Edito
19H40 - jeudi 5 septembre 2024

Barnier, le dernier joker de Macron ? L’édito de Michel Taube

 

Le plus jeune président de la République aura bien besoin des talents et de l’expérience du plus aîné de nos Premiers ministres de la Vème République pour tenter de tenir le paquebot France qui avance sur place depuis le 9 juin au soir.

Fin négociateur, homme politique issu des territoires de France, européen convaincu mais attaché à une certaine idée de la France, ancien élève de l’ESCP, grande école de commerce, sérieux, fiable et attentif aux autres, le choix de Michel Barnier est loin d’être une mauvaise solution pour tenter de sortir de la crise.

Son expérience réussie à la tête de négociations sournoises entre le Royaume-Uni et l’Union européenne au lendemain du Brexit pourrait être le moment de sa vie politique qui l’aidera le plus à tenter de tenir une Assemblée nationale française aussi divisée, rebelle et ingouvernable.

Bien entendu qu’il fallait une personnalité de droite pour espérer la constitution d’un axe passif RN – droite – macronie qui permette de voter a minima le budget de la nation et d’éviter l’aventure du pseudo Nouveau Front populaire. La dette publique, le pouvoir d’achat, l’insécurité, le sort des agriculteurs, les défis sont considérables.

Et pour les relever, Michel Barnier vaut bien mieux que Lucie Castets !

Désormais, le travail et l’enfer commencent pour Michel Barnier.

L’homme de la Savoie a planté le décor : accès aux services publics, sécurité au quotidien, maîtrise de l’immigration seront ses priorités… « Agissons et parlons peu », a ajouté le nouveau premier ministre… Mais pourra-t-il agir avec une Assemblée en ébullition ?

Car plusieurs inconnues, dont il ne maîtrise pas les clés, risquent d’obscurcir les jours et les semaines à venir du nouvel hôte de Matignon…

Tout d’abord, la macronie risque de se diviser entre ambitieux. Edouard Philippe a ouvert le bal ! Quelle sera l’attitude de Gabriel Attal et de Gérald Darmanin qui réunit ses troupes le 15 septembre ? Seront-ils loyaux ou les frondeurs de la macronie pour mieux talonner le maire du Havre en vue de 2027 ?

Lors de sa passation de pouvoir avec son successeur, Gabriel Attal a prévenu : « au moment où je quitte Matignon, et peut être plus encore qu’auparavant, la liberté sera au cœur des valeurs qui m’animeront dans les mois et les années à venir ».

Ensuite et surtout, le Rassemblement national reste l’arbitre des élégances. Marine Le Pen a certes accordé un sursis à exécution au nouveau premier ministre de la République, espérant qu’il sera « respectueux des différentes forces politiques ». Mais pour combien de temps ? Nul doute que le RN négociera cher avec Michel Barnier sa complaisance tactique, en exigeant peut-être l’introduction de la proportionnelle en échange, par exemple, du maintien de la réforme des retraites.

Le Gabriel Attal de son époque (il dirigea très jeune les Jeunes gaullistes et fut conseiller général à l’âge de 22 ans) aura aussi fort à faire avec Emmanuel Macron. Avec une dissolution inutile, le chef de l’État a asséné un coup de massue à la vie politique, menaçant la Vème République de retour aux pires heures d’instabilité de la IV ème.

Le premier défi pour Michel Barnier sera certainement d’imposer au président de la République, pour autant que le lui permettent les institutions, une méthode moins jupitérienne et orgueilleuse de gouverner.

Son principal atout sera certainement de rappeler au président de la République les termes de la Constitution les moins respectés depuis des années, à savoir l’article 20 : « [c’est] le Gouvernement [qui] détermine et conduit la politique de la nation. »

Michel Barnier ne sera pas seul ! Il doit être pressé de s’entourer d’un gouvernement. Belles passes d’armes en vue entre l’Elysée et Matignon et de nouvelles semaines d’attente à venir si Emmanuel Macron continue de prendre son temps. Le délai de constitution du gouvernement sera un excellent indicateur du rapport de force entre les deux têtes de l’exécutif.

« Nous sommes dans un moment grave », a expliqué Michel Barnier ! Le dernier joker de Macron a bien raison !

 

Michel Taube

Michel Taube

Directeur de la publication