La chronique de Daniel Salvatore Schiffer
12H22 - samedi 31 août 2024

France Serbie : douze « rafales » de vent dictatorial. La Chronique de Daniel Salvatore Schiffer

 

L’argent n’a pas d’odeur… Pas même celle due à de nauséabonds relents de l’une des dernières et pires dictatures d’Europe : c’est probablement là ce que, faisant sien ce vieux proverbe populaire, a dû se dire, doté là d’un cynisme a faire tressaillir d’indignation les authentiques démocrates, le Président de la République Française, Emmanuel Macron, lorsqu’il vient d’aller vendre, pour la coquette somme de 2,7 milliards d’euros, douze avions de combat – les très performants Rafale – à la Serbie, pays, en plus d’être un allié indéfectible de la Russie de Poutine nonobstant son abominable guerre d’agression en Ukraine, se voit présidée aujourd’hui de main de fer par un dictateur nommé Alexandar Vucic.

 

Opportunisme, corruption et trahison : les vieux démons d’un dictateur nommé Vucic

Car la Serbie, ses manigances politiques comme son extrémisme idéologique, se voit encore et toujours hantée aujourd’hui, par-delà son démagogique ravalement de façade, par ses vieux démons : ceux-là mêmes que la communauté internationale, et l’Union Européenne en particulier, croyaient naïvement révolus depuis l’historique chute, le 5 octobre 2000, de feu Slobodan Milosevic, mort cinq ans et demi plus tard, le 11 mars 2006, dans la prison de Scheveningen, à La Haye, où il avait été incarcéré, accusé de « crime de guerre », « crimes contre l’humanité » et « génocide » lors des sanglantes guerres en ex-Yougoslavie, par le Tribunal Pénal International (TPI) !

 

Vucic, le judas des Balkans

Comment, du reste, faire véritablement confiance, et accorder le moindre crédit moral, à un système politique, dont ce Vucic est l’incarnation la plus maléfique, capable, dans le même temps, d’élever au rang de héros de présumés « criminels de guerre », tels Radovan Karadzic (ancien président des Serbes de Bosnie au temps de la guerre dans cette république) ou Ratko Mladic (ancien général en chef de l’armée bosno-serbe lors de ce même et sanguinaire conflit), avant de les livrer ensuite, croyant en recueillir ainsi quelques maigres gains politico-économiques, et sauver surtout par là sa propre peau, au Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie précisément ?

Oui : ce Vucic sans foi ni loi, Judas des Balkans, aura décidément tout trahi, sans scrupule ni même remords, pour accéder et se maintenir au pouvoir, y compris feindre de renier ses propres convictions au gré des circonstances ou ne pas hésiter à traîner dans la boue ceux-là mêmes qu’il avait pourtant, et toujours en fonction de ses seuls intérêts, portés précédemment aux nues ! La diabolisation de leurs adversaires s’avère, du reste, une des armes de prédilection, comme à l’obscur temps des pires procès staliniens, des dictatures !

 

La grande illusion macronienne

Et, de fait, Emmanuel Macron, épris là d’on ne sait quelle coupable candeur, parallèlement à une encore plus grande illusion en croyant arrimer ainsi, par cette consistante mais controversée vente de « Rafale », la Serbie à l’Europe, tout en l’éloignant par la même occasion de la Russie, a manifestement oublié que pendant la sombre époque de la guerre en ex-Yougoslavie (1991-1995), et lors de la guerre du Kosovo de manière plus spécifique encore (1999), ce même Aleksander Vucic était alors, du haut de sa place de numéro deux au sein du très extrémiste, sinon fascisant, Parti Radical Serbe du très nationaliste Vojislav Seselj, l’impitoyable, ambitieux et puissant Ministre de l’Information – que peu osaient contester au vu de son autoritarisme – de Milosevic en personne ! Pis : celui-là même qui, en plein parlement serbe, n’hésita pas alors à proférer ces paroles, lourdes de sens tragique pour les autres composantes ethnico-religieuses (Croates, Bosno-Musulmans, Kosovars…) de l’ex-Yougoslavie en ce douloureux temps-là : « là où il y a un Serbe, c’est terre serbe ; et pour un mort serbe, il y aura cent autres morts bosniaques ou kosovars ! »

 

Un maître en double jeu de dupes

Mais l’opportuniste et roué Vucic, qui ne voit dans l’Union Européenne qu’une gigantesque machine à sous, une énorme vache à lait en forme de jackpot, sait faire mine de changer ses opinions, voire de retourner opportunément sa veste, lorsque les circonstances le requièrent, fût-ce, pour cela, au prix des pires volte-face.

Aleksandar Vucic, un cynique mais efficace maître, derrière son apparent visage de poupon, en double, voire triple, jeu de dupes : il vendrait son âme au diable et écraserait tout sur son passage, y compris au mépris des intérêts de son propre peuple, pour conserver, à l’instar de tous les dictateurs de sa trempe, une misérable once de pouvoir !

Rien d’étonnant, en d’aussi affreuses conditions, si le très corrompu régime de Vucic demeure effectivement aujourd’hui un Etat de violence, voire de terreur s’avançant masquée, comme le proclame en effet, à juste titre, l’actuelle opposition démocratique serbe.

 

Une opposition bâillonnée et une liberté d’expression réduite au silence

Oui : l’opposition serbe, et ses organes de presse en particulier, se voit aujourd’hui, sous l’impitoyable férule de cet infâme régime de Vucic, honteusement bâillonnée, violemment réprimée, arbitrairement réduite au silence, avec une liberté d’expression, de parole et de pensée, quasiment inexistante, tant elle est, depuis de trop longues et cruelles années, aussi bridée que brimée.

Pis encore : il arrive même souvent que ce même Vucic, grand ami de Poutine, recoure, en guise de riposte face à ses « ennemis », au plus ignoble des moyens : les diffamer médiatiquement et donc les discréditer publiquement, à défaut de pouvoir toujours les éliminer physiquement, par de vils mensonges, cabales orchestrées de toutes pièces ou crapuleuses machinations, à faire pâlir d’envie l’ancien régime, tant décrié, de Milosevic !

 

Liberté, paix et démocratie

À cette nouvelle et jeune opposition donc, toute ma sympathie et tout mon soutien : il y va de l’avenir même, au sein de l’Europe libre, moderne et démocratique, de ce beau peuple qu’est le peuple serbe et qui, n’en déplaise à ses actuels et belliqueux dirigeants politiques, n’aspire, en vérité, qu’à la paix !

Ainsi entrera-t-elle alors de plain-pied, s’y réintégrant méritoirement, dans le véritable, grand, moderne et libre concert des nations, dont celui, au premier chef, de l’Europe !

 

DANIEL SALVATORE SCHIFFER

Philosophe, écrivain, auteur d’une quarantaine de livres, dont

« Requiem pour l’Europe – Zagreb, Belgrade, Sarajevo » (Editions L’Âge d’Homme),
« Les Ruines de l’intelligence – Les intellectuels et la guerre en ex-Yougoslavie » (Editions Wern, enrichi d’entretiens avec Elie Wiesel et Simon Wiesenthal),
« La Philosophie d’Emmanuel Levinas – Métaphysique, esthétique, éthique » (PUF),
« Lord Byron » (Gallimard-Folio Biographies),
« Le Testament du Kosovo – Journal de guerre » (Editions du Rocher), directeur des ouvrages collectifs

« Penser Salman Rushdie » (Editions de l’Aube/Fondation Jean Jaurès),
« Repenser le rôle de l’intellectuel » (Editions de l’Aube)
et « L’humain au centre du monde – Pour un humanisme des temps présent et à venir » (Editions du Cerf).