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12H31 - mardi 27 août 2024

Le Caucase du sud et la guerre entre Israël et le Hamas : une géopolitique complexe. La Chronique d’Eric Gozlan

 

Le Caucase du sud, situé à la croisée de l’Europe et de l’Asie, comprend trois nations : la Géorgie, l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Chacune d’elles a une histoire complexe et des intérêts géopolitiques variés qui influencent leur positionnement sur les conflits internationaux, y compris la guerre entre Israël et le Hamas. Ce conflit, qui oppose Israël au groupe islamiste Hamas, classé comme organisation terroriste par plusieurs pays, a des répercussions bien au-delà du Moyen-Orient. Les pays du Caucase, jouent un rôle non négligeable dans cette dynamique, influencés par leurs alliances stratégiques et leurs priorités internes.


I. Position géopolitique des pays du Caucase

A. La Géorgie
La Géorgie entretient des relations relativement stables avec Israël depuis son indépendance. Les deux nations ont collaboré dans plusieurs domaines, notamment la défense et la sécurité. Cependant, la Géorgie est consciente des sensibilités régionales et adopte une position neutre vis-à-vis du conflit israélo-palestinien. Tbilissi évite de se prononcer trop ouvertement pour ne pas compromettre ses relations avec d’autres puissances régionales, telles que la Turquie et l’Iran, qui ont des positions plus pro-palestiniennes.

B. L’Arménie
L’Arménie se distingue dans le Caucase par sa position relativement pro-Hamas et anti-israélienne, qui est influencée par la géopolitique. L’Arménie cherche à se rapprocher de l’Iran, un des principaux soutiens du Hamas, pour des raisons économiques et stratégiques, compte tenu de son enclavement et de ses conflits avec l’Azerbaïdjan.

Cette proximité avec l’Iran a contribué à l’attitude critique de l’Arménie à l’égard d’Israël, notamment lorsque ce dernier soutient militairement l’Azerbaïdjan. Cela a exacerbé les tensions, renforçant l’hostilité arménienne envers Israël. Ainsi, Erevan a exprimé à plusieurs reprises son soutien à la cause palestinienne

C. L’Azerbaïdjan
À l’opposé de l’Arménie, l’Azerbaïdjan a noué des relations très étroites avec Israël, en particulier dans le domaine de la défense et de l’énergie. Cette alliance repose sur des intérêts mutuels : Israël dépend du pétrole azéri pour une part significative de son approvisionnement énergétique, tandis que l’Azerbaïdjan bénéficie de la technologie militaire israélienne. Cette coopération s’est intensifiée, notamment avec la fourniture par Israël de drones et autres équipements militaires utilisés par Bakou.

L’Azerbaïdjan a également cultivé une image de tolérance religieuse qui contraste avec son voisin arménien. Bien que la majorité de sa population soit musulmane, l’Azerbaïdjan reste un État laïc qui a su maintenir une politique étrangère pragmatique. Bakou a donc toujours été discret sur le conflit israélo-palestinien, préférant se concentrer sur ses relations bilatérales fructueuses avec Israël, tout en évitant de provoquer des tensions avec ses voisins musulmans.

II. Réactions et implications à la guerre entre Israël et le Hamas

A. Réactions politiques et diplomatiques

a) Arménie
Les réactions des pays du Caucase au conflit entre Israël et le Hamas sont profondément influencées par leurs alliances stratégiques et leurs intérêts nationaux. L’Arménie, en raison de ses liens avec l’Iran et de son ressentiment envers Israël, a adopté une position plus critique envers l’État hébreu, tout en manifestant une sympathie pour la cause palestinienne. Cette attitude se reflète dans ses votes à l’ONU, où l’Arménie tend à s’aligner avec les pays critiques à l’égard d’Israël.

Le ministère des affaires étrangères arménien a annoncé le 21 juin dernier , la reconnaissance de l’État de Palestine : « Réaffirmant son allégeance au droit international et aux principes d’égalité, de souveraineté et de coexistence pacifique des peuples, la République d’Arménie reconnaît l’État de Palestine », a affirmé le ministère dans un communiqué.

Le mouvement islamiste palestinien du Hamas a salué la décision d’Erevan, y voyant « une étape supplémentaire et importante vers la consolidation de la reconnaissance internationale des droits [du] peuple [palestinien] et de son aspiration à la fin de l’occupation [israélienne] et à l’établissement d’un État indépendant, pleinement souverain, avec Jérusalem comme capitale ».

b) Azerbaïdjan
L’Azerbaïdjan, en revanche, reste plus neutre sur la scène internationale en ce qui concerne le conflit israélo-palestinien. Toutefois, son soutien discret mais solide à Israël, particulièrement dans le domaine militaire, est un élément clé de sa politique étrangère. Les liens étroits avec Israël sont un atout stratégique pour Bakou, qui cherche à équilibrer son besoin de soutien militaire avec la nécessité de ne pas froisser ses alliés musulmans.

TN Cyber news indiquait dans un article du 24 janvier 2024 : « Économie, défense, politique… Depuis plusieurs décennies, Israël et l’Azerbaïdjan entretiennent des relations dans ces domaines. Cependant, au cours des dernières années, ces deux nations ont renforcé leur collaboration dans le cyberespace et de la cyberdéfense. »

« L’État hébreu a aidé l’Azerbaïdjan à développer ses capacités de cybersécurité militaire, renforçant ainsi sa défense contre les cyberattaques potentielles. De plus, les deux pays ont également collaboré sur le renseignement et le partage d’informations liées à la sécurité, renforçant ainsi leur position dans une région instable. »

« Sur le plan politique, les deux pays ont développé une relation stratégique fondée sur des intérêts communs : lutte contre le terrorisme, stabilité régionale et promotion de la sécurité »

En Mai 2024 : Aliza Bin-Noun, chef de la Division politique et stratégique du ministère des Affaires étrangères israélien, a rencontré à Bakou le ministre azerbaïdjanais des Affaires étrangères Jeyhun Bayramov pour discuter de « la coopération régionale, de l’approfondissement des liens entre les pays et les peuples et du renforcement des liens économiques »,selon un communiqué du ministère.

« Israël et l’Azerbaïdjan entretiennent des relations stratégiques profondes et de longue date qui ont pris de l’ampleur avec l’ouverture de l’ambassade de l’Azerbaïdjan en Israël l’année dernière », a déclaré Aliza Bin-Noun, ajoutant que cette année, ils se concentrent sur la conférence sur le climat COP29 qui se tiendra à Bakou plus tard cette année.

B. Impact économique et sécuritaire

L’impact économique de la guerre entre Israël et le Hamas sur les pays du Caucase est notable, surtout pour l’Azerbaïdjan. Les relations commerciales avec Israël, notamment dans le secteur de l’énergie, sont cruciales pour Bakou. Le maintien de la stabilité dans ces échanges est donc une priorité pour le gouvernement azéri, d’autant plus que l’Azerbaïdjan se repose sur les technologies israéliennes pour moderniser son armée.

Pour l’Arménie, les retombées économiques sont moins directes, mais le conflit exacerbe les tensions régionales, notamment avec l’Azerbaïdjan. La coopération militaire israélienne avec Bakou est perçue comme une menace pour Erevan, ce qui renforce son alignement avec des puissances hostiles à Israël, comme l’Iran.

C. Opinion publique et dynamique interne

L’opinion publique dans les pays du Caucase est également influencée par le conflit entre Israël et le Hamas. En Arménie, les médias et la société civile sont critiques à l’égard d’Israël. Cette critique est renforcée par les associations avec l’Iran et par une empathie historique pour les causes perçues comme anti-coloniales ou de résistance, comme celle des Palestiniens.

En Azerbaïdjan, les médias publics mettent en avant les bénéfices de l’alliance avec Israël, notamment en matière de sécurité et de développement économique.


III. Enjeux pour l’avenir

A. Perspectives de médiation
Les pays du Caucase, bien que marginalisés dans les grandes négociations internationales, pourraient envisager de jouer un rôle plus actif dans la médiation du conflit israélo-palestinien. L’Azerbaïdjan, en raison de ses relations avec Israël et ses liens avec le monde musulman, pourrait potentiellement servir de pont entre les deux camps.

L’Arménie, malgré sa critique d’Israël, pourrait aussi chercher à jouer un rôle diplomatique, en collaboration avec des pays comme l’Iran ou la Russie, mais ses capacités sont restreintes par son isolement régional et ses priorités domestiques.

B. Évolution des alliances régionales
La guerre entre Israël et le Hamas pourrait redéfinir les alliances régionales dans le Caucase. L’Azerbaïdjan continuera probablement de renforcer ses liens avec Israël, malgré les pressions possibles de ses voisins musulmans.

L’Arménie, quant à elle, pourrait continuer à s’éloigner d’Israël, se rapprochant davantage de l’Iran et d’autres puissances anti-israéliennes. Cette dynamique pourrait exacerber les divisions régionales et compliquer encore davantage la recherche d’une paix durable dans le Caucase.

Comme nous l’avons vu, la guerre entre Israël et le Hamas a des répercussions importantes sur les pays du Caucase, reflétant et amplifiant les divisions géopolitiques de la région. L’Arménie et l’Azerbaïdjan, en particulier, se retrouvent de part et d’autre de cette fracture, avec des positions diamétralement opposées qui influencent non seulement leur politique étrangère, mais aussi leurs dynamiques internes. Alors que le conflit au Moyen-Orient continue de provoquer des bouleversements mondiaux, les pays du Caucase se trouvent à un carrefour, où leurs choix futurs pourraient avoir des répercussions durables sur la stabilité régionale et leurs relations internationales.

 

Eric GOZLAN

Fondateur du site Géopolitique et action.

Spécialiste en Géopolitique et en diplomatie parallèle, Eric GOZLAN est conseiller de Gouvernements et dirige l’International Council for Diplomacy an Dialogue (www.icdd.info). Eric Gozlan est appelé comme expert à l’Assemblée Nationale et au Sénat sur les sujets traitant de la diplomatie parallèle et de la laïcité.
En juin 2019, il contribue au rapport sur l’antisémitisme du Rapporteur Spécial des Nations Unies.

Il a reçu du Prince Laurent de Belgique en septembre 2018 le prix de la paix pour son combat pour la laïcité en Europe.
Il a participé à deux nombreux colloques sur la paix en Corée, Russie, Etats-Unis, Bahreïn, Belgique, Angleterre, Italie, Roumanie…