Selon les informations du Figaro, les anciens élèves de la « promo Senghor » (2004) prévoient de se retrouver lors d’un dîner ce 15 septembre dans un café parisien pour fêter les 20 ans de leur entrée dans la haute fonction publique. Il se dit qu’un des leurs, Emmanuel Macron, serait de la fête. D’où le secret bien gardé sur le lieu des agapes.
L’occasion pour Daniel Keller, ancien président des anciens élèves de l’ENA de se pencher sur le destin de cette école d’exception et d’excellence.
Un des charmes de l’ENA était qu’elle fût l’école des paradoxes. De promotion en promotion, la période de bachotage précédant l’impitoyable classement de sortie entretint un sentiment de profonde amertume dont tout laissait penser que les énarques d’une même promotion demeureraient à vie les meilleurs ennemis du monde. Il est toutefois un démenti inattendu à un tel constat : le goût des anniversaires de promotion, comme j’ai pu le découvrir en étant invité à certains d’entre eux. Parmi ceux-ci je n’oublie pas les cinquante ans et les soixante ans de deux promotions à la célébration desquels j’avais été convié. En ces moments, l’esprit de camaraderie trop souvent absent pendant la scolarité refaisait surface comme si le temps ne lui avait infligé aucune ride.
La promotion Léopold Sedar Senghor qui va célébrer ses vingt ans n’échappe pas à la règle, même si elle est encore dans ce long défilé une « jeune » promotion.
On pourrait disserter à l’envi sur un esprit de camaraderie qui n’est peut-être inconsciemment que l’expression d’un éternel regret, une forme quasi proustienne de recherche du temps perdu. A moins qu’il ne ressuscite dans ces moments de communion amicale une période où tous les possibles s’offraient encore à chaque élève.
La constance des anniversaires de promotion à travers le temps a forgé un imaginaire qui fit beaucoup pour entretenir la réputation d’une Ecole dont le rôle subliminal était d’être un invisible mur porteur de la République retrouvée après-guerre. Chaque promotion a nourri une sorte de dynastie républicaine dans laquelle on distingue des branches aînées et des branches cadettes, en fonction de l’éclat que les destins individuels ont pu donner à telle ou telle d’entre elles. Mais chaque anniversaire vient avant tout renouer le fil ténu d’une exigence de transmission qui dépasse chacun d’entre nous et qui relie les promotions entre elles, au service du rayonnement d’une Ecole qui fut toujours au firmament du service de l’intérêt public.
Dommage que l’ENA ait donc été rangée au magasin des accessoires inutiles. Dans une petite vingtaine d’années, une promotion aurait eu l’insigne privilège d’en célébrer le centenaire. La tâche en revient désormais à l’INSP mais le chemin est encore long.