Actualité
19H30 - samedi 11 mai 2024

Sur le « Printemps de la liberté d’expression » : quand « Libération » manie l’insulte en guise d’argument. La chronique de Daniel Salvatore Schiffer

 

Il est aujourd’hui une certaine presse en France qui, plutôt que de s’adonner à l’objectif et nécessaire travail d’information, pilier de toute démocratie correctement entendue, préfère choisir, au mépris de toute déontologie professionnelle comme de toute honnêteté intellectuelle, la propagande idéologique, devenant ainsi, par la même et funeste occasion, le piètre relais, sinon la médiocre officine, d’un tout aussi misérable calcul politique.

 

Un infamant amalgame, dépourvu de toute honnêteté intellectuelle et nuance conceptuelle

C’est précisément le triste cas ces jours-ci, ce 4 mai 2024 pour l’exactitude, d’un journal comme Libération, catalogué à gauche (pour autant que ce type de clivage ait encore une quelconque pertinence conceptuelle), qui, s’efforçant de réaliser là ce qu’il ne craint pas d’y appeler un « reportage » (terme étonnamment surévalué ici au vu de l’indigence de son contenu) concernant la première édition, ces 3, 4 et 5 mai, du « Printemps de la Liberté d’expression » dans la belle ville de Perpignan (dont la mairie est présidée par Louis Aliot, vice-président du RN) titre pompeusement, mais surtout erronément, « A Perpignan, un salon du livre rien que pour l’extrême droite ». Et, récidivant, quelques lignes plus bas, de m’y inclure nommément, aux côtés de quelques autres des participants à cet événement culturel, dont mes amis Eric Naulleau, Michel Onfray et Henri Guaino, au sein de ce que ce même article nomme encore caricaturalement, en un consternant amalgame dont on ne sait si c’est la mauvaise foi ou l’ignorance manifeste qui est le plus à blâmer tant nuances et rationalité y sont exclues a priori « le gotha des essayistes conservateurs et proches de l’extrême droite ». Rien que ça !

Diantre : je ne savais pas, ayant atteint l’âge vénérable de presque 70 ans, et ayant toujours prôné les valeurs de la social-démocratie, de Jean Jaurès à Pierre Mendès-France, en passant par Léon Blum, que j’étais d’extrême droite ! C’est dire si, face à cette fallacieuse inversion de mes propres crédos, la jeune autrice, à laquelle je n’accorde certes pas l’exploit de me juger aussi inconsidérément, de cet article absurde – autrice ne sachant visiblement rien de la complexité d’une pensée et dont je préfère donc taire le nom par charité – n’a manifestement pas lu mes livres, ni même la moindre de mes tribunes. Cela, toutefois, ne serait pas tellement grave – mon ego n’est pas à ce point hypertrophié que je puisse en porter ombrage – si, dans cette liste d’écrivains réputés désormais d’horribles suppôts de l’extrême droite, ne figuraient également, puisqu’ils ont participé, eux aussi, à ce même « Printemps de la Liberté d’Expression », des noms aussi prestigieux, toutes tendances philosophiques confondues et dans un réel esprit de partage comme de respect d’autrui, que Boualem Sansal, Florence Bergeaud-Blackler (lauréate, à ce même « Printemps », du prix Franc-Parler, dont je m’honore d’être membre du jury), Renée Fregosi, Romaric Sangars, Georges Fenech, Sabrina Medjebeur, Samuel Fitoussi, Driss Ghali, Loris Chavanette, Chloé Morin, Dimitri Casali, Lisa Kamen Hirsig ou Jean Sevillia. Bref : quelques-uns des plus beaux noms, par-delà toute appartenance culturelle, sensibilité politique ou clivage idéologique, au sein de l’intelligentsia française !

 

Pour un vrai débat d’idées : tolérant et rationnel 

Car, oui, c’est bien cela le vrai d’ébat d’idées, la vraie liberté de pensée, le vrai échange intellectuel, le vrai libre-arbitre, la vraie conscience critique, la vraie rationalité, le vrai universalisme et le vrai cosmopolitisme : cette vertu, à nulle autre pareille, que le grand Voltaire, paradigme de l’esprit des Lumières, appelait de ses vœux dans son admirable, précieux et indépassable Traité de la Tolérance !  

Ainsi, en guise de conclusion à cet humble plaidoyer en faveur des inaliénables principes universels de l’humanisme lui-même, sans lequel il n’est d’ailleurs point de démocratie qui vaille ni ne tienne, conseillerais-je ici à la direction de Libération (journal qui, au vu du carcan politico-idéologique dans lequel il s’est enferré ces derniers temps, porte bien mal son nom, au risque même de déplaire ainsi à son illustre fondateur, Jean-Paul Sartre, en personne ) de relire, avec le sérieux qui sied en pareille circonstance, l’insigne Opium des intellectuels de Raymond Aron, l’un des esprits les plus fins, cultivés et lucides au sein de l’intelligentsia française, en sa plus noble expression, du XXe siècle.

 

Islamo-gauchiste et wokisme : fanatiques matrices d’un nouveau terrorisme

Car ce en quoi un journal comme Libération se fourvoie ainsi lamentablement désormais, à l’exemple de cet indigne article que je fustige donc ici à propos de ce « Printemps de la Liberté d’Expression » de Perpignan, ce n’est pas seulement, comme dans cet ouvrage d’Aron, les déplorables dévoiements d’une conception erronée, d’un dogmatisme aux allures de totalitarisme, sans même parler de son manichéisme caractérisé, du socialo-communisme (dont on sait ce que l’abominable esprit stalinien a causé en termes d’indicibles souffrances humaines), mais surtout aujourd’hui, en ces pénibles temps de nouvel obscurantisme, les encore plus condamnables dérives d’un islamo-gauchisme mâtiné d’un non moins dangereux wokisme, ces deux nocives matrices aujourd’hui, par leur fanatisme, d’un nouveau type de terrorisme intellectuel !

 

Un odieux rappel historique de la terreur post 1789 

Et que dire, encore, de ces inénarrables Fouquier-Tinville d’opérette qui, se permettant d’interrompre bruyamment la conférence de Michel Onfray lors de sa conférence, ce samedi 4 mai, à ce même « Printemps de la Liberté d’Expression », hurlèrent tous en chœur, sans retenue ni décence, et se levant de leur siège comme les vils moutons de Panurge qu’ils sont, « les fachos au cachot » ? Odieux !

Mais, heureusement pour mes amis et moi, nous ne sommes plus au sanguinaire temps de la Terreur, dans les années qui suivirent immédiatement l’historique Révolution de 1789, et le camarade Mélenchon ne s’est pas encore tout à fait transformé en tyrannique Robespierre : nous éviterons donc fort heureusement la guillotine, la tête encore bien sur nos épaules, n’en déplaise à ces petits dictateurs en (mauvaise) herbe ! 

 

Humanisme et civilisation

Car, oui, je ne crains pas de le clamer ici haut et fort : il en va, si nous ne demeurons pas vigilants quant aux menaces qui pèsent de plus en plus tragiquement sur notre culture, de l’avenir même de notre civilisation, sinon de l’humanité en son ensemble !    

 

DANIEL SALVATORE SCHIFFER

Philosophe et écrivain, directeur des ouvrages collectifs Penser Salman Rushdie, Repenser le rôle de l’intellectuel (parus aux Editions de l’Aube) et L’humain au centre du monde – Pour un humanisme des temps présents et à venir (Editions du Cerf). A paraître : Rockisme contre Wokisme (Editions Erick Bonnier).