La chronique de Daniel Salvatore Schiffer
11H59 - jeudi 4 juillet 2024

Législatives : le double honneur perdu d’Emmanuel Macron. La chronique de Daniel Salvatore Schiffer

 

Article publié le 03/07/2024 dans Le Point

Le président de la République a fait de la France un champ de ruines politique et se montre prêt à toutes les compromissions électoralistes.

Ainsi le président de la République, Emmanuel Macron, et son Premier ministre, Gabriel Attal, ont-ils demandé à leurs troupes de « Renaissance », pour faire barrage au Rassemblement national (RN) lors du second tour de ces élections législatives, de se désister au profit du Nouveau Front populaire (NFP), dont deux des forces politiques, La France insoumise (LFI) et le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA), sont pourtant composées de néfastes antirépublicains (avec l’irrespect des institutions démocratiques, la négation du suffrage universel et même l’appel à la sédition dans la rue) et, pire encore, de notoires antisémites.

Oui : un antisémitisme flagrant, qui se vit notamment lorsque le Lider Maximo de LFI, Jean-Luc Mélenchon, n’hésita pas à s’afficher publiquement, pour sa première conférence de presse au soir même du premier tour de ces législatives, flanquée de Rima Hassan, virulente militante palestinienne alors affublée d’un keffieh, habituée à déverser les pires outrances ou informations mensongères à l’encontre d’Israël, et d’encore plus infâmes justifications, toute honte bue, de l’abominable pogrom perpétré le 7 octobre, avec une barbarie sans nom, par les terroristes islamistes du Hamas à l’encontre des Juifs !

C’est dire si cet antisémitisme insidieusement à l’œuvre au sein d’une frange non négligeable de La France insoumise se repaît parfois également des nauséabonds relents, de sinistre mémoire, de l’ignoble France juive d’un certain Édouard Drumont en cet abject temps de la tristement célèbre « affaire Dreyfus » !

 

Un désistement aux allures de ralliement

Certes, ce désistement préconisé par Macron et Attal n’équivaut-il pas, ont-ils ergoté en jouant malicieusement là sur les mots, à un véritable ralliement de leur parti, Renaissance, à LFI ni au NPA, sauf que, dans les faits et au bout de cet opportuniste compte mathématique, ce genre d’argutie sémantique, et purement théorique, prend néanmoins, dans la pratique même du vote populaire, l’inquiétant, sinon indigne visage d’une alliance politique, à défaut d’être, subtile mais honnête nuance conceptuelle oblige, idéologique !

D’où, urgente, cette question : ce type de calcul électoraliste, par-delà même les circonvolutions de sa verbeuse rhétorique, n’est-il pas identique, mutatis mutandis, à celui que, pas plus tard que lors du premier tour de ces mêmes élections législatives, Macron et Attal, encore eux, reprochaient textuellement, et à juste titre en parlant là avec véhémence d’ « alliance contre nature », au Parti socialiste d’Olivier Faure ou à Place publique de Raphaël Glucksmann  ?

Mais il est vrai que Macron, dont les premières armes intellectuelles furent celles du jeu de rôles lorsque sa chère Brigitte l’introduisit sur la scène théâtrale de son école d’Amiens, n’en est plus à une contradiction ni même à un reniement ou à une trahison près (François Hollande en personne, qui le créa politiquement lorsqu’il fut lui-même président de la République, en sait quelque chose).

Quant aux enseignements que lui livra, par après, la philosophie (puisqu’il fut également, paraît-il, l’assistant du grand Paul Ricœur), il est fort à parier que ce sont les sombres méandres de la sophistique grecque, bien plus que la rigueur de la raison kantienne ou la clarté de l’éthique spinoziste, qui lui tinrent lieu, en sa jeunesse universitaire, de viatique, fût-il des plus cyniques, pour sa future carrière professionnelle !

Ce n’est d’ailleurs pas un hasard pour cet acteur né, troquant volontiers son costume d’apparat pour un blouson de cuir ou un tee-shirt d’adolescent, si ce qu’il fait encore de mieux, en tant que président de la République, ce sont ses nombreux discours, hommages nationaux devant le fronton du Panthéon, oraisons funèbres dans la cour des Invalides et autres allocutions lors de cérémonies protocolaires, inauguratrices ou commémoratives qu’elles soient !

La fable macronienne

Morale de ladite fable macronienne ? C’est un double déshonneur, et non des moindres, qui caractérise à présent, ces derniers jours en particulier, les inénarrables postures politiques d’Emmanuel Macron : le cuisant désaveu qu’il vient d’essuyer, au lendemain de sa désastreuse dissolution de l’Assemblée nationale, dès le premier tour de ces élections législatives – échec si patent qu’il ferait rougir de honte tout dirigeant normalement constitué – et, en même temps (tiens, voilà le désormais obsolète langage macronien qui, après qu’on l’a cru chassé par la porte, revient soudainement par la fenêtre), ce rapprochement inédit, voire aussi incongru qu’inopiné (un désistement aux allures de ralliement, donc), du NFP avec à sa tête, par le truchement de LFI, un fauteur de troubles, au sens propre du terme, nommé Jean-Luc Mélenchon !

Rien d’étonnant, en d’aussi piètres conditions, si la macronie elle-même, en son ensemble, est là, en cet historique mais surtout mauvais vaudeville, où les portes claquent comme autant de claques électorales, est ainsi en train, devant le regard médusé de la nation tout entière, d’agoniser sur l’autel de la vanité d’un seul homme : Emmanuel Macron, monarque républicain, encore et toujours… sauf que, cette fois-ci, le roitelet, tel un empereur déchu en période de décadence (voir, par le passé, le pathologique Néron incendiant Rome), est presque nu, comme abandonné, sans même qu’il ait vu le vent tourner en sa défaveur, par l’inconsistante cohorte – à quelques notables mais trop rares exceptions près – de ses propres courtisans.

Quel gigantesque fiasco, incommensurable et dangereux gâchis, pour le futur démocratique de la France, naguère phare civilisationnel aux yeux du monde, mais aujourd’hui misérablement réduite ainsi, dans son idéal républicain le plus noble, à un immense, désespérant champ de ruines, et dont le pire est même peut-être encore, hélas, à venir !

 

Daniel Salvatore Schiffer

Philosophe et écrivain, auteur d’une quarantaine de livres, directeur des ouvrages collectifs « Penser Salman Rushdie », « Repenser le rôle de l’intellectuel » (parus aux Editions de l’Aube, en collaboration avec la Fondation Jean Jaurès) et « L’humain au centre du monde – Pour un humanisme des temps présents et à venir. Contre les nouveaux obscurantismes » (Editions du Cerf). Dernier livre publié : « Rockisme contre Wokisme » (Editions Erick Bonnier).