François Perret, vous êtes candidat à la direction de Sciences Po Paris, une institution clé de la République, mais une institution en crise très grave. Pourriez-vous vous présenter en quelques mots ?
Je suis un passionné d’économie, de sciences sociales et d’enseignement supérieur.
J’ai mis à disposition mes compétences et cette passion pour jouer un rôle de passerelle entre le secteur public, dans lequel j’ai longtemps travaillé au ministère de l’Économie et des Finances, et le secteur privé, où je suis un animateur de la relation entre les grandes entreprises et les PME.
Vous êtes à la croisée du public et du privé. Nous allons y revenir. Mais pour commencer, vous avez déjà été candidat à la direction de Sciences Po en 2021. Vous voilà à nouveau candidat en 2024. Pourquoi cette persévérance ? Quel en est le sens profond ?
Vous vous souvenez de cet ancien président de la République qui, le matin, se levait, se rasait et pensait à l’élection présidentielle. Moi, depuis 2021, je me lève chaque matin et je pense à la direction de Sciences Po.
Car Sciences Po, est une école dont je suis très fier. J’y ai étudié et énormément appris grâce à l’enseignement de mes professeurs en sciences sociales, en économie, en finances publiques et en droit.
Mais malheureusement, Science Po est aussi une école largement décriée depuis quelques années et je ne m’y résous pas.
J’ai un combat à mener pour que Science Po soit restaurée dans sa dignité et dans la fierté de tous ceux qui l’ont côtoyée.
Contrairement à ce qu’en disent ses détracteurs, Science Po est une très bonne école de formation des élites. Nous pouvons en être fiers. Elle forme à l’ouverture d’esprit, au sens critique et synthétique.
Si vous êtes nommé à la tête de Sciences Po, quelles seront vos premières actions pour sortir Science Po de la crise, en matière de gouvernance d’une part et pour remédier à la politisation excessive de l’Ecole d’autre part ?
Nous vivons dans un paradoxe dont il faut sortir l’institution au plus vite : alors que Sciences Po est capable d’afficher des performances extraordinaires reconnues à l’international, il y a un manque total de confiance qui cristallise l’institution aussi bien chez les élèves, les enseignants-chercheurs qu’auprès de tous ceux qui y travaillent au quotidien. Il y a un grand écart entre la réalité de cette magnifique école et la manière dont on en parle dans les médias et à l’extérieur en général.
Par exemple, cela ne se sait pas suffisamment, mais Sciences Po est la deuxième université au monde en sciences politiques, dans le classement international QS de 2024.
Et d’un autre côté, depuis plusieurs mois, Sciences Po est régulièrement traînée dans la boue. C’est donc particulièrement injuste.
L’enjeu prioritaire est donc de restaurer son image, de redonner confiance en l’institution, à ceux qui travaillent et qui y étudient. Il y a 100 000 alumnis qui pourraient avoir la tentation de décrocher et des investisseurs qui s’interrogent.
Redonnons leur confiance !
Car pour sortir Sciences Po de la crise, il faut avant tout recréer cette confiance en renouant le dialogue entre les différentes parties. Nous sommes dans une période très particulière de la vie de la République. Et Sciences Po ne peut pas en être étranger.
La France traverse une crise politique. La situation politique de notre pays peut-elle avoir un impact sur la sélection et la nomination du prochain directeur de Sciences Po Paris ?
Une crise politique génère toujours un ensemble de contraintes et d’incertitudes. Mais on peut aussi y voir des opportunités.
Pour les personnes qui travaillent et étudient à Sciences Po, le jeu politique est un magnifique terrain d’observation. Il y a de nombreux chercheurs qui, actuellement, analysent la vie politique. Ils décryptent la dissolution de l’Assemblée nationale, ses conséquences et ce nouveau paysage politique qui se forme sous nos yeux.
Les acteurs de Sciences Po vivent en direct cette opportunité extraordinaire de regarder le système politique se transformer.
Par contre, soyons clair : et pour répondre directement à votre question, la sélection du directeur ou de la directrice de Sciences Po, s’appuie d’abord sur ses instances.
Il y a une commission de propositions qui va choisir un certain nombre de candidats qui seront auditionnés en septembre avant que deux instances de Sciences Po, le conseil de l’Institut et le conseil d’administration de la FNSP, ne choisissent formellement un candidat.
A l’issue de cette élection qui est très décentralisée, le nom du candidat ou de la candidate retenu(e) sera transmis au gouvernement pour que le président de la République, sous la forme d’un décret, entérine la nomination du futur patron de Sciences Po. Dans le contexte actuel, cela peut, il est vrai, générer de la confusion.
Vous avez occupé des postes à responsabilités aussi bien dans le privé que dans le public.
Les entreprises doivent-elles jouer un rôle dans le destin et le développement de Sciences Po Paris ?
Il n’y a pas d’avenir pour Sciences Po, ni pour ses étudiants, sans un rapprochement constant avec le monde de l’entreprise qui est un formidable terrain d’apprentissage et de professionnalisation.
D’ailleurs, cela se confirme dans les parcours des étudiants passés par Sciences Po, où près des deux tiers des étudiants s’orientent désormais vers le privé.
Moi, je suis très attaché à ce que Sciences Po resserre ses liens avec le monde de l’entreprise. Non seulement les grandes entreprises, comme cela se fait déjà beaucoup, mais aussi davantage à l’avenir, avec des start-up, des PME et des ETI, mais aussi lesorganisations professionnelles sans oublier le monde associatif.
Autant de débouchés indispensables pour renforcer l’employabilité des étudiants, dont près de 15% n’a pas encore trouvé de postes six mois après l’obtention de leur diplôme. Cela confirme la nécessité de développer la professionnalisation des élèves de Sciences Po.
Si vous êtes nommé directeur de Sciences Po Paris, quel sera votre premier message aux étudiants de l’IEP ?
Je m’adresserai d’abord à l’ensemble des communautés que compte Sciences Po pour leur confirmer la fierté que c’est de travailler pour cette institution.
Aux élèves, je dirais tout le bonheur qu’ils doivent avoir d’apprendre et notamment d’apprendre à débattre. J’insiste beaucoup sur le fait que Sciences Po est un lieu de débat et non pas un lieu de combat politique. Il y a des arènes politiques pour cela.
Je témoignerais aux enseignants-chercheurs mon soutien dans leur dynamique de recherche, d’approfondissement et des gains nécessaires en termes de performance dans certaines disciplines de sciences sociales. Car Sciences Po peut prétendre à quasiment les mêmes performances en sociologie, en droit, en économie et en histoire, par le recrutement de bons enseignants-chercheurs et en travaillant sur la promotion de leurs travaux.
Et puis, il ne faut pas oublier que Sciences Po, ce sont aussi des personnes extrêmement dévouées au service de cette institution qui travaillent aussi dans les fonctions dites supports (finances, marketing, RH…).
A la direction de l’Institut d’études politiques, je veillerais à ce que tous travaillent ensemble à la définition d’un projet triennal.
Merci François Perret d’avoir répondu face à Michel Taube pour Opinion internationale.