Derniers jours ! Le 2 juin, l’exposition « Ma guerre (illustrée) d’Ukraine » d’Hector (dont le livre éponyme est paru aux éditions Michel Taube), présentant une sélection de ses 200 dessins de presse, fermera ses portes au Musée « Au Fil de Papier » à Pont-À-Mousson (54).
C’est une exposition unique en France, puisque mi-juin, les dessins d’Hector partiront pour un long périple rejoindre le Musée de l’histoire de l’Ukraine à Kyiv, l’artiste ayant décidé de faire don de ses originaux en signe de résistance et de soutien à ce pays opprimé par la Russie de Poutine.
Avant le décrochage de l’exposition, Opinion internationale est allé à la rencontre de Jean-Pierre Bardot, le conservateur du Musée, pour revenir sur les moments forts de cette exposition en terres mussipontaines.
Monsieur le conservateur, pourriez-vous nous présenter le musée Au Fil du Papier ?
Le musée « Au fil du Papier » présente l’ensemble des grands moments de l’histoire de Pont-à-Mousson, la création de la ville et sa structuration autour du pont à l’époque médiévale, la fondation en son sein de la première université de Lorraine au XVIe siècle, l’histoire des célèbres fonderies de Pont-à-Mousson, celle de son Imagerie populaire et enfin et surtout celle de son industrie du papier-mâché.
Ce musée municipal a également la particularité de présenter une importante et rare collection de mobilier Second Empire en papier-mâché laqué.
Pourquoi avoir choisi de présenter les dessins d’Hector sur la guerre en Ukraine ?
Il s’agit d’un sujet d’actualité important pour nous et les dessins d’Hector sont d’une exceptionnelle éloquence. Hector à l’art, la manière et surtout le talent de toucher le lecteur par son trait de crayon incisif et plein d’humour. Il nous a semblé fondamental de lui ouvrir un espace au sein de notre musée, dans notre salle dédiée aux arts graphiques, afin qu’il puisse s’y exprimer et présenter ses œuvres pour le plus grand plaisir du public.
Il s’agissait également de montrer notre soutien au peuple Ukrainien.
Enfin, permettez-moi un argument plus personnel cette fois, parce que Régis Hector est un ami proche avec qui c’est toujours un plaisir et un honneur de travailler.
Quel est votre dessin préféré parmi les oeuvres d’Hector ? Et pourquoi ?
Mon dessin préféré est celui où nous voyons un gardien de salle dans un musée présenter « l’art russe ». La raison est simple : travaillant dans un musée il m’interpelle et surtout me fait sourire, même si le sujet est sérieux et malheureusement triste.
Quelles ont été les réactions des visiteurs face à cette exposition ? Notamment, les familles ukrainiennes de Pont-A-Mousson ?
Les retours sur cette exposition ont tous été très positifs, qu’il s’agisse de la thématique, mais surtout de la qualité des dessins d’Hector qui ont interpellé de nombreux visiteurs. Les familles ukrainiennes de Pont-à-Mousson ont été vraiment très touchées par cette exposition, qui leur montre qu’ils ne sont pas oubliés, surtout à un moment où la situation sur le front est difficile.
Pourquoi avoir choisi d’associer les scolaires à cette exposition ? Et quelles sont leurs réactions ?
Il nous a semblé important d’associer les scolaires à cette exposition car outre le fait qu’elle traite d’un sujet d’actualité et d’histoire immédiate, elle ouvre la question du dessin de presse et de la liberté d’expression en période de conflit. Il s’agit en outre d’un thème, celui de la liberté d’expression, qui fait partie des enseignements des élèves.
Les scolaires ont vraiment été intéressés par ce sujet qui leur parle puisqu’ils en entendent régulièrement parler dans les médias, et qui a permis de les questionner sur les grands principes de la liberté d’expression.
Dans ce monde où l’écrit est en perte de vitesse et où la vidéo devient le langage universel, quel est votre regard d’une part sur les dessins de presse et d’autre part sur le rapport des citoyens aux livres ?
Le dessin de presse est une forme d’expression qui a de l’avenir, car dans un monde où tout va de plus en plus vite, et où le lecteur est de plus en plus pressé, il permet de synthétiser à la fois une idée, une humeur, un évènement en une image ; tout en questionnant le lecteur sur celle-ci. Il s’agit donc d’un outil d’expression extrêmement puissant.
Concernant le livre, même si la lecture décline en France, nous sommes encore loin d’un abandon ou d’une disparition du livre. Le livre est principalement concurrencé par d’autres supports. Les gens continuent à lire, mais via d’autres moyens, comme sur Internet où la lecture est très sollicitée.
De plus il reste toujours un rapport amoureux au livre en tant qu’objet. Il est très rare que l’on jette un livre, alors que même de nos « précieux » smartphones nous nous en séparons sans aucun regret pour un modèle plus récent.
Une question plus personnelle pour finir : votre métier de Conservateur de musée a-t-il évolué avec les progrès du numérique et de l’IA notamment ?
Avec l’évolution du numérique oui, puisque la numérisation du patrimoine culturel est devenue un enjeu stratégique des musées. Cette numérisation permet une valorisation des collections en proposant aux visiteurs une diversité de supports médiatiques. La numérisation permet également de sauvegarder virtuellement les collections ainsi qu’un meilleur accès aux contenus scientifiques du patrimoine pour le visiteur. La numérisation permet donc une meilleure diffusion et valorisation des collections, plus particulièrement via l’Internet.
Au sujet de l’Intelligence artificielle dans les musées, nous n’en sommes encore qu’aux balbutiements. Toutefois, l’IA ouvre un vaste champ d’utilisation pour les musées, à la fois comme outil de médiation et outil de recherche sur les collections, etc. Il est vrai que l’IA inquiète : cependant il ne faut pas y voir une menace pour les professionnels mais plutôt un nouvel outil au service des musées.
Merci Jean-Pierre Bardot, Conservateur du musée « Au Fil du Papier » de Pont-a-Mousson (54) pour cet entretien.
Retrouvez les interviews réalisées par Radio Activité
Hector, Auteur de « Ma guerre (illustrée) d’Ukraine », éd. Michel Taube
Henry Lemoine, Maire de Pont-à-Mousson
Liuba Zhurbenko, journaliste ukrainienne en Ukraine
Violeta Moscalu, Présidente de l’association Echange Lorraine Ukraine
« Ma guerre (illustrée) d’Ukraine »,
ed. Michel Taube,
en vente dans la boutique d’Opinion Internationale