Edito
12H17 - mardi 10 septembre 2024

La France veut-elle vraiment réaliser des économies massives ? Le cas des ALD. L’édito de Michel Taube

 

Le gouvernement lance enfin une grande campagne de promotion du dispositif « Mon bilan prévention » invitant près de 21 millions de Français à réaliser un bilan de santé gratuit.

Sans aucun doute, à cause des complotistes de tous poils, ceux qui voient de l’hygiénisme là où la responsabilité doit s’imposer aux plus égoïstes et aux commentateurs de salon, cette campagne risque fort de faire « pschitt » dans le contexte d’un contrat de société brisé entre les Français, leur perception de leur propre avenir et leur système de santé.

Le bilan prévention, c’est pourtant une aussi belle mesure que l’était le Dossier médical partagé, rangé pourtant aux oubliettes de la santé française malgré les centaines de millions d’euros qu’en a coûté la mise en place.

 

Prévention ?

Ce rendez-vous, d’une durée de 30 à 45 minutes, permet aux professionnels de santé de discuter avec le patient de ses habitudes de vie, d’évaluer les risques de maladies chroniques, de réaliser des dépistages et de faire des rappels de vaccination. Petite révolution, ce bilan peut être effectué par votre médecin, bien entendu, mais aussi par un infirmier, pharmacien ou sage-femme.

Ce bilan doit permettre surtout de repérer des facteurs de risque : problèmes de santé mentale, survenue de maladies chroniques (cancer, diabète…), ou encore le risque de dépendance, de perte d’autonomie et d’isolement.

 

Un enjeu sociétal et financier majeur

Une part décisive des problèmes du système de santé serait réglée si l’on investissait massivement dans la prévention des ALD, les longues maladies qui, du diabète aux cancers, des maladies de Parkinson et d’Alzheimer, des AVC aux infarctus du myocarde, ponctionnent deux tiers du budget de la Sécurité Sociale. Les économies effectuées grâce à une prévention massive permettraient de recruter des soignants et de mieux les payer. Un cercle vertueux !

Chaque maladie longue durée est synonyme de vie plus pénible, de souffrances, de douleurs pour soi, pour les siens, pour la société. C’est aussi l’assurance d’une espérance de vie diminuée. C’est l’annonce d’un naufrage…

Mais une maladie chronique, c’est aussi des coûts exorbitants pour la Sécurité Sociale. Les chiffres sont impressionnants, massifs. Selon le gouvernement, en 2020, les dépenses remboursées par l’assurance maladie relatives aux assurés en ALD étaient estimées à près de 110,1 milliards d’euros sur un total de 166,8 milliards d’euros soit 66 % des dépenses remboursées.

Et pour cause, en France, une personne sur quatre vit avec une maladie chronique. Et elles sont trois sur quatre chez les plus de 65 ans. Près de 12 millions de personnes ont été prises en charge au titre d’une affection de longue durée l’an passé et cette tendance devrait se poursuivre, notamment du fait du vieillissement de la population. Selon Thomas Fatome, directeur général de la Caisse nationale de l’Assurance maladie, « ce sont ces ALD qui contribuent à une grande part de la dynamique de dépenses d’assurance maladie actuelle et à venir ».

On dit toujours que la santé est gratuite en France et que cette gratuité est un joyau de notre modèle social, envié dans le monde entier. Cette gratuité concerne surtout les maladies longue durée. Même si, comme l’a brandi France Assos Santé lorsque les pouvoirs publics ont envisagé en début d’année de revoir la liste des ALD, « les franchises augmentent, les cotisations aux complémentaires explosent, et que les personnes en ALD accusent les plus gros restes à charge. »

Lorsque vous découvrez que les soins de votre enfant qui a besoin d’une greffe de moelle osseuse pour survivre, laquelle sera pratiquée à l’hôpital Necker, – fort justement choisi par Michel Barnier pour sa première visite en tant que Premier ministre -, coûteront plus d’un million d’euros à la collectivité et 0 euro à ses parents, vous bénissez la France tous les jours !

Plus égoïstement, le fumeur invétéré qui découvre trop tard son cancer des poumons parce qu’il ne s’est pas responsabilisé ou qu’il n’y a pas été incité et qui, lui aussi, va bénéficier d’une prise en charge presque complète (il y a toujours un petit reste à charge mais qui est marginal sur le total de la prise en charge publique), lui, il doit se dire que cette même gratuité constitue une forme de filet de sécurité, d’assurance sur des prises de risque inconsidérées.

 

La France veut réaliser des économies massives ?

Alors, posons des questions qui fâchent…

Combien de médecins référents et de pharmaciens près de chez soi proposeront-ils ce bilan prévention à leurs patients ?

Puisque les 18-25 ans sont parmi les cibles de cette campagne pour le bilan prévention, combien de lycées, d’universités, de clubs sportifs et d’associations, dans leur mission de service public, inciteront-ils leurs élèves et leurs adhérents à aller voir l’infirmier de l’établissement ou leur médecin ?

Puisque les cinquantenaires sont parmi les cibles de cette campagne, la médecine du travail recevra-t-elle les millions de salariés pour effectuer ce bilan de bon sens, à l’âge clé où le plus grand nombre de maladies longue durée peuvent se déclencher ?

Combien de Français vivant dans des déserts médicaux ne seront pas diagnostiqués à temps de cancers naissants ?

Doit-on rappeler que toute maladie grave diagnostiquée tôt est le meilleur rempart contre le pire…

Les gains financiers entraînés par une prévention massive des Affections Longue Durée seraient tels qu’on peut se demander si ces bilans ne devraient pas être obligatoires ou, plus exactement, si la prise en charge publique de futures maladies ne devrait pas être fortement diminuée pour ceux qui ne se seront pas pliés à ces bilans préventifs.

Les égoïstes pousseront des cris d’orfraie. Mais la responsabilité est le corollaire de la liberté.

Une société solidaire, responsable et libre, c’est une société où tous les corps de la société regardent dans la même direction et protègent leurs ouailles en exerçant une saine prévention.

Trop tard ?

Dans le programme « Révolution » d’Emmanuel Macron pour l’élection présidentielle de 2017, le titre consacré à la santé s’appelait « Prévention ».

Il aura fallu sept ans pour que se mette en place cette mesure qui aurait permis d’économiser des dizaines de milliards d’euros chaque année au budget de la Sécurité Sociale et notamment avant le déclenchement de la terrible crise de la COVID en 2000.

Car, la perte de confiance massive générée par la gestion anxiogène à coups d’injonctions paradoxales de la crise Covid risque fort de dissuader bon nombre de Français d’entreprendre cette visite de prévention.

Enfin, comme le disait Bruno Le Maire devant l’Assemblée Nationale, ce sont des siècles qui ont forgé une culture de la dépense et donc de la dette publique en France. Il en va de même en matière de manque de prévention de notre santé.

 

Michel Taube

Directeur de la publication

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