Tous les Français raisonnables et qui aiment la France sont au côté de Madame Harmonie Comyn, pour pleurer la mort, la perte, l’assassinat, de son mari, gendarme, lâchement assassiné à Mougins par l’un des 25 000 auteurs de refus d’obtempérer en France.
Il est rarissime que la famille d’une victime d’un crime particulièrement choquant tienne un discours aussi politique que celui qu’a prononcé la veuve de l’adjudant mortellement percuté lundi par un chauffard.
C’est dire combien la France est traversée par une grande colère qui bruisse dans la société française face au laxisme de nos autorités. Pour avoir côtoyé et accompagné de nombreuses familles de victimes des pires assassins, aux États-Unis notamment, lorsque je dirigeais l’organisation Ensemble contre la peine de mort que j’ai eu l’honneur de créer en 2000, la plupart du temps, les familles des victimes ne sont pas dans un esprit de vengeance. La plupart du temps elles se réfugient, au-delà de la douleur, dans la compassion et les appels au calme.
C’est dire combien les mots de la veuve du gendarme Comyn doivent nous interpeller au plus profond de notre for intérieur.
Car oui par laxisme, par lâcheté, par manque de respect de l’autorité et par défaut d’appliquer les lois tout simplement, la France a tué son mari.
Ceci étant dit, si elle ne l’a pas fait explicitement, Madame Harmonie Comyn, en attaquant les lois de l’année 1981, a probablement voulu laisser entendre qu’elle regrette l’abolition de la peine de mort en France.
Ce ne sont pas tant ses propos qui m’amènent à écrire, que la pluie d’éditos et de posts sur les réseaux sociaux demandant le rétablissement de la peine capitale.
Soyons clairs, la peine de mort n’a jamais dissuadé le moindre criminel de commettre son crime. Jamais un criminel ne s’est dit : « ah puisque j’encours la peine de mort, je ne vais pas passer aux actes ». Fondamentalement le criminel est convaincu qu’il va échapper aux mailles de la Justice.
Si demain la peine de mort était rétablie en France, il n’y aurait pas moins d’islamistes pour assassiner des juifs ou des chrétiens. Il n’y aurait pas moins de délinquants pour défier l’autorité des policiers et des gendarmes.
Ensuite, le fameux « tu ne tueras point » commence par s’appliquer à la société. Nul n’a le droit de vie ou de mort sur autrui. À commencer, dans une société de liberté individuelle, par l’Etat qui n’a qu’en de très rares circonstances « le droit » de tuer ses sujets, en l’occurence en cas de guerre qui lui confère le « le droit » d’envoyer ses hommes se faire tuer pour sauver sa souveraineté. Nous pourrions y ajouter des considérations religieuses, spirituelles ou philosophiques : la peine de mort est contraire à une certaine idée de la civilisation.
La peine de mort, ce n’est pas la justice. La peine de mort, c’est la vengeance !
Pire, la vengeance, contrairement à la justice, est facteur de redoublement des actes criminels. Cela s’appelle la vendetta et c’est le système de réparation qui existait avant que la Justice pénale ne soit instaurée dans les sociétés civilisées.
La réalité c’est que d’un point de vue philosophique autant que d’un point de vue de l’efficacité de la politique pénale, ce n’est pas la peine de mort qu’il faut rétablir. Ce sont des peines de prison incompressibles et effectuées jusqu’à leur terme.
Il serait préférable que la justice pénale commence par sanctionner les 25 000 auteurs de refus d’obtempérer. 15 000 € d’amende avec saisie sur le compte bancaire, peines de prison, avec sursis ou effectives, avec inscription au casier judiciaire. Et là nous aurions un début dissuasif sur les délinquants qui pourrissent la société française et mettent en danger nos forces de l’ordre.
Voilà la seule et unique solution. Ce n’est certes pas ce que voulait Robert Badinter, à savoir remplacer la peine de mort par une autre peine, longue et inflexible, ce en quoi il avait bien tort. Mais ne nous trompons pas de débat : oui à une justice impitoyable et ferme, non à la peine de mort.
Enfin, rappelons que l’abolition de la peine de mort ne fut pas uniquement le fait de Robert Badinter en 1981. Les groupes RPR de l’Assemblée nationale et du Sénat avaient largement voté pour cette abolition. Seuls les députés et sénateurs UDF pro-Giscard avaient voté pour le maintien de la peine capitale. C’est aussi Jacques Chirac qui, en février 2007, convoqua le Congrès de la République pour faire inscrire dans la Constitution de la Ve République l’abolition de la peine de mort. Donc à ceux qui voudraient la rétablir, c’est la Constitution qu’il faudrait changer (et deux conventions internationales qu’il faudrait dénoncer).
La justice doit passer, pas la vengeance !