Edito
19H07 - mercredi 14 août 2024

Le voile de Sifan Hassan : la laïcité, une exigence impérative. La Tribune de Sofiane Dahmani

 

Le 12 août 2024, l’image de Sifan Hassan, la championne olympique néerlandaise d’origine éthiopienne, affichant un voile lors de la remise de sa médaille, a enflammé les réseaux sociaux. Cette scène, d’une symbolique troublante, réactive le débat sur la laïcité en France. Le voile de Hassan, visible uniquement à ce moment précis, questionne la frontière entre religion et espace public, une frontière que la France, jadis modèle de laïcité, semble désormais prête à franchir.

Le voile et la laïcité : une déchirure dans le tissu républicain

Le voile de Hassan, porté sur le podium et non pendant la course, est plus qu’un simple choix vestimentaire. Il est un révélateur d’une fracture profonde au sein de la République. Ce geste joue sur le fil du rasoir entre respect des convictions religieuses et respect du principe laïque. La laïcité, en France, est un dogme intouchable, un rempart contre l’intrusion des religions dans le domaine public. En vertu de ce principe, les signes religieux, qu’ils soient ostentatoires ou non, doivent rester confinés aux sphères privées. L’intrusion du voile sur le podium symbolise une rupture avec cette neutralité publique. D’autant que par cet acte, Hassan voulait mettre en lumière la question du hijab et attirer l’attention sur les restrictions imposées aux femmes le portant, dans certains pays européens, dont la France. Elle y est parvenue. Sa photo s’est largement répandue sur les réseaux sociaux devenant un des symboles du débat sur le droit des femmes. 

Les exemples sont nombreux : le voile a déjà été au cœur de controverses en France, des banlieues aux écoles publiques. La loi de 2004 interdisant les signes religieux ostensibles dans les écoles publiques a été un marqueur fort de cette volonté de séparation. Plus récemment, la décision du Conseil d’État en 2017 d’interdire les signes religieux dans les services publics a confirmé cette inflexibilité.

Satire ou respect ?

La satire de Sophia Aram, visant le voile, a déclenché une réaction virulente de Sandrine Rousseau, députée EELV-NFP. Rousseau a qualifié cette moquerie de « honte », affirmant que l’humoriste avait franchi une ligne. Mais la liberté d’expression, en France, n’est-elle pas un pilier tout aussi sacré que la laïcité ? La satire, en s’attaquant aux symboles religieux, ne fait-elle pas œuvre de résistance contre la montée des signes confessionnels dans l’espace public ? Comme l’a souligné Voltaire, « Je désapprouve ce que vous dites, mais je défendrai jusqu’à la mort votre droit de le dire. » Cette maxime, appliquée au contexte actuel, interroge sur les limites de la critique des symboles religieux.

La laïcité comme socle d’une société cohérente

La laïcité n’est pas un principe négociable ; elle est le socle sur lequel repose la cohésion sociale de la France. Si l’on accepte la transgression de cette règle pour des raisons de respect religieux, on ouvre la porte à une réécriture continue des principes républicains. Ce principe de séparation entre religion et État a été défendu par des philosophes comme John Stuart Mill, qui soulignait que la liberté individuelle est protégée par une séparation stricte des pouvoirs.

Les faits divers sont éloquents : le port du voile dans des contextes variés, du sport aux manifestations politiques, engendre une tension croissante entre tradition laïque et exigences communautaristes. En 2019, lors de la Coupe du Monde féminine de football, la Fédération internationale avait été confrontée à des demandes de port du hijab. Le débat s’était intensifié, illustrant comment des symboles religieux peuvent bouleverser les normes établies et affaiblir le principe de neutralité.

Femme Azadi et le féminisme instrumental

L’association Femme Azadi, en soutenant la satire d’Aram, accuse Sandrine Rousseau de soutenir des positions pro-islamistes tout en se revendiquant du féminisme. Ce conflit entre droits des femmes et laïcité illustre la complexité des dynamiques politiques actuelles. Le féminisme, en France, semble parfois être pris en otage par des agendas politiques contraires à ses propres valeurs. Comme le philosophe Alain de Benoist l’a affirmé, la laïcité est « l’expression d’une volonté collective de maintenir un espace commun neutre. » Pour qu’elle fonctionne, elle nécessite une adhésion ferme aux principes de neutralité.

L’inflexibilité de la laïcité : une question de survie républicaine

La question cruciale est de savoir comment la France peut maintenir la laïcité comme principe intransigeant tout en faisant face à une diversité croissante. La laïcité, loin d’être un idéal abstrait, est une nécessité pour préserver l’équilibre et la cohésion sociale. Permettre des signes religieux dans des espaces publics, même sous prétexte de respect culturel, équivaut à affaiblir les fondations de notre République. Comme l’a souligné le philosophe Michel Onfray, « Les principes républicains ne sont pas à négocier ; ils sont à défendre avec rigueur. »

L’avenir de la laïcité est un test décisif pour la France. La laïcité ne peut et ne doit pas être sacrifiée sur l’autel des compromis politiques ou des nécessités diplomatiques. C’est à ce prix que la France pourra continuer à se définir comme une république laïque, où la séparation entre religion et État reste intacte. En fin de compte, la laïcité est la garantie de notre cohésion sociale, un principe impératif que la France doit protéger avec une inflexibilité sans faille.

 

Sofiane Dahmani,
Étudiant, chroniqueur à Opinion Internationale