« JOP » ! Chaque décideur de Paris 2024 prend rigoureusement le soin, depuis l’obtention de l’organisation, de mentionner qu’il agit pour les « Jeux Olympiques et Paralympiques ». La candidature Française se distinguait par son appétence pour une totale modernité des valeurs comme celles de la mixité, de la préservation de l’environnement, de l’économie circulaire ou encore de l’inclusion des personnes handicapées.
La France pourtant, dans ce domaine accuse un retard alarmant. Seuls 9% des stations du métro parisien proposaient en début d’année un accès aux personnes à mobilité réduite : « le métro est un échec collectif. Les bus sont souvent bondés avec des gens qui refusent de se déplacer et de laisser la priorité aux personnes en fauteuil roulant », déplore Michaël Jérémiasz, quadruple médaillé en tennis fauteuil, chef de mission de l’équipe de France Paralympiques pour Paris 2024.
Le combat mobilise les politiques, les médias se sont engagés auprès de l’ARCOM, le gendarme de l’audiovisuel, à diffuser les disciplines handisports. Certains athlètes entrent désormais dans le quotidien des Français, le nageur privé de ses 4 membres, Théo Curin s’impose comme un consultant vedette du service public, la présidente du Comité Paralympique et Sportif Français, Marie-Amélie Le Fur (Chronique #38 ) valorise ses nombreuses médailles en para athlétisme pour s’imposer dans la gouvernance du mouvement sportif national.
Néanmoins, les places pour les épreuves paralympiques peinent à trouver preneur. Quand les stars valides focalisent les passions, les « handi » se demandent si leurs compétitions ne souffriront pas du syndrome du lendemain de fête, en pleine reprise de l’année scolaire et des embouteillages Kafkaïens de la capitale.
Regrettons cette différence d’engouement mais acceptons de ne pas nous lamenter, nous offusquer, nous révolter.
Posons plutôt la question : Que valent les Jeux Paralympiques ?
Les épreuves prendront place sur les mêmes sites que pour les Olympiques. 185 délégations contre 206 chez les valides ; 11 jours d’épreuves contre 19, ; 22 sports contre 32 ; 4 400 athlètes contre 10 500. Le barnum paralympique occupe de toute évidence une superficie moins vaste que l’« Olympique ». Le nombre relativement restreint de comités ouvre un premier débat. Certaines nations, affaiblies par une économie sous développée ou une situation politique fragile, ne parviennent déjà pas à engager des athlètes valides. Il est logique qu’il soit complexe de présenter des handicapés le plus souvent privés d’équipements pour se mouvoir au quotidien.
Le cas du fauteuil interpelle. Cet outil nécessaire au quotidien de nombreux handicapés, reste financièrement inaccessible pour beaucoup en France, un pays membre du G7, censé offrir un niveau de vie privilégié !
Cette situation laisse entrevoir la complexité pour s’en procurer un dans les pays sous-développés. Combien de personnes à mobilité réduite dans le monde accèdent à la propriété d’un fauteuil roulant et par voie de conséquence, à la possibilité de pratiquer un sport avec ?
L’humanité se prive de millions de champions potentiels.
Ajoutons à la liste, ceux dont le handicap ne nécessite pas une utilisation domestique du fauteuil. Ils n’imaginent pas une seconde en utiliser un uniquement pour la pratique du sport.
Les clubs handisports Français peinent à recruter de nouveaux licenciés. Nombreux prétendants passent au travers de l’opportunité par méconnaissance des possibilités. Ils sont éligibles, d’abord en raison de leur handicap, ensuite parce que les fédérations internationales proposent des disciplines articulées autour de ces fauteuils, comparables à un vélo ou même à des chaussures de sports, qui permettent des appuis efficaces pour pratiquer les para tennis, escrime ou encore tir à l’arc.
Prenons l’exemple de nos voisins Suisses pour qui les épreuves d’athlétisme en fauteuil sont devenues la spécialité aux Jeux paralympiques, grâce notamment à la star Marcel Hug. L’homme ne rencontre que peu de résistance de la part de ses valeureux adversaires. Impossible de rivaliser à cause de la qualité du fauteuil Helvète, véritable outil de haute technologie. Hug concourt avec un fauteuil révolutionnaire, au coût exorbitant, qu’il a lui-même conçu avec l’aide d’ingénieurs Suisses. Devenu professionnel, il bénéficie, lui et certains de ses compatriotes, d’un matériel optimisant sans égal leurs capacités physiques. Pour rivaliser avec les Suisses, les autres pays devront investir, de manière conséquente. La seule volonté de partenaires privés ne suffira pas. Il faut donc une volonté politique nationale.
A l’occasion des championnats de monde de para athlétisme, l’année dernière au stade Charletty à Paris, le tableau des médailles a livré un verdict sans appel. La France se classe 58ème nation, à des années-lumière de la Chine, du Brésil et des Etats-Unis, des pays à forte population, mobilisés pour le handisport. La Suisse 6ème, la Tunisie 7ème et l’Ouzbékistan 8ème, démontrent qu’avec un investissement politique majeur, la hiérarchie mondiale qui en découle, modifie les rapports de force traditionnels de l’Olympisme.
L’universalisme s’impose comme le premier Challenge des Jeux Paralympiques. Tout dépendra à l’avenir, de l’aptitude des pays à insuffler une dynamique économique pour alimenter la haute performance. Les disparités existantes pour les valides se répercutent exponentiellement sur les handicapés dont les fauteuils, les prothèses, les centres de préparation, les accompagnements médicaux, nécessitent un financement colossal.
La France annonce relever le défi. Aux Jeux de Tokyo en 2021, elle a glané 54 médailles, soit le double de Rio en 2016. Elle occupait la 14e place au classement des nations.
Pour Paris 2024, l’Agence National du Sport accompagne de nombreux champions, comme pour les valides. Les ambitions de nos représentants demeurent élevées, notamment en para cyclisme, triathlon, judo, escrime, natation… dans des épreuves spectaculaires et même révolutionnaires… (à suivre)
Propos recueillis par Frédéric Brindelle
Journaliste, chef de rubrique « Opinion Paris 2024 »