Jusqu’au 29 août, Opinion Internationale vous invite à un tour du monde estival : chaque jour, nous vous proposons de visiter un site touristique qui est aussi un lieu de mémoire, un moment où s’est jouée l’histoire des libertés.
Estancia jésuite d’Alta Gracia : aujourd’hui, sur la route des esclaves en Amérique Latine, dans la province de Córdoba en Argentine.
Inscrite au patrimoine mondial de l’Humanité, l’estancia d’Alta Gracia date de 1643. Une estancia, propriété construite par l’ordre des Jésuites, regroupe généralement une église, une ferme et des lieux de vie pour les prêtres et les esclaves.
Transformée en un musée évoquant la vie que l’on y menait il y a quelques siècles, l’estancia d’Alta Gracia est ainsi le témoignage matériel et spirituel de la très forte présence jésuite dans la région. Si l’estancia nous rappelle qu’elle était un centre de progrès dont l’organisation et le développement avancé étaient dus à des investigations scientifiques et à l’étude pragmatique pour s’adapter au terroir, elle est aussi devenue, récemment seulement, un rappel de l’esclavage.
L’estancia était en effet un lieu où travaillaient des centaines d’esclaves africains qui produisaient tout ce dont avait besoin la Compagnie de Jésus. Environ 600 esclaves noirs travaillaient sur chaque estancia gérée seulement par 3 à 5 jésuites espagnols.
Alors que les pays caraïbéens ont depuis longtemps fait un travail de mémoire sur leur passé intimement lié à l’esclavage, il a fallu attendre 2010 pour que des pays tels que l’Argentine, le Paraguay et l’Uruguay reconnaissent pleinement leur propre histoire esclavagiste. S’inscrivant dans le programme « Route de l’esclavage » de l’UNESCO initié en 1992, les trois pays voisins ont initié une série d’investigations et d’études en 2010 : « Sitios de Memoria y culturas vivas de los afrodescendientes en Argentina, Paraguay y Uruguay ». Elles révèlent, entre autres, que le fonctionnement des estancias jésuites se fondaient quasi exclusivement sur une main d’oeuvre constituée d’esclaves noirs.