À l’occasion du 20ème Congrès des Régions de France à Strasbourg, Michel Taube a rencontré Renaud Muselier, président de la région Sud-Provence-Alpes-Côte d’Azur. Ensemble, ils ont abordé les grandes questions du moment : absence de Michel Barnier au Congrès, complexité de la décentralisation en France, et défis budgétaires pour les régions face à un budget national de rigueur voire d’austérité pour 2025. Renaud Muselier, fort de son expérience politique et de sa gestion régionale saluée dans la Région Sud, livre son analyse sur ces enjeux cruciaux pour l’avenir des collectivités territoriales et de la France.
Michel Taube : l‘absence probable de Michel Barnier à ce congrès, n’est-ce pas un mauvais signe politique envoyé par le nouveau chef du gouvernement, qui est pourtant un homme des territoires ?
Renaud Muselier : Non, c’est tout à fait normal. Nous aurons la présence de Catherine Vautrin, numéro deux du gouvernement. Il est difficile d’avoir le Premier ministre ici, surtout dix jours avant son discours de politique générale à l’Assemblée nationale. Il ne peut pas venir ici dévoiler une partie de ce qu’il annoncera à la représentation nationale. Catherine Vautrin, qui est en charge des collectivités et des relations avec les territoires, est une grande élue locale. C’est donc une représentante idéale pour notre Congrès.
Est-ce que la situation politique nationale qui semble bloquée, ne pourrait paradoxalement être une opportunité pour ouvrir un nouveau chapitre de la décentralisation ?
Honnêtement, je n’y crois plus. La décentralisation, c’est un serpent de mer auquel on s’accroche sans cesse. Même si cela semble être une opportunité, le Parlement est dans une telle instabilité qu’aucun projet de décentralisation significatif ne pourra être mené à bien. Les enjeux sont trop complexes, avec des intérêts divergents entre les communautés d’agglomération, les maires des petites communes rurales, les grandes métropoles, les départements et les régions.
Cependant, là où il y a une véritable opportunité, c’est de rappeler que les régions sont politiquement stables. Elles donnent une visibilité très forte pour la France, notamment en matière de gestion des fonds européens et d’aménagement du territoire.
Craignez-vous que le budget de l’Etat pour 2025, annoncé comme étant de rigueur, ne ponctionne ou ampute les crédits des collectivités locales, en particulier les régions ?
Cela fait 35 ans que j’entends la même chose : « il n’y a pas d’argent ». Que ce soit sous des gouvernements de droite ou de gauche, le discours est toujours le même. Certes, la France est endettée, mais les régions ont souvent une meilleure gestion.
Dans ma région, nous avons récemment reçu une excellente notation des agences de notation grâce à notre rigueur budgétaire. Cependant, si l’État est mal noté, cela peut nous impacter en cascade. Il est crucial que l’État s’appuie sur la stabilité des régions, qui sont des zones de confiance.
Ce Congrès a lieu à Strasbourg, sur le thème de l’Europe. Vous avez été député européen. L’avenir de l’Europe, en crise, n’est-il pas dans la force de ses régions ?
J’ai adoré mon mandat de député européen, mais il est paradoxal de constater que, bien que les Français se disent majoritairement pro-européens, ils votent souvent pour des partis anti-européens. L’Europe a perdu une partie de son projet politique. À ses débuts, elle avait un sens politique fort après la Seconde Guerre mondiale, puis un sens économique avec la création de la CECA, puis de la CEE, puis de l’euro. Aujourd’hui, elle doit retrouver un nouveau projet politique. Il est essentiel que l’Europe renforce sa cohésion, notamment à travers ses régions, sans être étouffée par les États membres.
En janvier prochain, cela fera dix ans que la carte régionale de la France a été redessinée. Quel est votre bilan sur ce redécoupage ?
Pour la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, cela n’a pas eu d’impact majeur. Nous sommes passés de la deuxième à la troisième place en termes de poids économique, mais cela n’a pas fondamentalement changé la donne. Ce qui est important, c’est que les régions sont désormais bien établies et reconnues par les citoyens. Il y a une stabilité politique et administrative. Mon conseil au gouvernement : « pour une fois que cela fonctionne, il ne faut pas y toucher ».
Merci Monsieur Muselier.
Merci à vous.