Quand refuser de serrer la main à un élu de la République revient à fouler aux pieds la démocratie : c’est là ce qu’ont du se dire, médusés, les millions de téléspectateurs qui, heurtés, sinon choqués, par semblable, indigne et affligeant spectacle, ont vu en direct sur leur écran, en ce début de soirée de ce jeudi 18 juillet 2024, la plupart des représentants du Nouveau Front Populaire (NFP), et de La France Insoumise en particulier (LFI), refusé de serrer la main, lors du premier tour du vote pour la présidence de l’Assemblée Nationale, au jeune député, censé alors superviser le bon déroulement de ce scrutin, du Rassemblement National (RN) !
Car ce n’est pas seulement ce député du RN, Flavien Termet, que ces inénarrables représentants du NFP auront ainsi ostensiblement méprisé, mais, chose bien plus grave encore au regard du jeu démocratique lui-même, les quasi 11 millions de Français et Françaises qui, qu’on le veuille ou non, ont effectivement voté pour ce parti.
Certes, m’étais-je déjà exprimé il y a quelques jours seulement, dans une tribune publiée dans ces mêmes colonnes, sur ce que j’appelais alors, pour qualifier ce « Nouveau Front Populaire » au vu de l’historique, véritable et admirable « Front Populaire », une « imposture politico-idéologique et une insulte à la mémoire de Léon Blum » (https://www.lepoint.fr/debats/le-nouveau-front-populaire-une-imposture-politico-ideologique-et-une-insulte-a-la-memoire-de-leon-blum-16-06-2024-2563109_2.php#11).
Insoumission ne signifie pas mauvaise éducation
J’y fustigeais notamment, en autres critiques fondées, l’antisémitisme caractérisé, par-delà même son notoire antisionisme, d’une frange non négligeable de l’une de ses principales composantes, LFI, encore et toujours, précisément ! Mais de là à penser qu’à cette patente iniquité se serait ajouté, pour corser cette lamentable affaire, l’indignité de la muflerie, plus encore que de la simple impolitesse, quoique déjà répréhensible en soi, c’est là un pas que toute personne éprise d’un minimum d’élégance au sein des relations humaines, sans même parler du nécessaire respect dû à ses adversaires politiques, n’aurait pu imaginer devoir un jour franchir au cœur même – l’Assemblée Nationale – de ce qui constitue pourtant l’une des principales institutions, par son éminente représentativité populaire, de la République.
Bref : l’insoumission ne dispense pas, loin s’en faut, de la bonne éducation ; au contraire même, du moins si elle se veut, tactiquement, aussi crédible sur le plan éthique qu’efficace au niveau politique !
C’est dire si l’incompétence manifeste, en matière de politique, de cette alliance contre-nature que représente effectivement ce « Nouveau Front Populaire », notamment dans son impossibilité à s’accorder sur un nom à soumettre, en guise de potentiel Premier Ministre, au Président de la République, se double à présent, et non seulement par cet honteux déni de démocratie, d’une non moins flagrante indécence en matière de civilité. L’inculture, funeste produit de ce pitoyable sectarisme, est là, malheureusement, à son médiocre mais surtout détestable comble !
Terrorisme intellectuel
Mais sur cette forme latente de violence comportementale (s’en étonnera-t-on véritablement, du reste, de la part de ces adeptes de l’insurrection ?) se greffe encore, pour aggraver leur misérable cas, une autre limite factuelle : le fait qu’ils confondent visiblement les concepts d’« idée » et d’« idéologie » ou, de manière plus explicite encore, le riche et sain débat d’idées avec l’indigent et néfaste enfermement idéologique. Ce qui, pour le coup, relève, on en conviendra aisément, du plus dangereux des terrorismes intellectuels, signe manifeste, par-delà même cette incroyable fermeture d’esprit, d’une intolérance que tout authentique démocrate ne peut que déplorer et, bien plus encore, condamner !
Morale, hélas, de cette misérable fable ? Comment les Français et les Françaises, sinon la France elle-même, censée pourtant être un parangon d’élégance à travers le monde, ne seraient-ils pas, face à d’aussi inélégants, grossiers et discourtois députés, dépités ?
Daniel Salvatore Schiffer
Philosophe et écrivain, auteur d’une quarantaine de livres, directeur des ouvrages collectifs « Penser Salman Rushdie », « Repenser le rôle de l’intellectuel » (parus aux Editions de l’Aube, en collaboration avec la Fondation Jean Jaurès) et « L’humain au centre du monde – Pour un humanisme des temps présents et à venir. Contre les nouveaux obscurantismes » (Editions du Cerf). Dernier livre publié : « Rockisme contre Wokisme » (Editions Erick Bonnier).