Michel Barnier a livré à la Nation un excellent discours de Politique Générale devant l’Assemblée réunie, un discours bien préparé, bien écrit, un discours destiné à plaire à tout le monde.
Il a évoqué la nécessaire baisse des dépenses publiques comme la hausse des impôts pour les plus riches et pour les grandes sociétés. Il a ciblé le pouvoir d’achat, proposé une hausse du SMIC de 2% dès novembre tout en évoquant la lutte contre la fraude sociale et fiscale, ou un meilleur contrôle des cartes vitales. Il s’est montré volontariste sur la sécurité, sur l’immigration tout en défendant l’état de droit, et la fraternité, la République, l’Europe. Il souhaite aider à faire redémarrer la construction et le secteur immobilier en limitant l’effet des normes et du plan zéro artificialisation tout en plaidant pour une politique écologique.
Chacun aura eu un mot gentil à son égard, le « en même temps » revu et corrigé version cohabitation 2024, mais où est le cap, où est la rupture ?
Le meilleur exemple du sentiment d’inachevé de ce discours est peut-être dans l’hommage aux 58 parachutistes français morts au Liban dans l’odieux attentat du 23 octobre 1983. Alors que nous commémorerons prochainement les 41 ans de ce massacre, dont nous oublions trop souvent les nombreux blessés et mutilés, le Premier Ministre montre que, contrairement à notre Chef des Armées, lui n’a pas oublié. Mais pourquoi ne nomme-t-il pas le responsable de cet attentat terroriste ? Pourquoi ne dit-il pas haut et fort que le Hezbollah est le responsable de cet acte odieux ? Pourquoi ne se félicite-t-il pas de l’élimination du chef des terroristes, Nasrallah, comme de celle du cerveau opérationnel de cet attentat, Fouad Chokr, quelques jours plus tôt ? Pourquoi, à l’exemple des Etats-Unis, ne remercie-t-il pas Israël d’avoir réussi ce que Mitterrand avait décidé de faire en son temps, mais sans succès ? Inachevé ! De bonnes intentions pourtant, mais inachevé !
Inachevé et sans aucune rupture avec ses prédécesseurs. Attal, Borne ou Philippe auraient pu dire exactement la même chose, d’ailleurs ils l’ont dit.
Baisser la dépense publique, augmenter le pouvoir d’achat, rapprocher le salaire net du brut, assurer une meilleure sécurité de nos citoyens, augmenter le nombre de places de prison, mieux considérer les seniors, les femmes, les jeunes, les plus faibles, etc… Dans le parcours professionnel, mieux intégrer la pénibilité, etc… défendre la Laïcité, lutter contre l’antisémitisme et les discriminations, lutter contre le communautarisme, garantir les droits des femmes, faire avancer l’état « du » droit, etc…
Tous l’avaient dit avec leurs mots, et pourtant Attal a laissé sur son bureau une petite ardoise, il manque 50 milliards… Bruno Lemaire, après 7 ans à Bercy, nous a légué une dette de plus de 3 200 milliards et un déficit public de 6,3% ! Un dérapage budgétaire qui ne vient pas de nos entreprises ou des gens qui paient l’impôt, mais de la dépense publique ! Du jamais vu !
Bien sûr, on va nous redire que nous allons « taxer les riches », augmenter l’impôt sur les grandes sociétés et taxer les rachats d’actions. Mais il faut être sérieux, l’heure est grave. Si nous augmentons les taxes sur les rachats d’actions par exemple, cela ne rapportera strictement rien car les entreprises pourront toujours ne pas en faire et gérer leur trésorerie différemment. 0€ collecté ! En plus où est l’efficacité économique ? Lorsqu’une entreprise propose un rachat d’actions à ces actionnaires, c’est parce qu’elle considère qu’elle n’a pas d’investissement pertinent à leur proposer et qu’elle leur redonne la main pour allouer cet argent avec un meilleur rendement économique. Pourquoi bloquer ou freiner cette possibilité ? Et si le rendement nouvellement obtenu est meilleur, l’Etat touchera plus d’impôt, soit en impôt sur les sociétés soit en impôt sur les plus-values… Si on augmente l’impôt sur les sociétés en le rendant moins compétitif que chez nos voisins, les sociétés iront investir chez eux et plus chez nous. Qui créera nos emplois de demain ? l’État ?
Arrêtons de punir toujours les gens qui ne sont en rien coupables de la gestion calamiteuse de notre Etat !
Aucune rupture dans la pensée économique dans ce beau discours ! Quel dommage ! Pourtant, il y avait de quoi proposer ! Plutôt que de rester dans la simple évocation de la baisse de la dépense publique, de l’optimisation, de l’évaluation de nos services publics, il fallait passer au concret. Concrètement que propose le gouvernement Barnier pour réduire la dépense et de combien ? Aucune réponse…
Concrètement, comment réduire notre déficit abyssal, ou comment rapprocher le salaire net du brut ? Aucune réponse…
Il y a des pistes pourtant comme l’exonération totale de CSG sur les 500 premiers euros pour les salaires et retraites et, « en même temps », la hausse de 3 points de la TVA. Là, concrètement, on redonne du pouvoir d’achat à la France qui travaille, on ponctionne de fait un peu plus les revenus plus élevés sur leur consommation, on ponctionne un peu plus les touristes, et on fait rentrer de l’ordre de 20 milliards d’euros dans les caisses de l’Etat. Du concret !
Michel Barnier a eu entièrement raison d’évoquer Pierre Mendès France, ce Premier Ministre radical qui voulait révéler la vérité aux Français, qui proposait du concret et qui osait.
Alors Monsieur le Premier Ministre, à votre tour, opérez la rupture avec les politiques de facilité, dites la vérité aux Français, proposez du concret, Osez !