Sophie Leclercq explore les mondes chinois (la Chine continentale mais aussi Hong-Kong, Taïwan, Singapour et la Malaisie) depuis 1985. Son rôle : aider les entreprises et les dirigeants à élaborer une stratégie marketing et commerciale et les accompagner dans sa mise en œuvre. Concrètement, il s’agit de rechercher et sélectionner les bons partenaires importateurs-distributeurs pour chaque PME souhaitant se développer vers cette région. Elle gère le projet de A à Z et veille à l’image de l’entreprise. Plastic Omnium, Alain Manoukian, une filiale du groupe Intermarché et plusieurs PME lui ont confié la création et la mise en place d’un réseau de distribution sur les marchés chinois. Diplômée de l’EM Lyon, elle parle mandarin.
Elle répond à Laurent Tranier, pour Opinion Internationale.
Sophie Leclercq, quelle est la situation du commerce de la France vers la Chine aujourd’hui ?
Il faut être bien conscient que le consommateur chinois a beaucoup changé au cours des dernières années. Une classe moyenne importante s’est développée, dotée d’un pouvoir d’achat significatif. On trouve cette classe moyenne tout le long de la côte Est de la Chine continentale ainsi que dans les grandes villes intérieures.
En même temps, la production chinoise aussi a évolué : aujourd’hui la Chine est capable de produire des biens de grande qualité dans à peu près tous les domaines et a donc moins besoin d’importer depuis l’Occident, que ce soit des biens d’équipement ou de consommation. Sur ces points, il y a vraiment eu un avant et un après-COVID, qui a été une période de grande fermeture de la Chine.
Aujourd’hui, l’approche la plus simple et rationnelle pour une PME ou un ETI européen sera de mettre en place une relation commerciale avec un importateur-distributeur qui va lui permettre de distribuer sur les marchés chinois les produits dont elle garde entièrement la maîtrise de la production.
Compte-tenu de ces évolutions, quels sont les secteurs porteurs et les perspectives de développement du commerce entre la France et la Chine ?
Des débouchés existent dans les biens de grande consommation, et il peut y avoir du potentiel pour des produits de niche, originaux et à forte créativité.
Même si les Chinois tendent à développer leurs propres marques, les secteurs de l’agroalimentaire, de la mode vestimentaire et des accessoires, des cosmétiques, de l’ameublement, de la décoration de la maison, les arts de la table, les jeux et articles de sport, les produits pour bébés et enfants mais aussi la santé, la pharmacie et la parapharmacie et les services aux personnes âgées, notamment les maisons de retraite, ont un grand intérêt, en raison de changement sociétaux : jusqu’à très récemment, les Chinois s’occupaient eux-mêmes de leurs parents et grands-parents âgés ; désormais l’enfant unique vit souvent à distance et ne peut plus les gérer seul.
Enfin, le marché des animaux de compagnie se développe beaucoup et les articles pour animaux domestiques peuvent aussi fournir des débouchés intéressants.
Dans les secteurs industriels, le marché s’adresse à des entreprises très innovantes, ayant une réelle valeur ajoutée par rapport à la concurrence chinoise et internationale (en particulier japonaise et allemande). Il y a notamment du potentiel dans le secteur du développement durable mais uniquement pour des entreprises aux technologies de pointe.
Quels conseils donneriez-vous à une entreprise française souhaitant s’ouvrir le marché chinois ?
Tout d’abord, il ne faut pas nécessairement se focaliser sur la Chine continentale dans un premier temps : Hong-Kong, Taïwan, Singapour et la Malaisie offrent des marchés plus petits, plus occidentalisés et peuvent proposer une première étape très intéressante.
Ensuite, dans tous les cas, et pour des raisons culturelles, il faut vraiment prendre le temps de faire connaissance avec son partenaire potentiel. Il faut construire un lien personnel, une confiance, rencontrer physiquement la personne avant même de commencer à parler business. N’oublions pas que le principe du contrat écrit est relativement récent en Chine, car auparavant la relation commerciale restait informelle, d’homme à homme. Les Chinois ont conservé de ce trait culturel ce besoin de connaître leur interlocuteur.
Ensuite, l’entreprise occidentale doit être réactive. Les Français peuvent se montrer pressés dans un premier temps et, par la suite, quand la relation est établie, manquer de réactivité. C’est plutôt l’inverse que vont attendre les Chinois.
Enfin, se faire accompagner d’un consultant est absolument indispensable pour éviter de perdre beaucoup de temps et d’argent à chercher le bon interlocuteur et pour accéder immédiatement aux codes qui vont permettre aux portes de s’ouvrir. Tout l’enjeu est là : identifier le bon partenaire au sein d’un écosystème immense et complexe. Une fois que le travail préparatoire a été fait, un commerce harmonieux et mutuellement profitable sera à portée de main.
Merci Sophie Leclercq