptés à tous.
L’organisation des Jeux Olympiques dynamise notre politique sportive. Par exemple le dispositif des « cours d’école actives et sportives » embellit le quotidien de nos enfants avec des tracés ludiques et sportifs, qui intègrent des espaces équitables entre les filles et les garçons.
L’opération « savoir nager » donne l’opportunité aux enfants d’être à l’aise dans l’eau gratuitement et en 10 leçons.
Le gouvernement multiplie les opérations, les programmes, les guides… Tous plus positifs les uns que les autres. Malheureusement, jamais il n’est question de la réorganisation de la journée de l’enfant afin qu’il accède sans obstacle à son rêve de participer un jour aux Jeux Olympiques.
Dommage, Paris 2024 était l’occasion de revoir un système asphyxié.
Frédéric Brindelle
Journaliste, chef de rubrique « Opinion Paris 2024 »