Opinion Territoires
03H17 - lundi 30 septembre 2024

Communes et départements : conquérir le pouvoir d’agir en proximité. L’appel des Maires Ruraux de France. L’édito de Michel Taube

 

Réunie en Congrès à Saint-Julien en Côte-d’Or, l’Association des Maires Ruraux de France (AMRF) a adopté à l’unanimité cette résolution dimanche 29 septembre 2024.

Notre République s’est historiquement fondée sur la base de deux espaces d’action politique à l’échelle de ses territoires : la commune et le département. Ces collectivités fondatrices sont aujourd’hui les seules à présenter des périmètres cohérents avec la géographie et les bassins de vie.

Par une multitude de réformes traitant de la fiscalité ou de l’organisation territoriale, leur pouvoir s’est réduit à peau de chagrin : disparition des leviers fiscaux, émergence des EPCI (Etablissements Publics de Coopération Intercommunale) et des Régions dans une course folle aux compétences concentrant les pouvoirs à grande échelle, éloignement de l’État territorialisé et ses grandes agences nationales ou régionales…

Dans un contexte de crise politique majeure, nous interrogeons notre capacité à agir en proximité pour le quotidien des Français et posons la question du retour aux fondamentaux.

Avec les départements, les communes rurales comptent bien être forces de propositions pour inverser une trajectoire mortifère. Nous nous souvenons bien, de ce que nous avons lu dans les cahiers de doléances et de propositions que nous avons initiés lors du mouvement des gilets jaunes. Nous constatons aussi, dans les scrutins nationaux, l’expression massive d’une douleur et d’un rejet auxquels nous ne pourrons répondre que si l’État nous suit au lieu de nous faire courir derrière lui. En effet, ce n’est pas depuis l’État qu’il faut venir jusqu’au dernier kilomètre. Au contraire, notre existence et notre action, au premier mètre de la démocratie, doivent servir de base à l’organisation politique.

À Saint-Julien, en Côte d’Or, les débats des maires ruraux, les tables rondes, les motions proposées au vote, construisent une perspective cohérente de développement local et d’action publique.

Nous rappelons ainsi le besoin d’un vrai statut de l’élu, ressource humaine à protéger et consolider.

Nous alertons sur la fonte des moyens financiers ou moment où tout est à construire pour faire des ruralités, 88 % de l’espace national, des territoires productifs, terres d’accueil des transitions, creusets créateurs d’emplois et de richesses, palpables par les habitants eux-mêmes.

Nous alertons, et c’est la double peine, sur les capacités à aménager, infrastructures, logements et services, dans un contexte de sobriété parfois mal placée, de normes et de lois qui enferment au lieu de libérer, pour agir, par exemple, sur les logements vacants.

Nous alertons toujours sur la santé, la présence des services publics et, toujours, comment les repenser depuis le premier mètre, en bonne intelligence avec les collectivités locales. Le souvenir récent de la crise sanitaire était pourtant riche d’enseignements en termes d’organisation et de réactivité.

Tout cela conduit à affirmer que la commune et le département sont un duo d’avenir, dans un modèle à inventer, inspiré du passé et capable d’envisager les défis d’aujourd’hui.

Avec les départements, nous sommes résolus à porter les contours d’une organisation appuyée sur les attentes légitimes de celles et ceux qui les habitent et qui, demain, pourraient devenir des citoyens à part entière, fiers de leur territoire et de leur pays, conscients des actions menées à partir de leurs contributions fiscales ou d’engagement.

Nous devons pour cela interroger ce qui nous relie, ce qui exige de nous de faire société demain. La cohésion nationale reste un horizon.

La parole des maires ruraux et des habitants constitue la matière première pour nous construire un avenir collectif et coopératif.

Cette parole, il ne tient qu’à nous de la placer au centre du débat public, et nous allons le faire !

 

Eau et Assainissement : rétablir le caractère optionnel du transfert à l’intercommunalité.

Depuis la loi « NOTRe » de 2015, les Maires ruraux sont constants dans leur opposition au caractère obligatoire du transfert des compétences Eau et Assainissement au niveau intercommunal.

Rappelons l’absurdité de cette disposition : c’est lors du vote en 1ère lecture à l’Assemblée nationale, sans aucune étude d’impact préalable, que le Gouvernement a imposé par amendement rendant ce transfert obligatoire au simple motif qu’il était nécessaire de réduire « le morcellement et la dispersion » de ces compétences.

Depuis lors, face aux multiples difficultés et blocages qui remontent du terrain, on multiplie les pansements législatifs pour « assouplir » ou « décaler » cette obligation afin de tenter de contourner l’évidente nécessité de son abrogation. La loi du 3 août 2018 a créé une minorité de blocage permettant aux communes de reporter le transfert à 2026 ; la loi « Engagement et Proximité » de 2019 a permis la délégation de compétences à un syndicat, la loi « 3DS » a apporté d’autres « assouplissements »…

Bientôt dix ans après la loi « NOTRe », cet irritant est toujours d’actualité !

Les Maires ruraux défendent l’idée selon laquelle la diversité des territoires implique des modalités d’organisation différentes et propres à chacun d’entre-deux.

Ils demandent :

  • De rétablir le caractère optionnel du transfert de compétences qui permettrait de dénouer les situations bloquantes, sans néanmoins bouleverser ce qui fonctionne déjà bien.
  • Que soit abrogé le transfert obligatoire de ces compétences.
  • La confiance du Gouvernement et du Parlement envers les maires, élus de terrain responsables, soit prouvée par cet acte clair : laisser aux maires le choix de décider, localement, à quel niveau il est plus pertinent de gérer ces compétences, dans l’intérêt des citoyens.

Résolution adoptée à l’unanimité le dimanche 29 septembre 2024 à St Julien.

 

Santé : maintenir la pression, réduire la fracture sanitaire territoriale

L’Association des maires ruraux de France considère que la rentrée politique 2024 est l’occasion de rappeler l’importance des questions de santé restées sans réponse nouvelle ni ambitieuse pour réduire la fracture territoriale.

Des positions des uns visant à obliger les nouvelles installations de professionnels dans les zones sous-dotées à celles des autres qui feignent de croire que l’ouverture du numerus Apertus réglera tout.

Le sujet cristallise d’autant que plusieurs dizaines de maires des Côtés d’Armor et des Alpes de Haute Provence ont délibéré en astreignant l’Etat au regard des inégalités d’accès aux soins.

Les maires sont, certes, des facilitateurs, enclins à contribuer à répondre aux besoins de leurs concitoyens, mais souvent avec la seule capacité de cautériser cette jambe de bois qui fait très mal dans les foyers ruraux.

Tout ceci écarte provisoirement la responsabilité de l’Etat, compétent en la matière et fautif de malmener l’accès aux soins de tous, notamment en milieu rural (les études de l’AMRF faisant foi, ainsi que désormais des kyrielles de délibérations en Bretagne ou dans le sud Est de la France).

L’Association des maires ruraux de France à l’image des maires dans leur commune, se doit d’avoir une position plus que jamais exigeante et de responsabilité.

Il s’impose que toute nouvelle installation de professionnels de santé dans un village et son pôle de vie soient choisis par ce dernier (profession libérale oblige, elle s’accompagne, avec une solidarité territoriale, d’une journée minimum par semaine dans une maison de santé en secteur sous doté (à proximité).

C’est sur cette base que l’AMRF reprend sa mission avec le Parlement et le nouveau gouvernement de manière à s’adresser à tous pour les responsabiliser.

Elle le fera dans la suite des travaux entamés avec Yannick Neuder (38) et rapporteur du PLFSS (projet de loi de financement de la Sécurité sociale) (favorable à œuvrer/implantation en ruralité d’étudiants Français de l’étranger) et Aurélien Rousseau (91) ou encore Guillaume Garot (53) et Marie Pochon (26) pour les convaincre de cette urgence. Elle le fera également avec le Sénat et le Cese. Elle rencontrera les groupes politiques à ce sujet et le Conseil de l’ordre des Médecins ainsi que les syndicats d’ici le vote du PLFSS 2025.

Résolution adoptée à l’unanimité le dimanche 29 septembre 2024 à St Julien.

 

Michel Taube et Richard Huynh, Chroniqueur

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