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19H27 - jeudi 30 mai 2024

Euthanasie : solution miracle ou déroute morale ? – La chronique de Sofiane Dahmani

 

Ah, l’euthanasie ! Le sujet préféré des débats philosophiques, des discussions éthiques, et des dîners de famille inconfortables. Nous vivons dans un monde où la technologie nous permet de vivre plus longtemps et, paradoxalement, nous discutons de la meilleure manière de mettre fin à cette vie prolongée. Certains voient l’euthanasie comme un acte de compassion ultime, une sorte de chevalier en armure étincelante venant libérer les malades de leurs souffrances. Mais n’est-il pas temps de se demander si nous ne nous emballons pas un peu ?

Il est indéniable que l’euthanasie, dans certains cas extrêmes, peut être perçue comme un acte de miséricorde. Prenons l’exemple des patients en phase terminale de maladies incurables, souffrant de douleurs indescriptibles malgré tous les efforts médicaux. Dans ces situations, l’idée d’une « bonne mort » peut sembler être la seule issue humanitaire. Toutefois, si nous commençons à considérer l’euthanasie comme une solution de facilité, nous risquons de perdre notre humanité et de négliger les aspects essentiels des soins palliatifs et du soutien psychologique.

Le problème réside dans la nature subjective de la souffrance et du désespoir. Ce qui est insupportable pour l’un peut être supportable pour l’autre. Si nous donnons à chacun le droit de choisir la mort au lieu de la vie, ne risquons-nous pas de créer une société où la valeur de la vie est diminuée ? Par exemple, combien de patients déprimés, mais non en phase terminale, pourraient choisir l’euthanasie par désespoir temporaire, alors qu’avec le temps et les bons soins, ils auraient pu retrouver une qualité de vie acceptable ?

Il est également crucial de considérer le cadre légal et médical de l’euthanasie. Dans les pays où elle est légalisée, des mesures strictes sont mises en place pour éviter les abus. Cependant, même avec les meilleures intentions, des erreurs peuvent se produire. Des diagnostics erronés, des pressions familiales, ou des moments de faiblesse morale peuvent pousser des individus à prendre des décisions irréversibles. Et une fois la décision prise, il n’y a pas de retour en arrière possible. « Oups, je me suis trompé, je veux revivre » n’est pas une option viable.

Et puis, réfléchissons à cette fascination morbide pour le contrôle absolu sur notre destin. Dans notre société obsédée par le choix et l’autonomie, nous en venons à vouloir tout contrôler, y compris notre mort. Mais la mort, par sa nature même, échappe à notre contrôle. Elle est la grande égalisatrice, l’inévitable point final de l’existence humaine. Vouloir la programmer à notre convenance, n’est-ce pas un peu prétentieux ? Et si nous utilisions ce besoin de contrôle pour améliorer les soins de fin de vie, pour apporter du confort et de la dignité dans les derniers moments, plutôt que pour précipiter la fin ?

Nous devons aussi envisager les conséquences sociétales à long terme de la banalisation de l’euthanasie. Une société qui accepte facilement l’euthanasie risque de développer une tolérance inquiétante à l’égard de la mort assistée. Des personnes vulnérables pourraient se sentir poussées à choisir la mort pour ne pas être un « fardeau » pour leur famille ou la société. Cela pourrait également mener à une réduction des investissements dans les soins palliatifs et la recherche sur la gestion de la douleur, car pourquoi dépenser des ressources pour améliorer la qualité de vie des mourants quand on peut simplement les aider à mourir ?

L’euthanasie ne devrait être envisagée que dans les cas les plus extrêmes et avec des garanties robustes pour éviter les abus. Nous devons nous rappeler que chaque vie a une valeur inestimable et que notre devoir est de soutenir et d’accompagner les personnes en souffrance, non de les précipiter vers la mort. Avant de considérer l’euthanasie comme une solution acceptable, assurons-nous d’avoir épuisé toutes les autres options, de la thérapie de la douleur aux soins palliatifs en passant par le soutien psychologique. Ne laissons pas la tentation de la solution rapide nous détourner de notre responsabilité morale de protéger et de valoriser chaque vie humaine, jusqu’à son terme naturel.

Sofiane Dahmani,
Étudiant, chroniqueur à Opinion Internationale, Villefranche-sur-Saône

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