Au terme d’une première journée de rencontres avec les leaders politiques de l’extrême gauche, du centre et des Républicains, on peut dire que les forces politiques issues des élections législatives ont tendu un piège redoutable à Emmanuel Macron.
Ni les Républicains, ni les centristes de la macronie ne veulent prendre le risque de diriger un gouvernement tant ils savent que l’instabilité politique du moment les condamne à être censurés dans les jours ou les semaines qui suivront la nomination d’un premier ministre.
Ils laissent le président de la République seul face à l’impasse politique qu’il a créée lui-même.
Mieux encore, Gabriel Attal, dans sa lettre à ses députés, et Laurent Wauquiez lors de son point presse en sortant de l’Élysée, aident le chef de l’Etat à écarter pour quelques temps le risque de la nomination de Lucie Castets à Matignon. En effet, en prévenant qu’ils voteraient immédiatement une motion de censure contre un gouvernement composé d’Insoumis, ils sauvent provisoirement la République de ce risque de voir l’extrême-gauche arriver à Matignon.
Car qu’on se le dise, les ronds de jambe de Lucie Castets appelant à des compromis avec les autres forces politiques sont de pitoyables cache-sexes de son intransigeance. Les Insoumis sont des enragés qui veulent en découdre. Ne serait-ce qu’en raison, – ce point n’a pas été assez soulevé par les observateurs – de la capacité de nuire par circulaires administratives et ordonnances, par décrets à la tête de Matignon, même pour un gouvernement minoritaire, qui suffirait à provoquer des dommages considérables à la France.
Le temps du Front républicain contre le Rassemblement national est passé. Le temps du Front républicain contre les Insoumis est enfin venu !
De son côté, en prenant son temps, le chef de l’État voulait peut-être lui-même tendre un piège aux dirigeants des forces politiques en présence. Peut-être voudra-t-il dans les jours qui viennent se retourner vers les Français et leur dire que ce sont les partis qui sont responsables de l’impasse politique, sur le mode : « mes chers compatriotes, par votre vote du second tour des législatives, vous avez voulu que se bâtisse une coalition de gouvernement inspirée par l’esprit de consensus propre à toute démocratie mature. ILS n’en ont pas voulu ! Ce sont eux les responsables de l’impasse. »
Les Français n’en sont pas dupes mais l’Élysée est parfois une tour d’ivoire qui rend aveugle.
Et si Emmanuel Macron nommait pourtant Lucie Castets à Matignon ? Rien ne l’y oblige car le pseudo Nouveau Front populaire n’a pas de majorité pour gouverner (rappelons qu’il lui manque 100 députés).
Cette tentation pyromane de jouer avec le feu, déjà exprimée au soir du 9 juin 2024 à 21h, cette hubris suicidaire dont on peut craindre qu’elle ait touché le président, serait un casus belli pour tous les démocrates et la raison d’en appeler à sa démission, tant le préjudice causé à la France serait terrible.
Et puisque les leaders politiques du centre, de la droite et du RN ne veulent plus de Matignon, autant pour le chef de l’Etat choisir comme premier ministre un élu local, un chef d’entreprise ou un grand serviteur de l’Etat comme Christine Lagarde pour tenter de sortir de la crise, d’échapper au syndrome de la IVème République… en attendant la prochaine dissolution en juin 2025.