L’Inde entre dans une nouvelle ère de sport et se prépare à des Jeux multi-alignés pour 2036…
Le pays le plus peuplé du monde brille bizarrement par son absence des podiums olympiques. Malgré une forte industrialisation qui le rend très influent économiquement, malgré une grande vivacité démocratique et démographique, l’Inde détient un palmarès relativement modeste par rapport aux autres grandes puissances mondiales. Cependant, des signes de changement se profilent à l’horizon…
L’Inde a fait sa première apparition aux Jeux Olympiques modernes en 1900 à Paris, avec la présence d’un seul athlète, Norman Pritchard, qui a remporté deux médailles d’argent en athlétisme. Malgré ce début prometteur, le pays ne réapparaît qu’aux Jeux de 1920 à Anvers. Pourtant membre, elle aussi, de l’empire Britannique, la patrie de Gandhi ne suit pas le modèle des autres joyaux de la Couronne comme le Canada ou l’Australie, où le sport trône au cœur de l’éducation. En 1947, l’Inde devient indépendante mais reste en retrait de la plus grande compétition du monde. Actuellement 5ème puissance mondiale, elle n’est qu’à la 50e place dans le tableau des médaillés olympiques.
La période de ce qu’on pourrait appeler “l’âge d’or olympique de l’Inde” fut brève. Elle s’étend de 1928 à 1956 avec le hockey sur gazon. L’équipe indienne masculine remporte 6 médailles d’or consécutives. Ce sport a été introduit par les Britanniques dans leur colonie, tout comme le cricket, la passion indienne. Ce sport national lui permet de briller sur la scène internationale, notamment grâce à ses victoires en Coupe du Monde. Pourtant le cricket n’a toujours pas sa place aux Jeux Olympiques. Anomalie fort regrettable.
Pourquoi cet intérêt de l’Inde pour des sports absents de l’Olympisme ? Les facteurs sont historiques, culturels, et structurels. Le cricket est un sport qui peut être joué partout et à moindre coût, alors que les plus grandes disciplines de l’olympisme, comme la natation, l’équitation, ou le tennis demandent des infrastructures plus coûteuses que l’Inde n’avait pas pu s’offrir pendant longtemps. Le cricket a une portée médiatique considérable en Inde, Les matchs, en particulier ceux de la ligue professionnelle, attirent des centaines de millions de téléspectateurs et d’énormes investissements publicitaires. La coupe du monde de cricket constitue la 3ème plus grosse audience des événements sportifs de la planète.
D’autre part, chaque sport incarne la culture d’un pays ou d’une civilisation. L’Inde est longtemps restée étrangère à ces autres disciplines maîtrisées par les délégations concurrentes et accuse un retard considérable dans la pratique. Compliqué de s’y faire une nouvelle place. Les raisons culturelles expliquent aussi le manque d’engouement pour tous les sports : les parents ne poussent pas du tout les enfants a devenir professionnels. En revanche, dans les sports plus cérébraux, de nombreux Indiens sont dans le top 100 mondial des joueurs d’échec.
Enfin le gouvernement réserve traditionnellement un budget assez faible à son ministère des Sports. Peu d’universités ont la capacité de former des sportifs de haut niveau comme c’est le cas dans d’autres pays. Les infrastructures sportives peinent à se développer dans l’ensemble du pays.
L’exemple du tireur à la carabine, Abhinav Bindra interpelle. Vainqueur de la 9ème médaille d’or Olympique de l’histoire de son pays lors des jeux de Pékin en 2008, ne trouvant pas d’installations adaptées, Il dut aménager son garage pour s’entraîner avant de déménager en Allemagne où des coachs l’ont alors fait progresser.
Pourtant, tout semble s’accélérer pour l’Inde qui prépare sa candidature à l’organisation des Jeux de 2036. A Tokyo, Neeraj Chopra a créé la sensation en gagnant l’or au lancer du javelot. Il est devenu une star, suivie par des millions de followers sur les réseaux sociaux. Le CIO vient de valider l’arrivée du cricket aux Jeux pour l’édition de Los Angeles en 2028, On peut imaginer que la délégation indienne y excellera et que le public sera au rendez-vous pour célébrer ce sport ancré dans sa culture.
La délégation indienne sera bien présente cet été à Paris pour sa 26ème participation. Elle concourra dans 28 sports. L’objectif du pays est d’offrir une représentation de plus en plus diversifiée et de montrer son nouvel intérêt pour cette compétition. Les espoirs de médailles se portent bien sûr sur le hockey sur gazon mais aussi le badminton et l’athlétisme. L’Inde voudra montrer au monde entier son nouvel intérêt et ses ambitions pour les Jeux Olympiques.
De France 2024 à India 2036, ces deux pays très proches dans leur vision multilatérale des relations internationales pourraient s’allier pour que l’Inde accueille en effet dans douze ans, et pour reprendre un terme indien, des Jeux multi-alignés.
Michel Taube et Mathilde Chardon, Journaliste Rubrique Opinion Paris 2024