Opinion Territoires
16H55 - jeudi 12 septembre 2024

Jérémy Giroud, le Perréon et les vendanges au cœur du Beaujolais : une année de tous les défis

 

L’année 2024 restera gravée dans la mémoire des vignerons du Beaujolais, et particulièrement celle de Jérémy Giroud, vigneron au Perréon. Entre conditions météorologiques extrêmes, gestion des maladies de la vigne et des aléas comme la grêle, les défis ont été nombreux. Pourtant, Jérémy, comme beaucoup d’autres dans cette région viticole, continue à se battre pour maintenir son exploitation à flot. Retour sur une année marquée par l’incertitude et le courage.

Une année marquée par une météo capricieuse

Depuis le début de la saison viticole, Jérémy et ses collègues vignerons du Beaujolais ont dû composer avec des conditions météorologiques particulièrement difficiles. Les pluies régulières ont rendu la lutte contre les maladies cryptogamiques comme le mildiou et l’oïdium plus intense que jamais. « C’était une année très compliquée » explique Jérémy. « Avec la pluie qui tombait chaque semaine, il fallait être vigilant. On a fait énormément d’interventions pour prévenir et traiter les maladies. » Cette vigilance s’est traduite par un recours accru aux traitements phytopharmaceutiques, un passage presque obligatoire pour éviter que les vignes ne soient ravagées par ces maladies qui prospèrent dans les conditions humides.

Mais malgré ces efforts, la nature a encore frappé. Le 30 juillet, une violente tempête de grêle a détruit une grande partie des vignes du Perréon et des communes environnantes. « On a perdu 80 à 85 % de notre récolte, raconte Jérémy avec une émotion palpable. Sur certaines parcelles, les dégâts sont encore pires. Les experts disent qu’il n’y aura presque rien à récolter cette année. »

 

Le poids de la grêle : un coup dur pour le Beaujolais

La tempête de grêle a touché environ 300 hectares de vignes dans le Beaujolais, particulièrement sur les communes Le Perréon, Vaux-en-Beaujolais, Saint-Étienne-des-Oullières, Saint-Étienne-la-Varenne. Un véritable désastre pour les vignerons locaux, qui voient leurs efforts réduits à néant en quelques minutes.

Pour ceux qui, comme Jérémy, ont souscrit une assurance, il y a au moins un léger réconfort. « L’assurance va couvrir les frais d’exploitation, mais elle ne fait pas tout », admet-il. « Elle permet de maintenir l’exploitation à flot » mais elle ne rémunère pas le travailleur, le vigneron qui consacre toute son année à ses vignes.
C’est une couverture minimale qui ne compense pas la perte émotionnelle et financière réelle.

Jérémy évoque aussi les défis financiers qui suivront cette année. « Nos banques sont conscientes de la situation. On peut espérer des reports de prêts, mais ce n’est pas une solution à long terme. Cela ne fait que retarder le problème. »

 

Vendanges : tradition et technologie en conflit

Le recours aux vendanges mécaniques est de plus en plus envisagé dans la région, surtout en période de crise où les coûts doivent être réduits au maximum. Pourtant, pour Jérémy, la topographie escarpée de ses terres rend cette option difficile. « Sur les pentes du Beaujolais », la vendange manuelle reste incontournable, d’autant que ses parcelles dédiées à la production du Crémant de Bourgogne doivent respecter le cahier des charges imposant la récolte à la main.

Cette limitation freine l’adoption des vendanges mécaniques sur son exploitation, mais Jérémy garde espoir de tester cette option un jour, malgré une année 2024 qui met en pause bien des projets d’investissement.

 

Des cours du vin incertains et un avenir fragile

Au-delà des défis immédiats, une autre incertitude pèse lourdement sur l’esprit des vignerons : l’évolution des cours du vin. « Les prix sont instables et risquent de baisser encore cette année », se désole Jérémy. « Ça devient de plus en plus difficile de faire des prévisions, surtout quand on subit les aléas climatiques. »

Pourtant, malgré les difficultés, Jérémy et ses collègues du Beaujolais ne baissent pas les bras. Ils savent que le métier de vigneron est imprévisible, soumis aux aléas de tout ordre. Comme il le dit lui-même, « on sait qu’on travaille avec le temps et que Dame Nature commande. C’est ce qui fait la magie de notre métier, mais aussi ses risques. Quand tout est détruit, c’est forcément un coup dur qui marque. »

 

La résilience des vignerons du Beaujolais

La solidarité entre les vignerons est essentielle dans ces moments de crise. Jérémy sait qu’il n’est pas le seul à faire face à une année difficile, et que certains de ses collègues ont même pris la décision d’arrêter avant la grêle, découragés par des charges croissantes et des prix du vin en chute.

Mais malgré cette sombre réalité, Jérémy choisit de rester optimiste, « sinon, il faut arrêter. » Il sait que la résilience est au cœur de ce métier, et que même après une année comme 2024, il faut continuer à croire en l’avenir.

 

Un héritage à préserver

Vigneron de père en fils, Jérémy a grandi dans ces vignes, et il est déterminé à préserver cet héritage familial, malgré les épreuves. « Depuis 1984, mon père n’a pas vu une année aussi difficile, et même mon grand-père n’a jamais connu des dégâts de cette ampleur », confie-t-il. Cette mémoire familiale, ancrée dans la terre du Beaujolais, motive Jérémy à persévérer, même dans les moments les plus sombres.

Alors que les vendanges approchent, avec bien moins de raisins à récolter que prévu, Jérémy garde espoir car “le Beaujolais est une terre de traditions”.

 

Sofiane Dahmani, Chroniqueur