En ouverture du XXIe sommet de la francophonie (les 4 et 5 octobre 2024 à Villers-Cotterêts et Paris) , une Conférence internationale se préoccupe des raisons et des moyens de réenchanter les villes. Les organisateurs de cette conférence, portée par l’Association internationale des maires francophones, défendent la nécessité de mobiliser les villes, leurs élus, leurs habitants pour en faire les acteurs d’un meilleur respect de notre planète.
Les Jeux Olympiques Paris 2024 sont terminés. Au dire des commentateurs, dans la presse comme dans les réseaux sociaux, ce fut une parenthèse enchantée, dans laquelle inclusion, vivre ensemble, partage de l’espace urbain, efficacité des équipements publics ont donné à voir la silhouette aimable d’un cadre de vie urbain.
Mais d’autres informations ont alerté immédiatement sur des problèmes tout aussi présents de chaleur, de manque d’eau, d’incendie, d’inondations et autres catastrophes et crises qui ont atteint des milliers de familles dans le monde. Leurs annonces font écho aux prévisions sombres du GIEC dont les rapports successifs sont des alertes de plus en plus fortes.
Les villes se trouvent doublement concernées par l’accumulation de ces crises, d’une part parce qu’elles concentrent aujourd’hui la majorité de la population mondiale et qu’elles accueillent toujours davantage de nouveaux habitants, d’autre part parce que leurs formes, leurs matériaux, leur croissance participent à fragiliser les milieux naturels et à accroître les risques.
Depuis plusieurs décennies, les crises économiques et les ruptures technologiques se succèdent. De plus en plus rapprochées, elles s’accompagnent d’injonctions au changement mais aussi de dommages sur la biodiversité et le climat. L’accélération est telle que le vocabulaire lui-même s’épuise à appréhender notre époque : chocs, crises, anthropocène ; développement durable, transitions, adaptations sont autant d’expressions qui s’appliquent à la fois à une échelle globale et à des impacts locaux précis et souvent dramatiques. Les migrations de population sont de plus en plus massives, pour raisons de guerre, d’épuisement des ressources, de sécheresse et d’inondation et leur corollaire de violences politiques et économiques auxquelles chaque jour, des millions de personnes tentent d’échapper au péril de leur vie. Au regard à la fois des évolutions différentielles des démographies dans le monde et de l’augmentation continue des besoins, le moment que nous vivons est bien celui de la prise de conscience des limites de notre manière d’habiter la planète.
Dégager des scénarios pour que les villes de 2050 soient des territoires vivables
Dans les villes, les conséquences se traduisent par des contraintes inédites : la croissance continue des taches urbaines gaspille le sol, consomme le temps de tous les habitants dans les transports et les files d’attente, immobilise des ressources pour construire des infrastructures toujours plus importantes et plus coûteuses (habitat, moyens de transport et de logistique, moyens de production, d’éducation et de santé), complexifie enfin la gouvernance. Architectes, urbanistes, paysagistes, mais aussi juristes, économistes, sociologues, etc. sont autant de compétences qui sont de plus en plus nécessaires pour éclairer cette complexité, dresser les diagnostics et dégager des scénarios pour que les villes de 2050 soient des territoires vivables.
C’est bien cette conscience partagée de l’intérêt général qui peut rendre les villes vivables
Puisque les villes sont plus que jamais l’avenir de l’espèce humaine, elles doivent répondre aux besoins de demain et suivre des principes concrets : être plus accueillantes et plus désirables ; lutter contre les inégalités de conditions ; faire place à la nature et à la biodiversité, aux cycles de l’eau, tant en surface, plus perméable, que dans le sol ; mobiliser plus intelligemment les spécificités de chaque territoire, là où les logiques de construction industrielle contraignent encore les établissements humains et les rapports au vivant. De nombreuses initiatives ont cours comme construire des bâtiments plus économes en énergie, promouvoir des espaces plus agréables qui relient les commerces, les habitations, les lieux de travail, rapprocher d’espaces naturels, améliorer l’accès aux services et l’inclusion… Mais il faut sans cesse veiller à ce que les innovations mises en œuvre n’apportent pas qu’une réponse partielle aux problèmes posés. Planifier la ville, la concevoir, la réaliser puis la gérer, dans toute la chaîne des métiers et des responsabilités, conduit à porter un intérêt général, qui doit être défendu face à toutes les contraintes et aux multiples intérêts particuliers. Or, ces derniers, par leur expression et leurs choix, menacent les conditions mêmes d’un vivre ensemble, c’est-à-dire le meilleur accès de toutes et tous, en particulier les populations les plus fragiles, à toutes les aménités disponibles. C’est bien cette conscience partagée de l’intérêt général qui peut rendre les villes vivables.
Pour ce faire, ni l’expression des attentes des habitants, ni l’énoncé d’un projet politique par les élus et décideurs ne sauraient suffire. Il faut y associer, à leur responsabilité et à leur échelle toutes les personnes-ressources qui ont aujourd’hui la compétence d’analyser et de faire la ville : praticiens comme scientifiques, ils savent mobiliser les données objectives irréfutables, recourir aux savoirs locaux, dialoguer avec les habitants, rechercher des exemples de solutions, organiser la coopération de toutes les parties prenantes.
Pour relever les défis des transitions, il est important d’avoir une pleine capacité de diagnostic, de définition des enjeux et de construction collective des solutions. Il faut aussi changer les modes de gouvernance, faire en sorte que tous les habitants deviennent acteurs de l’adaptation et des indispensables changements de modes de vie. Et ceci ne pourra pas passer par la compétition entre les territoires. Enfin, et ce ne sera pas le moindre obstacle, il nous faut prendre acte de la finitude des ressources à notre disposition et de notre engagement nécessaire à une forme de sobriété.
Les auteurs
– Alain Bourdin, Professeur émérite, École d’urbanisme de Paris, Directeur de la Revue Internationale d’Urbanisme
– Achille Ndongo, Directeur de la Recherche de l’École inter-africaine des métiers de l’Aménagement et de l’urbanisme
– Lionel Prigent, Professeur, Institut de Géoarchitecture (Université de Bretagne occidentale), Membre du bureau de l’Association pour la promotion de l’enseignement et de la recherche en aménagement et en urbanisme
– Franck Boutté, Urbaniste, Grand Prix de L’Urbanisme 2022,
– Françoise NThépé, architecte, urbaniste
– Christian Blancot, Cheffe de projet APUR (il faudra voir précisément avec elle car elle est en retraite…)
– Jean Yango, Responsable de l’office national des urbanistes au Cameroun
– Olivier Richard, Directeur d’études, APUR