Jamais la France, pourtant si jacobine, si politique n’avait vécu aussi longtemps sans un gouvernement à la tête de l’État. On connaît enfin le casting gouvernemental après seize jours d’absence.
Bonne chance, Michel Barnier ! Et il va lui en falloir pour tenir le gouvernail d’un gouvernement érodé par un chaudron parlementaire incandescent. Dès l’ouverture (enfin !) de la nouvelle session de l’Assemblée nationale le 1er octobre, les oppositions (même au sein de la macronie ?), ne manqueront pas d’attaquer la légitimité même du gouvernement Barnier :
« En France, on ne change pas une équipe qui perd ».
Pour le moment, le chef du gouvernement affiche sa bonne entente avec Emmanuel Macron, insistant sur le fait que la France ne vit pas une troisième cohabitation. Si « le président préside et le gouvernement gouverne », a-t-il insisté sur le plateau de Laurent Delahousse sur France 2, « il n’y aura pas de polémique » avec Emmanuel Macron, l’esprit de compromis, positif et dynamique, l’emportera dans l’intérêt des Français, selon l’hôte de Matignon.
Dans le gouvernement Barnier, de nombreuses personnalités peu connues du grand public émergent. C’est une des vertus d’un remaniement ministériel. Les rênes de Bercy sont par exemple confiées à un brillant produit de la macronie ; souhaitons-lui aussi bonne chance, au vu de la situation financière de notre pays.
Politiquement, il ressort du casting gouvernemental que la percée espérée vers des socialistes ou des socio-démocrates a échoué. Didier Migaud, ancien socialiste, ancien président de la Cour des comptes, arrive Place Vendôme. Est-il le bon choix pour incarner la demande d’’autorité et de fermeté de la part de la justice pénale ? La justice avait plus besoin à sa tête d’un spécialiste des violences urbaines et de l’islamisme que de la criminalité en col blanc. Mais Didier Migaud est un grand serviteur de la chose publique et il faut espérer qu’il s’entendra avec le nouveau locataire de la place Beauvau, Bruno Retailleau. Un conservateur et un socialiste pour porter le couple police – justice. C’est du grand « en même temps ».
Une méthode qui demande du temps et Michel Barnier va en manquer…
Dans l’impasse politique qui marque la fin de règne d’Emmanuel Macron, un petit trou de souris se dégagera peut-être… pour apaiser les Outre-mer dont la Nouvelle-Calédonie et la Martinique sont en ébullition ? Nos territoires ultra-marins pourront peut-être dégager un large consensus… Telle sera tâche du nouveau ministre, François-Noël Buffet.
Se parler pour dégager du consensus ? En 1995, la loi Barnier avait déjà tenté de distiller du compromis dans les rouages de la gouvernance en France en créant la « Commission du débat public ». En 2019, la présidente de l’époque, Chantal Jouanno, avait refusé d’organiser le Grand Débat pour sortir de la crise des Gilets jaunes. La Commission aurait dû être supprimée en représailles, tellement son inutilité était apparue au grand jour ! En 2024, sous la houlette du même Barnier devenu premier ministre, les finances publiques l’obligeront peut-être à supprimer ce comité Théodule qui ne sert pas à grand-chose.
Enfin, la santé mentale sera Grande cause nationale en 2025. C’est la première mesure concrète qu’a annoncée le premier ministre. Une belle initiative car il en faudra de la santé mentale au gouvernement dans une France politique bien malade et reflet d’un pays en grande dépression !
La méthode Barnier ? Compromis, écoute, évaluation, vérité, mesures pratiques et pas d’idéologie. Le principal handicap de Michel Barnier, c’est peut-être justement sa méthode qui nécessite du temps pour porter ses fruits. Et le temps risque fort de lui manquer…
Car Michel Barnier, on le sait déjà, aura trop peu de temps pour sortir la France de l’ornière. Quelques semaines ? Dix mois jusqu’à ce que le chef de l’Etat puisse à nouveau dissoudre l’Assemblée nationale ? Deux ans et demi jusqu’à l’élection du successeur d’Emmanuel Macron en 2027 ?
Le jour où le Rassemblement national et le pseudo-nouveau Front populaire additionneront leurs voix, le gouvernement Barnier tombera. Michel Barnier le sait, elle est là son épée de Damoclès…