La neurodiversité est un sujet émergent, bien qu’il ait toujours été présent en filigrane dans notre société. Dans chacune de nos interactions humaines, nous sommes confrontés à l’autre, à ses spécificités, ses modes de fonctionnement. Nous réagissons souvent de manière inconsciente à la façon dont l’autre nous interpelle, faisant émerger surprise, agacement voire émerveillement. Ce reflet de l’autre sur soi est généralement le premier levier par lequel nous appréhendons la neurodiversité. Initiée par Judy Singer dans son mémoire de sociologie en 1998, aux prémices d’un mouvement pour les droits des personnes autistes, elle est à l’humanité ce que la biodiversité est à la nature, une diversité de cerveaux uniques et différents qui font la richesse de nos interactions. Mais aussi la difficulté, quand ces échanges nous renvoient à des incompréhensions ou des ressentis émotionnels souffrants…
Cela fait donc une vingtaine d’années que le sujet gagne du terrain, favorisé par l’essor des neurosciences, les revendications sociales des personnes neuroatypiques selon le slogan « nothing about us without us » et l’intérêt marqué des métiers de la tech pour ces profils qui représenteraient 20% de la population.
Les neuroatypiques couvrent un spectre très vaste, on y inclut les personnes sur le spectre autistique (TSA), celles présentant un trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDA/H), les troubles Dys (Dyslexique, dyspraxiques, dyslexiques…) mais aussi des particularités qui ne sont pas identifiées comme étant des troubles au sens médical du terme, comme le HPI ou l’hypersensibilité.
En raison de leurs différences cognitives, nombre de ces personnes se retrouvent en situation de handicap au sein d’une société qui les comprend peu et peine à les inclure, et ce dès leur entrée dans le premier corpus social qu’est l’école. Plus inclusives, les politiques éducatives ont visé la mise en place de programmes d’adaptation des modalités d’aménagement des apprentissages tels que le PAP ou le PPS par exemple. Mais il reste beaucoup à faire car les moyens et la formation des enseignants sont toujours insuffisants, et nombre d’enfants, notamment ceux sur le spectre autistique, restent encore à la porte de l’école inclusive en devenir.
Quant au secteur de l’emploi, il en est à ses balbutiements, laissant ces enfants surpris de voir leur spécificité considérée durant leur scolarité mais ignorée au moment d’entrer dans le monde du travail. On estime que 80% des adultes TSA sont sans emploi, et que 60% des personnes neuroatypiques souhaitent quitter le leur. Les entreprises prennent encore insuffisamment en compte ce changement majeur dans le recrutement des nouvelles générations, et sont encore trop peu préparées à adapter leurs processus pour favoriser l’accès et le maintien dans l’emploi des personnes neuroatypiques.
En plus de constituer une injustice sociale, c’est un gâchis de talent car ces cerveaux différents ont beaucoup à apporter à notre société. Ils perçoivent notre monde de manière singulière, discutent le statut quo et offrent des angles de vue nouveaux qui peuvent résoudre les problématiques complexes auxquelles nous sommes confrontés. La prise en compte de la neurodiversité permet de libérer leur potentiel créatif, émotionnel et rationnel. Nous en priver appauvrit notre intelligence collective et notre capacité à faire évoluer notre société positivement.
La neurodiversité consiste à aborder l’inclusion de ces fonctionnements minoritaires au sein de la population, comme faisant partie d’une variation normale des fonctionnements cérébraux et modes de fonctionnement humains. Plutôt que de les corriger ou tenter de les ramener à une norme de fonctionnement, elle a vocation à les inclure et à leur donner les moyens d’exister.
Le « vivre ensemble », ce n’est pas le « vivre côte à côte ». Mais plutôt le « vivre inclusif » qui permet à chaque singularité humaine d’être pleinement acceptée afin d’apporter sa spécificité au collectif.
Cela ne peut se faire que par la mise à disposition de moyens matériels et humains pour soutenir et accompagner les personnes neuroatypiques efficacement, notamment celles en situation de handicap, et leur garantir la même équité de traitement que celle due à chaque citoyen.
Cela demande également à chacun d’entre nous de faire preuve d’ouverture d’esprit afin de ne pas juger négativement certains traits comportementaux éloignés de la norme sociale et des codes implicites que nous utilisons. N’oublions pas que le facteur le plus cruel d’exclusion sociale reste le rejet par l’autre de ce que nous sommes.
Les neurotypiques sont les sentinelles de notre société.
En leur accordant le droit à la différence, nous permettons incidemment à chacun d’entre nous le droit à être, tout simplement.
Sabrina Menasria
Fondatrice de SINGULARITY, Conférencière, Autrice.
Le 30 septembre, à l’occasion de la journée mondiale de la neurodiversite, nous lancerons le premier réseau professionnel de réflexion et d’apprentissage sur la neurodiversité lors du Neurodiversity Leaders Forum.
Plus d’information ici :
Au programme :
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Conférences, tables rondes et témoignages de leaders engagés dans la neuroinclusion, qui partageront leurs réalisations et perspectives.
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Mise en lumière de personnes neuroatypiques en entreprise.
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Cocktail pour prolonger les discussions et échanger entre pairs.