Opinion Amériques Latines
09H10 - jeudi 16 mai 2024

Une femme pour le Mexique – Nouveau départ pour Haïti – Défis du Panama : la chronique Opinion Amériques latines de Laurent Tranier

 

Présidentielle au Mexique : Claudia Sheinbaum pour succéder à AMLO

Le 2 juin 2024, le Mexique se choisira son nouveau Président de la République. Amené à diriger le pays pour 6 ans non renouvelables, ce nouveau président sera une présidente. Et cette présidente sera très probablement Claudia Sheinbaum, ancienne maire de Mexico et héritière politique de l’actuel président Andres Manuel Lopez Obrador (AMLO), issu du parti de gauche MORENA. Depuis le début de la campagne, Claudia Sheinbaum devance en effet avec constance dans les sondages une autre femme, Xochitl Galvez, représentante de la coalition d’opposition (PAN-PRI-PRD). A quelques semaines du scrutin, l’écart est suffisant (60% contre 30% des intentions de vote) pour qu’une victoire au premier tour de Claudia Sheinbaum soit considérée comme très probable.

Toujours très populaire alors qu’il s’apprête à quitter le pouvoir, AMLO a conduit la « quatrième transformation » du pays avec pragmatisme et une approche souverainiste des enjeux nationaux, en particulier sur le plan de la production des énergies. Il a conduit une politique de grands travaux (second aéroport de Mexico, construction du « train maya » dans le sud du pays), s’est accommodé des deux Présidents américains qu’il a connus durant son mandat, Donald Trump puis Joe Biden, préservant le libre commerce avec les États-Unis – dont le Mexique est grand bénéficiaire – en échange d’une politique de fermeté sur la question migratoire – le Mexique est le principal pays de transit vers les États-Unis – qui est en réalité la principale préoccupation de son grand voisin du nord.

La bonne santé de l’économie liée à la politique de nearshoring des États-Unis qui souhaitent rapatrier sur le continent américains tous leurs fournisseurs stratégiques, a permis de développer la production et de surmonter l’épisode du COVID sur le plan social. La communication massive du Président – ses fameuses mañaneras, conférences de presse quotidiennes et matinales dictant l’agenda du jour – ayant laissé très peu d’espace aux oppositions pour s’exprimer. Claudia Sheinbaum, scientifique de formation, promet de s’inscrire dans la continuité de son mentor, avec une nuance de féminisme et de préoccupation environnementale. Sur le plan sécuritaire, la lutte contre le narcotrafic, la criminalité et la délinquance restent le grand échec d’AMLO. Sur ces points, tout reste à faire, le seul détenteur d’une baguette magique restant Donald Trump, qui a suggéré que l’armée américaine intervienne au Mexique pour régler les problèmes.

 

Haïti : un nouveau gouvernement pour recommencer à zéro, encore une fois

A la suite de l’assassinat du Président Jovenel Moïse dans sa résidence en 2021 par des mercenaires colombiens, et sans que l’enquête n’ait clairement identifié les commanditaires, le pouvoir a été exercé par Ariel Henry qui venait d’être nommé premier ministre.

Le pays le plus pauvre du continent, déjà dans une situation chaotique, incapable d’organiser des élections et sous l’emprise croissante des bandes criminelles, a sombré depuis lors dans l’anarchie la plus totale, les forces de l’ordre ne contrôlant plus aujourd’hui qu’une portion congrue du territoire.

Ariel Henri poussé à démissionner en raison de son impopularité et de la situation chaotique (les gangs, contrôlant l’aéroport de Port-au-Prince, l’ont empêché de rentrer dans son pays à la suite d’un voyage à l’étranger), les représentants des partis politiques et de la société civile ont imaginé, avec le soutien des États-Unis et de la France, un processus destiné à ramener une autorité intérimaire légitime dans l’île. Un « Conseil de transition » composé de 9 membres a été désigné avec pour mission d’organiser des élections après avoir ramené l’ordre.

Edgard Leblanc Fils a été coopté en son sein le 30 avril 2024 pour en être le Président, Fritz Bélizaire, un ancien ministre des Sports ayant été désigné Premier ministre avec pour mission de former un gouvernement. Sur le terrain, la situation reste confuse et dangereuse.

Ni les États-Unis ni la France ne souhaitant s’impliquer directement, une force de police internationale est en train d’être constituée avec l’accord de l’ONU. Des policiers Kényans mais aussi béninois, des Bahamas, du Bangladesh, de la Barbade et du Tchad, sous commandement kényan, devraient prochainement être déployés. Une lueur d’espoir pour la population haïtienne et peut-être le début d’un long chemin vers la reconstruction d’un État digne de ce nom.

 

Panama : un nouveau Président face aux enjeux du canal et des migrations dans le Darien

Jose Raul Mulino a été élu Président de la République du Panama le 5 mai avec 34% des voix lors de ce scrutin à un tour. Ancien ministre de l’Intérieur et de la Justice, représentant de la droite traditionnelle, il n’était pas programmé pour la fonction : initialement destiné à devenir le Vice-Président de Ricardo Martinelli, il est devenu le candidat principal lorsque celui-ci a été condamné pour corruption et déclaré inéligible en mars dernier. Réfugié dans l’ambassade du Nicaragua, le très populaire ancien président Martinelli (2009-2014) dont le mandat est associé à une période faste sur le plan de l’économie et des investissements dans les infrastructures, a mené campagne sur les réseaux sociaux en faveur de son ancien ministre : l’opération « transfert de popularité » a brillamment réussi… et laisse ouverte la possibilité d’une prochaine grâce présidentielle.

Le nouveau président, qui prendra ses fonctions le 1er juillet 2024, est confronté à des enjeux majeurs sur le plan interne, notamment celui de la corruption et de la stagnation économique (un important mouvement populaire a conduit à l’annonce en 2023 de la fermeture de Minera Panama, la plus grande mine de cuivre d’Amérique centrale, exploitée par les Canadiens de First Quantum Minerals : elle représentait 5% du PIB du pays, 7 000 emplois directs et 30 000 emplois indirects).

Mais le Panama est aussi un pays stratégique à plusieurs niveaux : confronté à une sécheresse exceptionnelle et à une baisse du niveau d’eau dans les lacs qui alimentent les écluses de son célèbre canal, il a dû réduire le trafic transocéanique qui voit passer en temps normal 6% du commerce mondial. Par ailleurs, sur sa frontière sud avec la Colombie, la jungle hostile du Darien est devenue un point de passage pour 500 000 clandestins issus d’Amérique du Sud, d’Haïti ou de Cuba, à destination des États-Unis, en 2023. Jose Raul Mulino s’est engagé à stopper ce flux qui est devenu un enjeu pour tout le continent.

Opinion Internationale et sa rubrique « Amériques latines » soutiennent les Semaines de l’Amérique latine et des Caraïbes et vous invitent à en découvrir la présentation et le riche programme sur le site officiel :

Semaine de l’Amérique latine et des Caraïbes (semainesameriquelatinecaraibes.fr)

 

Laurent Tranier

Rédacteur en chef Opinion Internationale, chef de rubrique Amériques latines, fondateur des Editions Toute Latitude