Dans la France de 2024, un simple mot évoque une histoire tumultueuse, une tragédie nationale. Il est en même temps la preuve qu’il n’y a plus un seul peuple uni sur cette terre de France : harki. Ce terme, d’origine arabe, s’est inscrit dans le lexique français comme un symbole complexe, révélateur des divisions qui persistent au sein de notre société.
Les Harkis, ces combattants courageux d’origine algérienne qui se sont battus aux côtés de la France pendant la guerre d’Algérie, incarnent à la fois l’idéal républicain et l’amour de la France. Parmi ces 200 000 hommes engagés aux côtés des unités régulières de l’armée française, seulement 40 000 d’entre eux purent rentrer en France avec leurs familles, grâce à l’initiative d’officiers français qui avaient enfreint les ordres.
Par le sang versé, ils sont devenus Français. Ils ont sacrifié leur vie, et parfois leur famille, pour défendre l’idéal français, mais ont été abandonnés et trahis par les deux côtés du conflit. Victimes de représailles atroces après l’indépendance de l’Algérie, leur histoire est marquée par la souffrance, la marginalisation et l’injustice. Même si les accords d’Évian devaient garantir leur sécurité en France, l’honnêteté nous pousse à reconnaître que la France a échoué et que ces héros, pourtant français, n’ont pas été traités à leur juste valeur.
Pourtant, malgré les reconnaissances officielles tardives et les efforts pour réparer les torts passés, le mot « harki » reste chargé de significations contradictoires en France aujourd’hui. Pour nous, Français fiers et passionnés, il évoque le courage, le dévouement, le sacrifice et l’attachement à la patrie. Pour d’autres, il est synonyme de trahison, de honte et de stigmatisation.
En 2024, l’usage du terme « harki » révèle les fissures profondes qui traversent notre société.
Il est employé non seulement pour honorer la mémoire de ces héros oubliés, mais aussi comme une arme pour dénigrer, humilier et exclure. Ce mot est devenu une insulte, utilisée par ceux qui détestent la France alors même qu’ils n’ont connu qu’elle, une accusation de manque de loyauté envers ses origines, une manière de renvoyer aux origines et de pointer du doigt ceux qui sont considérés comme traîtres, tout en étant fièrement et passionnément français.
La fracture sociale en France ne se limite pas à la question des harkis. Elle se manifeste à travers les divisions alimentées par des questions ethniques, religieuses ou culturelles qui persistent dans notre société. Plutôt que de faire nation, de faire France tous ensemble à travers ce qui devrait nous unir : le drapeau tricolore, l’histoire, la grandeur de la France… Les attaques verbales et numériques contre ceux qui sont perçus comme des « harkis » témoignent de ces divisions, de cette méfiance et de cette hostilité envers ceux qui sont considérés comme ennemis.
Soyons honnêtes, nous avons sur le sol de la France des descendants d’immigrés, dont les parents respectaient bien souvent le pays qui les avait accueillis, avaient une reconnaissance pour un pays qui leur avait offert une condition sociale et de vie plus confortable que celle qu’ils auraient eue dans leur pays d’origine. Trop de ces descendants, alors qu’ils n’ont connu que la France, sa République, son système éducatif, médical… n’aiment pas la France et se sentent davantage appartenir à des pays qu’ils ne connaissent pas.
C’est pourtant en abordant ces questions avec empathie, compréhension et engagement que nous pourrons espérer surmonter ces divisions et bâtir un avenir plus harmonieux pour tous les citoyens français, quelle que soit leur origine ou leur histoire.
Car, malgré ces divisions, il reste de l’espoir. L’histoire des Harkis nous rappelle l’engagement et l’espérance d’une idée française. En honorant la mémoire des Harkis, nous devons œuvrer pour une société plus juste, plus inclusive et plus unie.
Ceux qui avaient choisi la France en 1962 étaient perçus comme des traîtres en Algérie. En 2024, les choses n’ont pas changé ou alors l’histoire est un éternel recommencement. Les Français d’origine étrangère, parfaitement intégrés et assimilés, qui aiment et vivent à la française, sont toujours taxés de « harki » et, par conséquent, perçus comme des traîtres par les ennemis de l’intérieur en France.
Les persécutions et les assassinats ne sont plus là, mais les méthodes d’intimidation utilisées pour lutter contre ces pseudo-traîtres ont évolué vers le numérique et la persécution, même si elle n’est évidemment pas la même, est toujours là.
Pour oser un autre parallèle avec l’Algérie, qui a été plongée dans une tragique décennie noire entre 1992 et 2002, où la barbarie islamiste sema la terreur dans le pays, avec l’entrisme islamiste progressant dans notre pays, en France, il faut craindre, si nous n’y prenons garde que demain ceux qui utilisent le mot « harki » à des fins injurieuses se retourneront armés contre la France et contre tous ceux qui l’aiment.
Radouan Kourak
Journaliste Entrevue, chroniqueur C8, éditorialiste Opinion Internationale