Sans tabou, nous vous proposons de répondre à la question : Que valent les Jeux Paralympiques ?
Leur tenue, 15 jours après la fin des Jeux Olympiques, s’inscrit dans un projet ambitieux du Comité d’organisation (COJOP Paris 2024) : l’inclusion des personnes handicapées.
La solution la plus logique consisterait à inclure ces épreuves handisports au sein des Jeux Olympiques réservés aux valides.
Un problème de capacité d’accueil se pose inévitablement alors que de nombreux sports « valides » déplorent la suppression de certaines de leurs disciplines (canoë-kayak, cyclisme sur piste, tennis de table…) ou de leur absence au programme (karaté, squash, roller skate…) par manque de places et de temps.
En l’état actuel, le déroulement des Jeux Paralympiques, quelques jours après les Olympiques, s’impose.
Toutefois la tendance évolue grâce à des regroupements, insufflés par des fédérations internationales à l’occasion de championnats continentaux ou du monde. Tous se retrouvent à concourir lors du même événement, une manière inégalable de réussir le pari de l’inclusion !
Les disciplines « para » ne souffrent d’aucune comparaison avec les « Olym » dans leur spectacularité, leur densité de concurrents ou leurs performances physiques. Ainsi, aux côtés des champions médiatisés, certains handicapés s’affirment et se professionnalisent. C’est le cas du tandem non-voyant, en cyclisme sur piste. Il remet au goût du jour, une épreuve abandonnée par les valides, dominée par le duo français mythique des années 60, « Trentin – Morelon ». Le non-voyant s’assoit derrière un valide possédant un niveau international. Toutefois, un problème se pose. Combien de champions accepteraient de mettre entre parenthèses leur carrière, pour se consacrer à l’accompagnement d’un handicapé ? Si le multiple champion français François Pervis a montré l’exemple, la question du niveau proposé par certains adversaires guides, moins performants, venus chez les paralympiques par défaut, relativise l’équité de la victoire du non-voyant. Le tandem se propulse par l’addition de deux sportifs !
Le « guide » occupe un rôle prépondérant dans presque toutes les disciplines réservées aux non-voyants. Nous avons évoqué dans l’épisode précédent la difficulté du handisport pour recruter des athlètes. Ajoutons une seconde mission compliquée, le recrutement des guides. Pourtant le monde du sport non-voyant (ou mal voyant), l’une des catégories majeures du paralympisme, offre des spectacles d’une rare qualité (les handicapés physiques, mentaux ou psychiques, constituent les deux autres catégories principales aux Jeux).
L’équité semble également plus simple à instaurer. Certes, les athlètes ne souffrent pas tous du même degré de cécité, mais la pose d’un bandeau sur leurs yeux les place dans un même rapport de force. En saut en hauteur, le sauteur s’élance, son guide porte la voix, il rythme sa foulée, au besoin le recentre sur la piste, puis le prévient au moment fatidique de l’impulsion sur le sautoir. La performance « prend aux tripes » !
Que dire du silence stratégique lors de la rencontre de cécifoot où les joueurs se dirigent grâce aux clochettes tintinnabulant à l’intérieur du ballon. Le coach dispatche ses conseils ; la rencontre séduit.
La catégorie de handicapés physiques propose également des épreuves sublimes. En athlétisme, les courses en fauteuil s’invitent également dans les compétitions internationales des valides. En tennis, Roland Garros commence à inclure le tournoi des athlètes en fauteuil à son programme.
Pourquoi ne pas imaginer également au championnat du monde de basket, la tenue conjointe de la compétition du basket fauteuil, une grande tradition française, dans laquelle l’impact physique, l’adresse, la stratégie de placement captivent les spectateurs ?
Au fur et à mesure de cette énumération, nous appréhendons une problématique incontournable pour le développement et l’attrait sportif des Jeux paralympiques : celui des catégories.
Nous évoquions Théo Curin, personnage attachant, fabuleux consultant et animateur sur le service public. Privé de ses quatre membres, il ne peut participer aux épreuves par manque de concurrents présentant cette même particularité. Par définition, le handicapé souffre d’une réduction de ses facultés physiques et ne peut rivaliser avec le valide. Or, il n’existe qu’un seul type de valide quand de multiples handicaps cohabitent. Toute la difficulté consiste à proposer des épreuves équitables, dont le vainqueur aura fourni une performance au maximum de son potentiel à égalité de chances avec ses adversaires. Malheureusement leurs profils diffèrent inévitablement, comment se convaincre qu’il s’agit d’un juste affrontement ?
Pour concourir sur un pied d’égalité, les athlètes sont organisés en diverses catégories et classes. La classification est effectuée par un personnel médical et technique spécialisé chargé d’évaluer l’impact de l’infirmité sur le sport et sur la performance de l’athlète.
Ce système s’apparente à celui des catégories de poids dans les sports de combat.
On parle aux Jeux Paralympiques de classification fonctionnelle qui implique que « tous les athlètes de la même catégorie ont un niveau d’aptitude fonctionnelle similaire en matière de mouvement, de coordination et d’équilibre. Selon ce système, des athlètes présentant des handicaps différents peuvent concourir ensemble ».
Très vite le spectateur se perd. Les catégories se multiplient. A l’intérieur d’un tournoi de saut en hauteur par exemple, un amputé d’une jambe, équipée d’une prothèse, affronte un double amputé dont le double équipement permet une propulsion différente.
Toutes les disciplines ne parviennent pas à proposer la même qualité de spectacle. Certaines épreuves jouissent d’une multitude de concurrents, d’une uniformisation de l’effort physique, d’une qualité identique des équipements techniques, de l’esthétisme du geste. Certaines courses atteignent des temps impressionnants quand d’autres focalisent sur la contrainte du handicap. La catégorie des déficients mentaux doit quant à elle s’accompagner d’un commentaire averti à l’intention du public. Quand aucun signe ne laisse entrevoir ce fameux handicap, il faut alors rappeler que le concurrent peut par exemple, perdre régulièrement la mémoire et qu’à n’importe quel moment de l’épreuve, ses espoirs de médailles risquent de s’envoler. Le suspens règne.
Ainsi va la vie faite d’injustices qui, au rendez-vous de la résilience, vous emmène sur des chemins insoupçonnables que vous n’auriez jamais explorés, sans avoir fait l’effort de vous y intéresser.
Faîtes confiance aux athlètes paralympiques de Paris 2024. Ils vont vous subjuguer, différemment que les Marchand, Riner, et autre Ferrand Prévot… Mais cette rencontre avec eux vous marquera pour toujours. Quitte à en oublier leur si compliquée catégorie et surtout, leur handicap.
Frédéric Brindelle
Journaliste, chef de rubrique « Opinion Paris 2024 »