La crise que traversent en ce moment les territoires d’Outre-mer résulte d’un mal-développement chronique dû principalement aux difficultés pour les entreprises de produire convenablement de la richesse au profit des populations. Ces difficultés s’inscrivent dans une spirale démographique dépressive, où, faute de perspectives, les talents s’en vont chercher ailleurs ce qu’ils ne trouvent plus chez eux. Ainsi, en Martinique, chaque année depuis 2009, pas moins de 5 000 personnes sont effacées des compteurs statistiques. Les effets de cette situation se font ressentir dans le quotidien des Martiniquais qui souffrent pour beaucoup d’entre eux des affres du chômage et de la pauvreté.
En résumé, les entreprises sont de plus en plus faibles et les populations sont de plus en plus pauvres. Et c’est bien dans ce champ de contraintes chroniques que s’expriment aujourd’hui les revendications populaires. Notons que la réalité de la vie chère touche non seulement la Martinique et la Guadeloupe, mais aussi tous les territoires de petite taille éloignés de leur source d’approvisionnement. Elle touche donc toutes les îles de la Caraïbe, du Pacifique et d’ailleurs. Oui, l’insularité coûte cher, et elle exige des efforts particuliers pour en limiter les effets.
Pour traiter convenablement la question critique du pouvoir d’achat dans les territoires d’Outre-mer, il n’y a que deux voies possibles :
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Baisser les prix
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Augmenter les revenus
Malgré la bonne volonté des acteurs mobilisés en Martinique, et bien que des améliorations partielles soient possibles, il n’y aura pas de miracle sur les prix, car l’alignement total avec l’hexagone est matériellement impossible compte tenu des frais d’approche spécifiques aux économies insulaires. Pour autant les premières pistes envisagées sont bonnes et elles doivent être mises en œuvre ; je pense notamment à la double péréquation des frais d’approche, au rétablissement des tarifs export, à l’ouverture des débats sur la continuité territoriale et au développement des filières de production locale. Mais tous ces efforts combinés permettent d’améliorer les prix à la consommation, ils ne permettront pas d’atteindre l’alignement total avec l’hexagone. Car, redisons-le, cet alignement est techniquement impossible.
En revanche, il est possible d’améliorer les revenus en mettant en œuvre un dispositif-choc : la Zone Franche Sociale.
Ce dispositif avait été imaginé par les différents représentants du monde économique dès 2017 et soutenu par plusieurs élus Martiniquais. En 2022, le député Européen Max Orville l’avait présenté en commission à Bruxelles et obtenu un avis positif de principe de ses pairs Européens. Sa mise en œuvre effective dépend désormais de nos parlementaires locaux qui doivent porter le projet devant leurs homologues de l’Assemblée nationale.
La Zone Franche Sociale consiste à exonérer totalement les salaires relevant du secteur privé, sans distinction de revenus, de toutes leurs charges patronales et salariales. Elle combine naturellement les effets positifs d’une politique de l’offre et d’une politique de la demande. En faisant en sorte que le salaire brut égale le salaire net, elle permet concrètement deux choses :
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Redonner immédiatement du pouvoir d’achat à tous les salariés du privé.
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Redonner des capacités d’embauche à tous les employeurs du secteur privé.
Les effets bénéfiques d’une telle mesure :
— Relancer la consommation des ménages
— Réactiver les marchés
— Résorber le chômage
— Rétablir l’attractivité générale du territoire
La Zone Franche Sociale est donc la réponse immédiate au triple défi du chômage, du coût de la vie et de l’attractivité. Elle consiste en quelque sorte à privilégier la défiscalisation du travail à celle de l’investissement. Ce dispositif pourrait être couplé avec des ajustements de taux de TVA et d’octroi de mer afin de renforcer les secteurs stratégiques « fers de lance » de la Martinique (Rhum, tourisme, production locale, diversification agricole, etc.).
À première vue, cette mesure coûte cher, mais son coût sera compensé par des gains liés à ses effets dynamiques :
— Compte tenu de la relance économique provoquée, les recettes fiscales augmenteront sensiblement : TVA, Octroi de mer, IS et IR.
— Compte tenu de ses effets positifs en matière d’emploi, les coûts liés au traitement du chômage seront divisés.
— Un écart de +/-20% rendra plus attractif le travail par rapport aux revenus sociaux et aux allocations. Il doit également contribuer à réduire le travail dissimulé.
— Enfin, tous les coûts cachés que doit assumer une société en crise seront fortement réduits.
Une étude économétrique permettrait de démontrer in fine les vertus économiques, sociales et budgétaires d’une telle mesure. Il est urgent de lancer cette étude.
La Zone Franche Sociale doit s’appliquer en priorité aux territoires marqués par l’effondrement démographique, c’est-à-dire la Martinique et la Guadeloupe. Elle freinera l’exode, elle attirera de nouveaux talents et de nouveaux investisseurs. C’est une mesure efficace et juste car elle règle en même temps les problèmes des employeurs et les difficultés des salariés.