Le Rassemblement national, ex-Front National, est pour un un projet d’« alliance européenne des nations libres et souveraines ». Une sorte d’Europe à la carte dans laquelle les États auraient tout le loisir de participer – ou non – à des « coopérations industrielles, économiques, scientifiques » et autres « projets d’avenir » (Le Monde). C’est donc l’Europe des nations, le contraire de l’Europe telle qu’elle s’est faite au lendemain de la Seconde guerre mondiale, une Europe pour dépasser les divisions meurtrières entre nations ; car l’Europe des nations porte en elle les germes des guerres, des divisions, es intérêts divergents et des oppositions profondes. L’histoire sur plusieurs siècles l’a malheureusement montré et le montre encore à l’Est.
L’Union européenne, fondée sur ce dépassement des nations, a permis un extraordinaire développement économique et social dès les années 1950 et surtout 1960. On ne peut et on ne doit revenir en arrière. Bien au contraire.
La vision tacticienne qu’a le Rassemblement national est notamment le refus d’aller de l’avant dans les domaines vitaux pour notre avenir, qui est lié à l’avenir de l’Europe.
La stratégie tricolore du parti d’extrême droite reprend le code couleur des feux de circulation – vert, orange, rouge –, et vise à distinguer les secteurs dans lesquels une coopération entre États européens est acceptable, admise sous condition de nouvelles restrictions, ou strictement inenvisageable. Les lignes rouges concernent :
• La gestion de l’immigration à l’intérieur même de nos États.
• La souveraineté énergétique.
• La diplomatie.
• La défense, y compris la propriété de notre dissuasion nucléaire.
• L’élargissement de l’Union ou le passage de l’unanimité à la majorité qualifiée pour la prise de décisions dans l’UE.
Ainsi, alors que l’environnement est si menaçant aux limites de l’Union européenne et sur un plan plus global au niveau mondial, alors que la guerre d’agression contre l’Ukraine montre la nécessité d’une défense européenne et d’une industrie de défense européenne communes, d’aides économiques communes, d’autant plus nécessaires que notre protecteur pendant des décennies, les États-Unis, défaille, hésite, recule. Malgré donc ce contexte si lourd de menaces, le RN s’oppose à ce qui est une évidence. L’heure de l’Europe de la défense a sonné. Il n’est vraiment pas l’heure de la mettre sous le boisseau.
Dans des domaines moins stratégiques, mais très sensibles, comme l’immigration, la réponse là encore doit être commune, ne peut être que commune car, comme aux États-Unis qui font face au même problème, les frontières ne sont pas infranchissables. Et les migrants légaux ou illégaux passent aisément d’un pays à l’autre. Il faut affronter ce problème ensemble et aussi avec les pays de départ.
Le RN se trompe et nous induit en erreur en vantant des solutions purement « nationales ».
Pour faire avancer l’Europe, l’Union européenne, il faut aussi un exécutif européen fort. Mais là encore le RN refuse une Commission européenne forte, qui malgré ses défauts, incarne l’intérêt commun européen et a force de proposition. Certes, contrairement au programme du RN en 2019, la Commission européenne ne serait pas supprimée, mais elle perdrait sa prérogative d’initiative législative, et serait réduite à un simple secrétariat général.
La Commission européenne doit jouer au contraire son rôle et le poursuivre, de même que le Parlement européen. Mais à voir comment le RN traite le Parlement par son absentéisme et sa faible implication, on ne peut être qu’inquiet ; de même que les soupçons d’utilisation des fonds européens du Parlement pour l’intérêt propre de son parti, c’est l’affaire des soupçons d’emplois fictifs concernant les assistants parlementaires des députés européens du Front national qui attend d’être jugée après les élections : cette affaire stupéfie.
Certaines critiques à l’encontre de l’Europe sont aussi largement injustifiées. Ainsi de la Politique agricole commune (PAC) qui est régulièrement vilipendée. Pourtant la France est la première bénéficiaire de la PAC avec quelques 9 milliards d’euros nets reçus par an. Certes, on l’a vu, les petits agriculteurs font face à de lourdes difficultés, mais qu’en serait-il sans la PAC et la manne européenne ? Que seraient nos grands céréaliers, et nos points forts agricoles ? Il faut arrêter de tout mettre sur le dos de l’Europe et de s’affranchir de nos responsabilités.
Notre responsabilité c’est, dans un monde où les États-nations européens sont limités, de faire avancer l’Union européenne. C’est notre horizon. Quel mépris a le RN de l’Europe qui a tant servi au développement, dans tous les domaines, des peuples européens (de nombreux chiffres sont là pour le prouver depuis 70 ans) ! Quelle blessure portée à ceux qui croient, à juste titre, que l’Europe est au service des peuples et non au service des populistes qui abusent les peuples et attisent les divisions qui nous affaiblissent !
Car, quoi, veut-on revenir à une addition d’États, grands par l’histoire mais petits par la démographie, l’économie ou la diplomatie ?
Non, l’Europe vue par le RN c’est une fausse idée de l’Europe, une vision archaïque. C’est l’Europe qui retourne sûrement à son passé qui a été divisé, meurtrier et dangereux. Une Europe des nations qui n’a jamais fait ses preuves historiquement. D’ailleurs, l’Union européenne n’a jamais nié les nations, contrairement à ce que dit le RN : elle veut au contraire les valoriser toutes par un effort en commun, tourné vers l’avenir pour faire face aux grands défis des futures décennies, qui ne se règlent pas seuls, mais de concert. Tous pour l’Europe, l’Europe pour tous !