Edito
10H42 - mardi 11 juin 2024

« Le dernier mot reviendra au peuple. Tout le monde doit en avoir conscience. » Daniel Keller Face à Michel Taube

 

Daniel Keller, bonjour.
Vous avez été membre du Conseil économique, social et environnemental et êtes depuis plus de vingt ans un acteur éminent des débats de société en France.

Merci d’avoir accepté de répondre à Opinion Internationale en ce jour d’après.
Jour d’après les élections européennes et surtout d’annonce par le président de la République de la dissolution de l’Assemblée nationale et de la convocation de nouvelles élections législatives d’ici trois semaines. Est-ce un séisme politique ou un passage somme toute salutaire pour remettre les choses d’équerre dans notre pays ?
Les élections européennes ont montré qu’il y a un profond dissensus entre l’intention du président de la République, à savoir la politique européenne qu’il souhaite porter, et le vote des Français. La sagesse était donc d’en revenir au souverain. Dans une démocratie, il n’y a qu’un souverain, c’est le peuple. Le peuple a toujours raison parce qu’il est l’expression de la volonté générale. Je crois qu’une société se régénère en donnant la parole au peuple.

 

Nous assistons à la marche inexorable de Marine Le Pen et de Jordan Bardella vers le pouvoir. Au regard des grandes valeurs de la République comme les droits de l’Homme, la laïcité ou les fondements mêmes de notre pays, faut-il en avoir peur ?
Je pense que le discours sur la peste brune ou la menace fasciste que représenterait le RN n’a plus lieu d’être. Je comprends effectivement l’étonnement, la crainte même que peut susciter l’histoire du Rassemblement National, ses origines que je n’oublie pas évidemment. Mais je ne crois pas que les libertés fondamentales ni les grandes valeurs républicaines seront menacées demain.
Ce qui érode le pacte social et le modèle social et républicain de notre cher pays, ce sont surtout les risques de déclassement économique, d’appauvrissement social, notamment des classes moyennes, et les défis vertigineux en termes de politique régalienne, de respect de la laïcité, d’immigration, de sécurité ou de politique pénale et sur lesquels les Français ont exprimé leur mécontentement dimanche.


Dans 93% des communes françaises, le Rassemblement National est arrivé en tête le 9 juin.
Ne sommes-nous pas arrivés au bout d’un processus commencé il y a une cinquantaine d’années de rupture entre les élites et le peuple ?
La mondialisation a produit un clivage entre les élites, qui sont perçues comme « des gens nomades et d’ailleurs », et les populations plus enracinées, qui sont « les gens d’ici ». Je crois à cette tension entre les élites et le peuple qui nourrit un sentiment de défiance dont finalement la politique d’Emmanuel Macron est l’incarnation. Jérôme Sainte-Marie et d’autres intellectuels en parlent depuis des années. Il faut absolument que les élites et le peuple se réconcilient, fassent cause commune pour relever les défis qui sont devant nous.

Le 7 juillet au soir, nous aurons peut-être un premier ministre venu du Rassemblement National. Les corps constitués qui irriguent notre pays doivent-ils s’y préparer ?
Nous sommes républicains avant tout et, encore une fois, le peuple français fera son choix.
Oui, tout le monde devra se rassembler pour permettre à la France de se redresser et au pays d’aller mieux dans les trois ans à venir. Nous devrons tous aider à ce que cette nouvelle expérience gouvernementale, si elle doit advenir, ne soit pas le chaos que certains annoncent. Et puis en 2027 les Français trancheront à nouveau.

 

Propos recueillis par Michel Taube

Directeur de la publication