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21H27 - jeudi 13 juin 2024

Daniel Keller : « Pour les élections législatives, faire barrage au Rassemblement National est la priorité. »

 

Daniel Keller, merci d’avoir accepté de répondre une seconde fois à Opinion Internationale. Vous êtes ancien membre du Conseil économique, social et environnemental. Vous avez été Grand Maître du Grand Orient de France et président de l’association des anciens élèves de l’ENA. Un premier entretien enregistré mardi sur le « jour d’après » a manifestement mis le feu dans certains cercles respectables de notre pays. Vous avez souhaité clarifier votre position.

Daniel Keller : c’est vrai que vous m’avez interrogé sur le jour d’après, mais soyons clairs. Au moment où nous nous trouvons, la priorité n’est plus à dire « que se passera-t-il le jour d’après » mais à se demander : « que faisons-nous maintenant d’ici les législatives ? ». Et mon message est évident, clair et net : toutes les femmes, tous les hommes de bonne volonté, et j’y inclus la communauté des francs-maçons, ça va de soi, doivent se mobiliser pour empêcher que le Rassemblement National soit le grand vainqueur de ce scrutin.

Cette exigence appelle à une mobilisation sans réserve et je compte bien y prendre ma part.

Nous devons faire front dans un moment particulièrement difficile de la vie de notre République.

 

Pourquoi cette position ? Est-ce parce que le Rassemblement National menace la République française et ses valeurs ?

Je pense que la condamnation morale du Rassemblement National n’est pas efficiente et chaque fois qu’on l’utilise, elle le fait grimper dans les sondages. Je partage ce point de vue, notamment développé par un philosophe comme Alain Finkielkraut.

Je suis en même temps très à l’aise parce que, dans un passé qui n’est pas si ancien, j’avais eu l’occasion, dans le Journal du dimanche, de dénoncer les propos antisémites de Jean-Marie Le Pen qui, à l’époque, répandait abondamment dans le journal Rivarol des propos antisémites sur lesquels, d’ailleurs, Jordan Bardella s’était montré plus que mal à l’aise par rapport à cet historique du Front national. L’embarras de Bardella m’embarrasse et prouve que nous devons rester des plus vigilants. Je rejoins là l’analyse très subtile de Bernard-Henri Lévy dans son dernier livre « Solitude d’Israël ». On ne peut pas se désintéresser d’un antisémitisme à bas bruit qui est au cœur du projet de l’extrême droite depuis sa fondation, et qui évidemment ne s’exprime pas fortement aujourd’hui pour des raisons évidentes de séduction électorale.

Je pense également que le Rassemblement National se situe en dehors de l’arc républicain au sens où nous l’entendons.

Enfin, comme l’a rappelé le président de la République hier, nous ne pourrons pas dissoudre le peuple et une fois qu’il se sera exprimé, nous devons respecter son choix souverain. Mais la colère est mauvaise conseillère et elle ne doit pas guider les électeurs dans le choix qu’ils vont faire le jour de l’élection. C’est la raison pour laquelle je compte bien entendu sur la mobilisation des personnes de bonne volonté pour ramener tant de femmes et d’hommes qui ont certes des raisons d’être mécontents à la raison pour qu’ils puissent faire un choix républicain, et non le choix d’une colère aveugle.

 

Que ferez-vous le jour d’après si, malgré votre appel à la vigilance, le Rassemblement National se retrouve au pouvoir, c’est-à-dire à Matignon.

Encore une fois, au matin d’une bataille, on ne commence pas par envisager sa défaite. Tout devra être fait pour éviter que le pays ne bascule dans le chaos financier, chaos économique, chaos social, chaos politique.

Mais les autorités institutionnelles, le président de la République au premier chef, le Conseil constitutionnel, le Conseil d’Etat, tous les acteurs impliqués dans la vie publique de la nation, devront s’efforcer à la fois de respecter les choix exprimés par le peuple souverain, mais tout autant de faire en sorte que ces choix s’expriment dans le respect de l’Etat de droit et, si possible, avec le souci d’une gestion parcimonieuse des deniers publics pour éviter un appauvrissement généralisé.

Et d’ici là je me battrai pour que les candidats d’une troisième voie, centrale entre les extrêmes, remportent les législatives, car ils seront mieux à même de défendre nos valeurs, la lutte contre l’antisémitisme et la nécessité d’une réconciliation nationale. Ce ne sera pas, le cas échéant, un exercice facile. Il convient donc de bien réfléchir avant d’aller voter et de ne pas se laisser emporter par sa colère.

 

Propos recueillis par Michel Taube

Directeur de la publication

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