Opinion Paris 2024
12H47 - jeudi 13 juin 2024

Ils sont hors sol ! Dans les yeux de Paris 2024, la chronique #34 de Frédéric Brindelle

 
Des présidents de clubs de ligue 1 de football accusent Canal+ de vouloir « tuer le football français ». Ils ont osé. Est-ce vraiment étonnant ?


Nos contemporains parviennent de moins en moins à discerner le bon du mauvais sens. C’est un peu comme si on condamnait un commerçant d’avoir mis chaos un malfaiteur qui voulait lui dérober sa caisse ; ou si un parent réprimait un professeur parce qu’il avait exclu de sa classe son fils insolent. Comme si la victime se voyait requalifiée en coupable. 

Une pathologie très contemporaine !

1984, Canal + invente la retransmission sportive moderne.
Le football devient un spectacle rentable, pour le diffuseur et surtout, le diffusé, organisé sous l’égide de la Ligue de Football Professionnelle (LFP). Les droits de retransmission augmentent, les revenus des clubs de l’hexagone bondissent, les footballeurs s’enrichissent.

1992, l’Union Européenne et son marché unique, libéralise l’éco système du foot.
Avec l’arrêt Bosman, chaque joueur communautaire peut évoluer librement dans l’équipe étrangère de son choix. Des clubs Néerlandais, Portugais, Ecossais, Polonais, Tchèques, Bulgares, autrefois favoris des compétitions Européennes, sombrent par manque de moyens, incapables de conserver leurs meilleurs joueurs, happés par les fastes des 4 puissants : l’Angleterre, l’Espagne, l’Allemagne et l’Italie.
La France, souvent asphyxiante par son fétichisme de la fiscalité, place ses clubs dans la catégorie des « moyens riches ». Moins aisés que ses 4 riches homologues (servis par une législation plus incitative sur la surenchère financière), le foot Français aligne des équipes compétitives mais rarement finalistes des coupes d’Europe.
Pour réduire les écarts de budget et recruter de meilleurs joueurs, Canal+ finance, toujours plus, par ambition et aussi par contrainte. Concurrencé par des Chaînes de télévision (TPS), un pays (le Qatar) ou des multinationales (Orange, Amazone…), le Groupe Canal+ résiste tout en déplorant l’attitude de la ligue, qui ouvre systématiquement ses bras à ces luxueuses sirènes éphémères appâtées par le gain. Nonobstant leurs liens historiques et fondateurs. Fréquemment la Ligue tourne le dos à Canal+ qui pourtant revient, les bourses pleines, parfois obligée de licencier du personnel pour rentrer dans ses comptes.

Les clubs français peuvent nourrir leurs millionnaires, encouragés par des smicards, endettés pour avoir acheté la réplique onéreuse de leur maillot. Le peuple observe, aveuglé par sa passion mais se demande si ce petit monde ne vit pas au-dessus de ses moyens. Les clubs français échouent régulièrement aux portes des finalités des compétitions Européennes, que Canal+ finance et diffuse également. Le rapport qualité prix ne tient pas.

 

2020, le groupe Mediapro promet le paradis à la LFP.
Pourtant le groupe surfe sur les montages financiers bancals depuis des années. Naïvement, la ligue se jette dans ses bras, snobant son partenaire historique, prostré devant la scène, tel un mari cocu. La LPF croyait-elle vraiment qu’elle valait 1 milliard ?
Évidemment, Médiapro s’en est allé en cours de saison, comme annoncé par le mari trompé, qui pourtant accepta de sauver le navire, par patriotisme, pour ne pas laisser mourir notre football. Une fois la compétition terminée, la mariée s’est de nouveau jetée à corps perdu dans les bras d’un autre, un livreur de passage, « Amazon »… lui aussi sur le départ.

 

Juin 2024, à quelques jours de sa reprise, la ligue 1 se retrouve sans diffuseur et donc, sans ressource.
Le président du club de Montpellier, soutenu par quelques autres, s’exprime dans le journal l’Équipe et lance à l’encontre du cocu Canal+ : « Vous voulez tuer le football français ».

 

Quelle audace !
Parce que le football Français fantasmait sur sa valeur, qu’il estimait à 1 milliard d’Euros, il pavoisait, provoquait, négligeait. Tous ses courtisans l’ont lâché. Jean De la Fontaine (aucun lien avec Just, le meilleur buteur Rémois de l’histoire de la coupe du monde), aurait sans doute livré une savoureuse fable.Les solutions se comptent sur les deux pieds d’un joueur. Le Qatar et sa chaîne Bein sport, un ancien partenaire par qui tout a commencé, (responsable de la disparition d’une partie du service des sports de Canal+ en 2015), propose ses services pour diffuser le championnat… mais à un prix juste, celui que le marché définit par la règle de l’offre et de la demande. Nettement inférieur à celui revendiqué par la LFP.
Canal+ détient les clefs pour parafer le contrat, de par son rôle de distributeur de chaînes, notamment Bein sport. Son premier pilleur et son plus grand traitre l’implorent pour signer.
Que feriez-vous dans sa situation ?


Canal+ ne peut être attaquée ; en revanche elle doit être courtisée.
Vincent Labrune, le président de la Ligue semble l’ignorer. Normal que, pour son ancien partenaire, Labrune compte pour des prunes !

 

Frédéric Brindelle
Journaliste, chef de rubrique « Opinion Paris 2024 »