Inexorablement, la tricherie accompagne la pratique du sport de compétition. Des moments de honte parsèment l’histoire des Jeux Olympiques à cause de ce fléau. Au cœur d’une concurrence exacerbée, l’athlète et son staff explorent tous les outils existants pour optimiser leurs performances ; le plus souvent, par une consommation de produits dopants orchestrée avec la complicité de très cupides acteurs de l’industrie pharmaceutique.
La lutte contre le dopage reste une spécialité Française, reconnaissons cette vertu à nos institutions sportives. Nos athlètes, abreuvés d’informations sur les risques inhérents à ces pratiques, respectent les règlements, plus scrupuleusement que certains de leurs homologues étrangers, laissés libres de tout excès par leurs fédérations et gouvernements.
Toutefois, depuis sa création par le CIO en 1999, l’Agence Mondial Antidopage (AMA) parvient à uniformiser les contraintes. Parmi ses réussites, la sanction prise contre l’État russe, instigateur d’un dopage organisé de ses sportifs à l’occasion des Jeux d’hiver de Sotchi en 2014.
A l’occasion de Paris 2024, la France poursuit son combat contre les tricheurs grâce à une loi adoptée en 2023 qui permet l’utilisation de nouvelles techniques dissuasives. Des dispositions inscrites durablement dans le Code du sport autorisent les laboratoires antidopages français à procéder à des tests génétiques sur tout sportif (comparaison d’empreintes génétiques ou examen de caractéristiques génétiques). Une révolution !
Pour bien en évaluer la portée, reprenons les grandes « ères » de l’optimisation physique et psychologique de la pratique sportive par la prise de médicaments.
Chaque discipline sollicite des filières médicamenteuses adaptées à ses besoins. Certaines se tournent vers les stéroïdes anabolisants, dérivés de la testostérone : des hormones qui favorisent la formation des muscles.
D’autres se tournent vers les surexcitantes amphétamines, les euphorisants de toute origine, les hormones de croissance, des aliments et des boissons contenant des cannabinoïdes, les bêta-bloquants antistress, etc.
Totalement proscrite, leur consommation pourtant ancienne, ne parvient plus à échapper aux tests antidopage réalisées par les laboratoires.
Le dopage biologique a pris le relais dans les années 1990, avec la très efficace EPO. Une industrie se développe alors, sous la houlette de grands médecins italiens, parfois membres des commissions dirigeantes des fédérations internationales. La transfusion sanguine permettra d’injecter, sans être démasqué, ce produit utilisé pour traiter les cancers ou le SIDA. Les effets de l’EPO sur l’oxygénation du sang améliorent de 30% la performance de l’athlète dans des sports d’endurance. Là encore, la recherche permet aujourd’hui de déceler cette prise de produits grâce à des contrôles plus efficaces.
Mais l’industrie pharmaceutique, les praticiens mercantiles, les trafiquants, n’abdiquent jamais. Leur course à l’innovation se poursuit pour devancer les scientifiques épris de justice et d’intégrité. Toujours plus vite !
Plus le sport draine de l’argent, plus le dopage suscite les convoitises. Certes, les premiers coupables demeurent les sportif et leurs staffs. Mais qui pourra prétendre que sans la complicité du monde médical, ils auraient commis les mêmes illégalités ?
Pour les Jeux de Paris 2024, plus d’un millier de personnes interviendront lors des différentes étapes de la lutte. Tous les sites de compétition réserveront un espace au contrôle antidopage où quelque 360 « préleveurs » veilleront. Les Comités Internationaux olympiques et paralympiques établissent les règles en s’alignant sur celles de l’Agence Mondiale Antidopage. Une autorité indépendante spécialisée, l’International Testing Agency (ITA) réalise le programme lors des épreuves. Le Comité d’organisation s’assure du financement, de la planification et de la mise à disposition des équipes, du matériel et des infrastructures pour permettre les tests et leur analyse. Pour remplir ces missions, Paris 2024 a choisi de solliciter le soutien de la très réputée Agence française de lutte contre le dopage (AFLD).
L’étau se resserre sur les dopés, de plus en plus fragilisés par cette fameuse avancée contre le dopage génétique, souvent fantasmé par les apprentis sorciers. Au vu des innovations scientifiques, cette pratique sans éthique offre des opportunités aux tricheurs. Le monde du sport s’en préoccupe depuis quelques années. Les exemples de l’athlétisme et de la natation permettent de mieux comprendre ce que les manipulations génétiques modifieraient. Ils incarnent les gestes naturels de l’être humain. Des records y sont encore battus soulevant certaines questions. Comment encore repousser les limites de la performance quand les techniques d’entraînement ont déjà atteint l’excellence ? Comment permettre à un humain de courir, sauter, nager, lancer mieux que sa nature le lui permet ? Les gènes du guépard, animal le plus rapide sur terre, aideraient-ils un athlète à battre le déjà très déconcertant record du monde du 100 mètres d’Usain Bolt ? Peut-on génétiquement accroître les capacités des plus grands sportifs de la planète au mépris de toute éthique ?
A Lire : Dopage génétique et vers marins – Dans les yeux de Paris 2024, la chronique #22 (épisode 2) de Frédéric Brindelle
Frédéric Brindelle
Journaliste, chef de rubrique « Opinion Paris 2024 »