Jusqu’au 29 août, Opinion Internationale vous invite à un tour du monde estival : chaque jour, nous vous proposons de visiter un site touristique qui est aussi un lieu de mémoire, un moment où s’est jouée l’histoire de nos libertés.
A Valladolid en Espagne : aujourd’hui, le lieu où l’humanité des Indiens fut discutée…
Nous sommes dans le nord de l’Espagne, au cœur de Valladolid, dans le collège de San Gregorio, jadis dédié à la formation des théologiens et inquisiteurs, aujourd’hui reconverti en somptueux Musée national de la sculpture : c’est dans ces murs, quand les protagonistes ne bataillaient pas par joutes épistolaires, que se joua la fameuse controverse de Valladolid.
En 1550 et 1551, le dominicain Bartolomé de Las Casas, le très officiel Défenseur des Indiens depuis 1516, et le théologien Juan Ginés de Sepulvada s’affrontèrent, à la demande de Charles Quint et sous le pontificat de Julles III : le roi d’Espagne voulait conquérir le Nouveau Monde et y soumettre les indigènes en conservant sa « sécurité de conscience ». La question était de savoir si les Amérindiens devaient être contraints d’abandonner leurs pratiques ancestrales précolombiennes, notamment les sacrifices humains, ou si seule une colonisation douce devait leur être proposée. Plus encore et surtout, les exactions d’une violence terrible commises par les colons espagnols depuis le début du siècle, la soumission en esclavage des peuples autochtones, commençaient à susciter des réactions et des protestations fortes dans le Royaume.
La controverse de Valladolid ne porte pas sur l’humanité des Indiens et l’existence de leur âme qui leur était reconnue mais sur les moyens de convertir les Indiens au christianisme et la légitimité ou non de la force pour les y contraindre. Les deux parties se proclamèrent vainqueurs. Le débat a freiné la violence des conquêtes espagnoles mais a aussi paradoxalement contribué, selon certains historiens, au développement de la traite des Noirs en Afrique.