La chronique de Patrick Pilcer
06H31 - lundi 23 septembre 2024

Gouvernement Barnier I, sous le signe des 3 C : le courage, la concertation, le concret. La chronique de Patrick Pilcer

 

Michel Barnier a finalement réussi à bâtir une équipe solide pour son premier gouvernement.

Il y a quelque chose de Jean XXII en Michel Barnier et son gouvernement. Jacques Duèze est élu pape à 72 ans, en 1316, après le décès de Clément V, le fameux pape du procès contre les Templiers. Après la mort de Clément V, le roi de France Philippe le Bel cherchait un pape à sa main et les cardinaux électeurs recherchaient, eux, un pape de transition, un compromis temporaire pour se donner un peu de temps et choisir très vite ensuite l’homme idoine. Jacques Duèze, fin stratège, se fit passer pour mourant, rencontra Philippe le Bel en se présentant agonisant sur un brancard. Pour le roi de France comme pour les cardinaux, il était le candidat idéal, et tous escomptaient sa mort imminente. Devenu Jean XXII, il régna sur l’Eglise 18 ans…

Michel Barnier et son gouvernement ne resteront certainement pas 18 ans en place, peut-être pas 18 mois, mais ceux qui prédisent la censure imminente pourraient bien très vite déchanter.

Car ce gouvernement, construit avec un savant dosage qui doit beaucoup au hasard et au renoncement des autres candidats putatifs, allie trois qualités qui devraient lui permettre d’être apprécié des Français et finalement durer : le Courage, la Concertation et le Concret. Les 3 C qui pourraient être les piliers d’une bonne gouvernance et assoir sa stabilité, 3 C qu’incarnent parfaitement 3 nouveaux ministres, Astrid Panosyan-Bouvet au Ministère du Travail, le courage, Nathalie Delattre au Ministère des Relations avec le Parlement, la concertation, et Antoine Armand au Ministère de l’Economie, pour le concret.

 

Astrid Panosyan-Bouvet, encore peu connue du grand public, est cette femme de courage qui prend en charge le travail, le plein emploi et l’insertion.

Lors de la précédente mandature, elle a pris à bras le corps les thématiques de la fin de vie comme du travail qui paie. Dans les débats sur la réforme des Retraites, sur l’immigration, sur la fin de vie, elle n’a pas hésité à exprimer clairement son opinion personnelle même quand cela la plaçait en porte-à-faux avec le Président.  De même elle a su prendre ses distances avec le Président quand ce dernier a choisi de dissoudre, et de rater cette dissolution inutile. Dans ses campagnes aux Législatives, elle a eu à cœur de toujours rester sur le terrain des idées et de ne jamais sombrer dans l’attaque des personnes, hard on point, soft on people…

Elle a également porté avec Constance le Grip la résolution présentée à l’Assemblée Nationale pour reconnaitre les Gardiens de la Révolution de la Mollahchie iranienne comme une entité terroriste, contre l’avis des apparatchiks du Quai d’Orsay. En entrant au Gouvernement, gageons qu’elle n’oubliera pas qui elle est, et qu’elle fera les bons choix.

Et il y a du boulot au Ministère du Travail, du Plein emploi et de l’Insertion. Il nous faut améliorer les salaires et les retraites, rapprocher le salaire net du brut, par exemple en exonérant les salaires de CSG, jusqu’à 3000€ de salaire brut, et en augmentant en contrepartie la TVA de 3%, faire que le travail rémunère mieux que l’inactivité, améliorer la Réforme sur les retraites en facilitant à la fois le travail des seniors, l’insertion des plus jeunes dans le monde du travail, mieux prendre en compte les carrières des femmes, et leur période de maternité. Mieux prendre en compte aussi le parcours des aidants familiaux.

Le combat actuel de ce Ministère est moins dans la baisse du chômage, même s’il y a encore beaucoup à faire pour obtenir les mêmes résultats que nos voisins et concurrents, mais surtout dans la hausse du taux d’emploi, car beaucoup trop de nos concitoyens restent encore sur le bord du quai, incapables de prendre le train de l’emploi et du retour à l’activité. Il nous faut avoir plus de premiers de cordée, mais nous devons, en même temps, protéger nos plus vulnérables et aider nos derniers de cordée.

Il faut enfin marquer une rupture des mentalités sur la notion même de travail. Étymologiquement, le travail, en français, renvoie au latin tripalium, cet instrument de torture des Romains, quand les anglo-saxons utilisent les mots de work ou werk, plus proche du grec ergon, de la notion d’action, d’œuvre, d’emploi.

La vraie révolution, sur le Travail, serait que chacun puisse considérer son parcours professionnel comme une œuvre, et essayer, s’employer à en faire un chef d’œuvre, que l’on soit technicien de surface ou médecin, instituteur ou manutentionnaire, une œuvre d’émancipation de tous les jours… Le parcours d’Astrid Panosyan-Bouvet, et son expérience, quand elle était en entreprise dans le privé, dans les cabinets ministériels ou en politique, aideront grandement pour rendre très concrètes ces quelques idées.

Pour réussir cela, il faudra beaucoup de concertation, ne serait-ce que pour traduire en lois les réformes souhaitées.

 

Dans ce registre Nathalie Delattre, sénatrice de Gironde, Vice-Présidente du Sénat, Secrétaire Nationale du Parti Radical, excellera. Elle connaît parfaitement le fonctionnement du Parlement. Formée à l’Ecole Larcher, sensible aux vertus du Solidarisme, elle maîtrise remarquablement tous les rouages du dialogue parlementaire mais aussi de l’équilibre entre ce qui se décide à Paris et ce qui se vit en Province. Elle pourra œuvrer avec efficacité et talent pour une décentralisation raisonnée, pour une République des Territoires. Elle pourra insuffler l’esprit Girondin au sein de la technostructure parisienne si jacobine. Quel bon choix !

 

Enfin Antoine Armand, lui aussi encore inconnu du grand public, pourra rendre très concrètes les mesures souhaitées par le Gouvernement. Il pourra traduire les mots en idées, et passer des idées, souvent trop abstraites, à des réformes bien concrètes. Il est attendu au tournant bien évidemment, sur la souveraineté économique, où il s’est fait remarquer par le brio de son rapport à l’Assemblée, sur l’élévation du niveau de vie de nos concitoyens, sur l’amélioration de notre productivité, sur la modernisation de notre vie économique à l’heure de l’intelligence artificielle et du web 3.0. Il est certes énarque, inspecteur des Finances, mais cela ne l’empêche en rien de savoir rester simple et clair. Tout le monde se souvient de son débat sur France 3 lors des dernières élections législatives où il était opposé à un candidat du RN, certainement tiré au sort ou sorti d’un paquet Bonux, un candidat qui n’arrivait pas à aligner deux mots d’affilée. Antoine Armand avait su ne pas éclater de rire (mais qui lui en aurait voulu), rester clair, compréhensible, accessible à tous les électeurs. Allez voir ce grand moment en replay ou sur youtube . Il avait su faire preuve de pédagogie et éclairer. La pierre angulaire d’un bon Politique, d’un bon gouvernant.

Le courage, la concertation, le concret sont les ingrédients indispensables de la gouvernance souhaitée.

Mais ils ne feront une bonne mayonnaise que si tous les Ministres et le Premier Ministre à leur tête n’oublient jamais le principal composant : dire la Vérité aux Français. Sur l’état de nos comptes publics, sur la situation de nos Services Publics, de tous nos Services Publics, de l’Ecole à l’Hôpital, de la Justice à l’Armée, de l’Université à la Recherche, il est urgent de dire clairement la Vérité aux Français. Ils ne sont pas dupes, ils sont prêts à entendre la réalité de notre situation. C’est d’ailleurs quand il a les pieds bien dans la…boue que le coq gaulois donne le meilleur de lui-même.

Dire la vérité tout en se débarrassant de l’emprise de Macron sur les choix et la vie des ministères. Il est temps qu’il puisse prendre du recul, présider et cesser de gouverner. Sans pour autant passer son temps à faire de grand discours et dire n’importe quoi, comme sur le Liban ces derniers jours. Israël élimine Ibrahim Aqil, l’un des chefs militaires du Hezbollah, mouvement terroriste, reconnu comme tel par toutes les grandes démocraties. Aqil est responsable de la mort de 241 GIs et de 58 de nos valeureux parachutistes, lors des attentats d’octobre 1983, il est recherché par toutes les polices des grandes démocraties. Washington félicite Israël, dit que la Justice a été rendue, mais Macron, notre chef des Armées pourtant, ne se félicite en rien de cette disparition, ne condamne en rien le Hezbollah, n’en parle même pas, et rabroue Israël, notre meilleur allié dans la région, pour la raclée qu’elle a infligé à ce mouvement terroriste et barbare.

Tout comme Jean XXII a su se faire choisir par Philippe le Bel, ce roi maudit, puis s’affranchir de sa tutelle et de son emprise, Michel Barnier devrait savoir et pouvoir rompre avec les pratiques du passé.

La véritable rupture promise par Michel Barnier est là !

 

Patrick Pilcer
Conseil et expert sur les marchés financiers, président de Pilcer & Associés, Chroniqueur Opinion Internationale

Président de Pilcer & Associés, conseil et expert sur les marchés financiers
Patrick Pilcer, Président de Pilcer & Associés, conseil et expert sur les marchés financiers