Le président de la République n’ayant toujours pas mangé son chapeau suite aux résultats qui ne furent pas, semble-t-il, ceux qu’il souhaitait à l’issue de sa décision de dissoudre l’Assemblée nationale, peut encore espérer s’en servir pour en sortir un Premier ministre. Certes, un chapeau est toujours utile. En pailles tressées ou en caoutchouc ciré pour pallier les aléas météorologiques, à visière ou à jugulaire pour les plus précautionneux, couvre-chef avec des plumes de toutes les couleurs pour ceux qui cheffent dans la joie et la bonne humeur, outil de travail noir et profond d’illusionniste au grand cabaret des prime time, pointu pour lire par temps clair l’avenir sur la voûte céleste, ou encore feutre qui se jette avec grâce comme le manteau qui vous calfeutre avant que de l’abandonner et tirer son espadon pour quelque duel. Bref, un galure fait toujours belle allure.
Tour de passe-passe
Las, tous les lapins qui n’ont pas trois semaines de Jeux olympiques ni dans les pattes ni dans les oreilles – il s’en trouve – vous le diront : il n’est pas de chapeau magique dès lors qu’il convient d’en sortir un Premier ministre. Mais nous, qui ne sommes ni des lapins ni des champions du jeu de bonneteau, avons-nous d’autre choix que d’y croire ? Car que ce soit dans l’impuissance, l’impasse ou l’impéritie (un comble pour un magicien), il faut bien espérer l’avenir dégagé… Et il existe bien, en termes de tour de passe-passe, des usages d’arrière-salles de tripots où les habitués de clandés jouent à qui perd-gagne pour, toujours bien sûr, espérer un avenir meilleur.
Alors, qui sera Premier ministre ? Les paris sont ouverts. Les bookmakers sont à la fête et, comme chacun le sait, quand il s’agit de travailler du chapeau, les commentateurs ne sont pas en reste. Participant – bien modestement néanmoins – par ce libelle aux roulements de tambour médiatiques qui précède toute révélation du maître de cérémonie, je répertorie tout le bric-à-brac qui brinqueballe au fond du gibus : courriers pour inviter à se rassembler, petites phrases distillées comme se ponctue la musique d’attente d’un service après-vente, tête à tête avec chefs de partis, échanges d’élégance avec présidents de groupe parlementaires, relecture approfondie de l’article 16 de la Constitution, dédain pour telle candidature, injonctions pour d’autres candidatures, temporisation générale, accélérations inattendues, déclarations convenues, accusations inévitables, réfutations possibles… Il doit bien exister dans tout cet attirail de quoi répondre à l’expectative du citoyen, déjà en apnée d’avoir trop retenu son souffle.
Un melon posé sur un melon
Le premier qui parle d’absurdie sera prié de relire Bouvard et Pécuchet. Dès l’introduction, Flaubert ne prend-il pas soin de préciser que le plus grand « marchait le chapeau en arrière » et le plus petit « la tête sous une casquette à visière pointue » ? Cela vaut bien la station immobile des citoyens attendant Godot et dont on sait qu’ils peuvent toujours espérer jusqu’à la saint Glinglin.
Ayant donc choisi d’avancer – certes à pas comptés, mais enfin… – le deus ex machina du temps qui passe montre bien, qu’en tout point, qu’il soit melon posé sur un melon ou sombrero à pompons pour effaroucher les mouches, un doulos est indissociable d’une volonté en marche.