Edito
07H55 - mardi 1 octobre 2024

L’État ne peut pas se passer des régions… surtout en période de crise ! L’édito de Michel Taube

 

Quarante ans de décentralisation, dix ans de regroupement des régions, nouveau gouvernement français, nouvelle Commission européenne… Le 20ème Congrès des Régions de France (ARF) se tenait à point nommé à Strasbourg, à l’invitation de la Région Grand Est et de son président Franck Leroy.

L’occasion pour Carole Delga, présidente de l’Occitanie et de l’Association des Régions de France, et les dix-sept autres présidents de Régions, de rappeler haut et fort que la France comme l’Europe ont besoin des régions pour gérer les crises et améliorer les services publics de nos concitoyens.

Soutien unanime des régions à l’Ukraine, craintes sur l’avenir des Fonds de cohésion que proposera la prochaine Commission européenne pour le budget 2027 – 2032 de l’Union [à lire dans Opinion Internationale], les esprits étaient tournés vers l’Europe autant que vers Paris…

 

Barnier le décentralisateur ?

Malheureusement il était absent mais dans toutes les têtes…

Michel Barnier n’a décemment pas pu venir la semaine dernière à Strasbourg, trois jours à peine après avoir réuni les ministres de son gouvernement. Il n’aurait pu y faire la moindre annonce, soucieux de réserver ses principales propositions à son discours de politique générale de ce mardi 1er octobre.

C’est donc Catherine Vautrin, numéro 3 du gouvernement, ministre du Partenariat avec les territoires et de la Décentralisation, qui est venue expliquer le discours de la méthode Barnier : écoute, dialogue, confiance. Devant les présidents de Régions, mais aussi Gérard Larcher, président du Sénat, et David Lisnard, président de l’Association des Maires de France, l’ancienne élue de Reims s’est dite garante de cette confiance largement perdue à retisser avec les élus locaux.

Ces derniers espèrent-ils encore grand-chose de l’Etat, tant ils ont été malmenés pendant les années Macron ? La récente sortie de Bruno Le Maire, certes parti enseigner dans les Alpes suisses, incriminant les collectivités locales dans le déficit des comptes publics, n’a pas amélioré l’atmosphère.

Le budget 2025 de la nation, de rigueur voire d’austérité, se traduira-t-il par de nouvelles coupes sombres dans les recettes des collectivités locales, mal habituées à être la variable d’ajustement financière de l’Etat ?

Emmanuel Macron, aux relents jacobins éprouvés depuis sept ans, ne risque-t-il pas de s’immiscer dans cette relation aux pouvoirs locaux que Michel Barnier devrait tenter de retisser ?

Dans un Parlement tétanisé par trois blocs irréconciliables à l’Assemblée nationale, paradoxalement, la liberté et la responsabilité des territoires pourraient faire l’objet d’un consensus transversal pour amorcer une nouvelle phase de décentralisation dont la France a tant besoin.

La clarification des compétences entre les différents niveaux de collectivités locales (le coût du millefeuille administratif a été souligné par le rapport – fortement commenté et salué à Strasbourg – de Boris Ravignon, maire de Charleville-Mézières) pourrait aussi faire consensus. Les exemples rocambolesques abondent : Carole Delga dénonçait l’existence de plus de 10 000 organismes, agences, commissions rien que dans le secteur de la santé. Kafka est de retour ! Dans le tourisme, les territoires se disputent aussi le leadership : y a-t-il un pilote dans l’Airbus du tourisme français, pépite de notre économie et de notre patrimoine ? Nouvelle ministre du tourisme (pour une fois ce secteur stratégique est seul dévolu à un ministère), Marina Ferrari, était à Strasbourg, elle aussi à la rencontre des Régions.

Seule entorse à un Congrès fort réussi, la toujours élégante et présidente de La Réunion, Huguette Bello, a écorché le nom de la Nouvelle-Calédonie, en l’appelant « Kanaky – Nouvelle-Calédonie ». Heureusement pour les Outre-mer que Madame Bello n’est pas la Première ministre, comme l’avait revendiqué le pseudo Nouveau Front Populaire.

 

La balle est clairement dans le camp gouvernemental…

Comme nous le confia Loïg Chesnais-Girard, président de la Région Bretagne : « je suis de gauche, ce Gouvernement est de droite, mais comme tous les élus locaux je ne vais pas attendre qu’il tombe pour me mettre au travail : logement, santé, école… On ne peut plus attendre. J’en appelle donc à l’Équipe de France. Il y a de l’intelligence dans les territoires. Qu’on nous écoute ! ».

« À l’Etat le régalien, aux territoires les services publics » : cette maxime lancée par Franck Leroy et Carole Delga en clôture du Congrès des Régions inspirera-t-elle la vision du discours de politique générale du premier ministre ?

Premier verdict cet après-midi…

 

Michel Taube

Directeur de la publication