Edito
18H26 - jeudi 30 mai 2024

Roland-Garros, en avant-première. Dans les yeux de Paris 2024, la chronique #26 de Frédéric Brindelle

 

A l’approche de l’été, la terre battue bat la mesure du tennis mondial.

Son temple Roland-Garros s’érige entre le Parc des Princes et les populations hétéroclites du Bois de Boulogne. L’évènement s’affiche dans la parade des plus prestigieuses compétitions sportives de la planète. Il adoube les stars du grand cirque orange tout au long de sa quinzaine « paillettes ». Les joueurs les plus brillants rivalisent sous le regard cristallin de personnalités socialement éclatantes.

En cette légendaire année 2024, Roland-Garros dévoile ses courts à deux reprises : pour son grand chelem et pour le tournoi olympique.

Une aubaine ! Exceptionnellement, le deuxième événement pourrait même supplanter le premier, de par le contexte singulier du moment. 

Pourtant le tennis baguenaude hautainement autour de la scène olympique. Présent lors des premières éditions « amateurisées », jusqu’en 1924, il disparaît du programme pendant 64 ans, boudé à cause de son hyper professionnalisation. Ses structures commerciales régissantes, ATP pour les hommes et WTA pour les femmes, sacrent les préceptes du business. La discipline s’éloigne de la famille des Jeux dans laquelle sa divine française Suzanne Lenglen, médaillée d’or à Anvers en 1920 et le mousquetaire Henri Cochet argenté à Paris, il y a 100 ans, occupent une place inoxydable.

Pour son grand retour comme sport officiel, à Séoul en 1988, la petite balle jaune laisse sceptiques les sportifs, déplorant le peu de passion exhibée par les meilleurs mondiaux. Wilander, Becker, Mac Enroe et autre Agassi snobent le tournoi masculin. Heureusement, Steffi Graf, reine incontestée de l’époque, s’adjuge le titre féminin.

Petit à petit, le tennis apprivoise les Jeux d’été. Les meilleurs mondiaux disputent désormais les cinq compétitions olympiques. Même le confidentiel double mixte est inclus au programme, dès 2012 à Londres, à l’initiative du CIO. Le tournoi se déroule alors à Wimbledon. Les plus grands joueurs gonflent le nombre de médailles pour leur nation respective, eux qui ne goûtent au plaisir de la sélection qu’à l’occasion de la Coupe Davis, ou de la Fed Cup pour les dames.

Cet été à Paris, le tournoi olympique pourrait bouleverser l’histoire du tennis.

Star incontestée, Rafael Nadal, déjà double champion olympique, porte-drapeau de l’Espagne à Rio en 2016, peut encore décupler son aura planétaire. Détenteur d’un inaccessible record à Roland-Garros (14 victoires), « Rapha » escomptait une sortie prestigieuse en ce printemps, dans le Grand chelem Parisien. Affaibli par la rudesse du temps, son squelette plie mais ne rompt pas. Courageusement, il relève le défi : jouer le tableau final, malgré un rang de 275ème mondial. Le sort veut qu’il affronte le 4ème mondial, Alexandre Zverev, dès le premier tour. Son élimination prématurée tranche avec l’idée que le public se faisait de son dernier Roland-Garros. Le tournoi Olympique lui offre cependant une issue potentiellement mémorable. Si sa santé ne le trahit pas, il pourrait quitter son « jardin » parisien orné d’une médaille d’or… un triomphe mérité !

Ses deux compagnons de légende générationnels, Roger Federer et Novak Djokovic, n’ont jamais remporté le tournoi olympique en simple. Le Suisse compte toutefois une médaille d’or en double avec Stan Wawrinka. Le cas du Serbe interpelle. Djokovic possède tous les records du tennis mais n’est toujours pas parvenu à gagner la médaille d’or pour sa Serbie adorée, dont il est aujourd’hui l’icône rédemptrice à l’international (après que l’image de cette nation eut été ternie par la guerre de Yougoslavie dans les années 1990). Gagner l’or pour son pays constituerait le titre le plus émouvant de sa carrière, lui le meilleur joueur de tous les temps. Il lui reste une unique chance, cet été à Paris !

Le tournoi de tennis féminin pourrait quant à lui focaliser les commentaires géopolitiques, sur fond de guerre Russo- Ukrainienne. Quatre athlètes russes et biélorusses, occupent une place dans le Top 20 mondial. Deux Ukrainiennes seront tête de série dans le tableau. Les joueuses des deux nations pourraient s’affronter pour le podium, les unes sans leurs couleurs, sous bannière neutre, les autres tout de bleu et jaune vêtues. Qui peut ignorer la portée symbolique d’une telle opposition, en simple, double ou double mixte ? Le vainqueur offrirait à son pays, un ascendant sur l’autre, au classement des médailles.

Le tennis à Paris 2024 captivera le monde entier. Hormis peut-être les fans français. Michael Llodra et Joe-Wilfried Tsonga restent à ce jour nos derniers médaillés, en double, en 2012.

Aucun de nos compatriotes n’envisage un podium tant le niveau tricolore trébuche sur les exigences du jeu sur terre battue. Nos représentants potentiels savent que la pression de leur vraisemblable échec pèsera sur leurs épaules. Et pourtant, il faudra bomber le torse, sur les courts de Roland-Garros, car cette année, le rendez-vous olympique détrônera le Grand chelem, preuve que le tennis rayonne de nouveau sur l’Olympisme.

 

Frédéric Brindelle
Journaliste, chef de rubrique « Opinion Paris 2024 »