Opinion Eco & Entrepreneurs
10H33 - lundi 8 juillet 2024

Pouvoir d’achat : les recettes éculées et dangereuses du Nouveau Front Populaire. La chronique éco de François Perret

 

France qui pleure. France qui rit.

En repoussant l’hypothèse du pire dans les urnes, beaucoup de Français depuis dimanche 7 juillet au soir se croient déjà à l’abri de la catastrophe. C’est peut-être vrai sur le plan des valeurs républicaines, mais absolument pas garanti au plan politique et encore moins d’un point de vue économique.

Toujours très amer de la dissolution unilatérale prononcée par le président de la République, Édouard Philippe faisait à juste titre remarquer hier soir que faute d’une « clarification », visée par Emmanuel Macron, c’est plutôt une grande « indétermination » à laquelle les résultats du deuxième tour des Législatives conduisent.

Avec trois blocs politiques de force comparable (NFP 182 sièges, Ensemble 168 sièges et RN 143 sièges), aucune majorité claire ne se dessine. Peut-être une aubaine finalement pour le pays dont les performances économiques pourraient être vivement altérées par l’application à la lettre du programme du Nouveau Front Populaire s’il avait disposé d’une majorité absolue.

Avec seulement 31% des sièges à l’Assemblée nationale et loin, très loin, de cette majorité absolue (289 sièges), le NFP n’aura vraisemblablement pas d’autre solution que de mettre de l’eau dans sa potion économique, qui pourrait rappeler dans son énoncé les facilités coûteuses adoptées par François Mitterrand à son arrivée au pouvoir en 1981.

Pour le NFP, le diagnostic est assez simple : les Français s’appauvrissent et les inégalités continuent de prospérer car les « riches » n’en finissent pas de s’en mettre plein les poches.

Alors, pour redresser la barre, il suffit dans un premier temps d’injecter une dose bien épaisse de pouvoir d’achat et tout le monde sera content. Entre l’augmentation du SMIC à 1 600 euros nets et, côté public, l’augmentation de 10% du point d’indice des fonctionnaires, nul doute que ces premières mesures sonneront comme une douce musique à l’oreille de celles et ceux qui pourraient en bénéficier. Au moins, un temps.

Pour poursuivre dans la magie, le NFP restaurera l’indexation des salaires sur l’inflation, abandonnée en 1983 par Jacques Delors, après son instauration trente et un ans plus tôt par le gouvernement d’Antoine Pinay.

Une mesure qui, à vrai dire, allait absolument à l’encontre de l’objectif recherché. Et pour une raison simple, toujours valable quatre décennies plus tard : l’indexation automatique des salaires provoque en réalité une hausse des prix, avec une spirale prix-salaire, qui ruine l’économie, sans redresser pour autant le pouvoir d’achat des Français…

L’augmentation sans précaution du SMIC (en dehors de ses revalorisations successives liées à la hausse des prix) et celle très forte du point d’indice dans la fonction publique conduiront au même désastre tandis que cette seconde décision pèsera gravement sur les déficits publics.

Que nenni ! Répondent en cœur les idéologues – pardon, les économistes du NFP- expliquant que la France s’en sortira par l’adoption d’une mesure simple pour compenser ces pertes : augmenter les impôts des plus aisés, et probablement des entreprises.

Pour le NFP et ses alliés, le pouvoir d’achat est une variable indépendante de la création de richesses du pays. Son augmentation relève d’une décision discrétionnaire de l’État, sans tenir compte des conséquences qui en résulteront, que ce soit pour les budgets publics ou les équilibres financiers des entreprises. Or, les TPE-PME, qui représentent la plus grande partie de notre tissu productif aujourd’hui, sont déjà très affaiblies par les crises successives, affectant leur développement et leur trésorerie depuis quatre ans. Leur imposer des efforts supplémentaires sur les salaires en l’absence d’un retour de la croissance, c’est compromettre leur investissement de demain et la création d’emplois après-demain.

Aussi, une conclusion s’impose : si les intentions du NFP restent évidemment nobles (qui voudrait s’opposer au redressement du pouvoir d’achat des Français en théorie ?), la manière dont il compte s’y prendre reste problématique et même dangereuse.

La constitution prochaine d’une majorité populaire, élargie à une partie de sa droite vers l’ex-majorité présidentielle, aurait le mérite -si ce scénario politique devait voir le jour- de trouver un compromis économique et social meilleur pour l’avenir de la France, autour d’une politique de l’offre bien plus efficace. Cette orientation n’empêcherait en rien de se fixer des objectifs ambitieux en matière de redistribution des richesses créées, ce à quoi pousse déjà, par exemple, la loi « Partage de la valeur », adoptée en novembre 2023, et qu’il s’agit désormais d’appliquer.

 

François PERRET

Economiste, professeur affilié à ESCP-Business School, vice-président du think-tank Etienne Marcel, et auteur de « Non. Votre salaire n’est pas l’ennemi de l’emploi ! Vaincre l’austérité salariale, c’est possible » (éd. Dunod)